Depuis juin 2019, l'île Saint-Honorat a enlevé les poubelles sur ses sentiers. Une décision prise par les moines qui vivent sur place pour éviter d'être submergés par les déchets des touristes. Un bilan positif, selon les résidents et les vacanciers.
"Sans poubelle, l'île est plus belle !" Depuis deux ans, l'île Saint-Honorat aborde fièrement ce slogan. Ce petit coin de paradis, situé dans la baie de Cannes dans les Alpes-Maritimes, accueille chaque année plus de 110.000 visiteurs.
En juin 2019, les moines qui s'occupent de l'île ont décidé de retirer les poubelles. En cause ? La prolifération des rats et les dégâts faits par les goélands qui ravageaient les sacs-poubelles et répandaient les ordures sur l'île. La vingtaine de moines présents sur le site étaient donc débordés par tous ces déchets.
Certaines recommandations avaient aussi motivé cette décision.
L'Office national des Forêts (ONF) avait alors réalisé des diagnostics et des études sur la faune et la flore des îles de Lérins, ils recommandaient de retirer les 50 poubelles présentes sur le site.
L'ONG Small islands organisation (SMILO) avait également abondé dans ce sens. Son objectif est d’accompagner les petites îles de moins de 150 km² qui souhaitent s’engager vers une gestion territoriale plus durable. En 2020, elle s'était réjouit de la mise en place du dispositif.
"Avoir retiré les corbeilles, c'est aussi avoir retiré du mobilier disgracieux", précise l'un des moines.
Un bilan positif
Des tonnes de déchets en moins et plus besoin de les ramasser. Chacun repart avec son panier d'ordures et jusqu'à présent les touristes sont disciplinés. Sur les chemins de randonnée, peu de déchets visibles.
"Bien sûr que l'on va repartir avec nos bouteilles en plastique, elle est tellement belle cette île, il faut la préserver", s'exclame une des visiteuses. La communauté religieuse présente sur place, vérifie chaque jour aux côtés d'agents de sécurité la propreté du site.
Il faut veiller à ce que personne ne laisse traîner ses ordures, ou essayer de les cacher entre deux rochers. Parfois, quelques mauvaises surprises subsistent, mais ces comportements restent à la marge.
C'est donc un bilan positif qui se dessine. Selon une enquête de satisfaction réalisée par les moines, 90 % des visiteurs sont favorables à ce système. Il faut néanmoins garder à l'esprit que cette expérimentation s'est déroulée sur une surface restreinte, l'île s'étend sur 0,4 km², ce qui facilite cette organisation particulière.
Chaque visiteur repart donc avec ses déchets, c'est ce que nous avons fait. Cette simple mesure permet de limiter le nombre de rotations de barges remplies de sacs-poubelles
Fin novembre 2019, seulement quelques mois après la mise en place du dispositif. Ce sont 13 tonnes de déchets en moins qui ont été ramassées, soit environ - 22 % d'ordures sur l'ensemble de cette première "année test". C'est la communauté d'agglomérations qui s'occupe de collecter les déchets à l'aide de barges.
En 2019, le maire de Cannes LR David Lisnard avait demandé des subventions pour rendre plus efficace leur collecte. "Cela va nous permettre de mieux collecter les déchets de notre bassin de vie, en garantissant un service public toujours plus performant et efficace, au meilleur coût, au profit des habitants et contribuables que nous sommes tous", a-t-il déclaré. En mars 2021, l’Agglomération Cannes Lérins a obtenu près de 80 % de financements publics pour moderniser ses équipements de collecte de déchets.
L'île voisine Sainte-Marguerite, pourrait à son tour être concernée par ce système du "sans poubelle".
Recycler ses déchets
Sur l'île deux "déshydrateurs" sont utilisés pour réaliser du compost et recycler au mieux les déchets. L'unique restaurant du site, en utilise un pour ses épluchures de légumes. Ce lieu reçoit en moyenne 350 couverts par jour en pleine saison.
La machine fonctionne toutes les nuits pour broyer les déchets en une espèce de poudre noire avant d'être remise dans la terre pour la fertiliser.
Les religieux fabriquent eux aussi leur propre compost, il est ensuite utilisé pour le potager du monastère.
Les plaisanciers restent des mauvais élèves
Principale zone d'ombre sur ce tableau : les plaisanciers. Ils sont des centaines à mouiller entre les deux îles à la belle saison, certains laissent leurs poubelles près de l'embarcadère ou du petit port. Certaines incivilités sont aussi constatées.
Et les déchets finissent alors par se retrouver dans la mer. "Il y a davantage de déchets sur le littoral sud de l'île Sainte-Marguerite", précise l'un des moines.
"Cet été, une cinquantaine de navires se sont réunis pour faire la fête. En mai, 50 mètres de nos canalisations, ont été arrachés par un navire", ajoute un des habitants de l'île.
L'été ce sont parfois près de 3000 bateaux qui circulent chaque jour autour des îles. Soit près de 10 000 plaisanciers. Le réel enjeu pour préserver la biodiversité et la tranquillité des habitants reste donc de contrôler les flux de navires aux abords des côtes.
Frère Vincent, un des résidents rappelle : "nous ne sommes pas contre le mouillage des bateaux, nous sommes ravis d'accueillir du public, mais il faut encadrer ces pratiques car elles nuisent à la faune et à la flore présentes dans les fonds marins."
Depuis octobre 2020, la préfecture des Alpes-Maritimes, a décidé de règlementer le mouillage des unités de plus de 24 mètres sur les côtes. Auparavant, seul un "cadre général" du mouillage des navires dans les eaux territoriales françaises de Méditerranée était en vigueur.
Sur l'île Saint-Honorat, les moines mettent également en place des campagnes de sensibilisation. Un plan de prévention a été lancé par les Jeunes Accueil Lérins (JAL). Cette institution existe depuis 50 ans, ils ont entre 20 et 30 ans et ils viennent effectuer un séjour de quelques jours à l'abbaye.
Chaque été, c'est aussi l'occasion de rappeler les bons gestes à adopter :
Depuis la mise en place du système "île sans poubelle", leurs missions ont évolué. Ils continuent d'assurer l'accueil des publics et la médiation autour du patrimoine de l'île, mais ils sensibilisent aussi les visiteurs à la préservation de ce site naturel.
Fin septembre sur l'île Saint-Honorat, des échanges auront lieux avec plusieurs gestionnaires d'îles, dans le cadre des opérations menées par l'ONG SMILO (voir au-dessus). L'objectif s'échanger les bonnes pratiques afin de s'inscrire dans un projet de tourisme durable.
Depuis plusieurs années, la ville de Cannes espère voir le classement des îles au patrimoine mondial de l'Unesco.