Ce mercredi 18 août, un prévenu a réussi à prendre la fuite en escaladant la paroi vitrée du box des accusés. Il y a un moins d'un mois, un autre homme avait lui aussi réussi à s'extraire du box pour en découdre avec la victime. Surveillance policière, conception du box : y'a-t-il des failles de sécurité au sein du palais de justice de Grasse ?
Il a surpris tout le monde : magistrats, forces de l'ordre, avocats. En quelques secondes, ce prévenu âgé d'une trentaine d'années s'est volatilisé, en pleine audience correctionnelle au tribunal de Grasse. "Une véritable anguille" nous confie une source policière qui poursuit : "C'est quelqu'un de très véloce, il a réussi à se faufiler entre les fonctionnaires de la police nationale et les surveillants pénitentiaires". Avec une agilité certaine, l'homme a escaladé le box. "J'ai entendu deux gros boums", nous raconte un témoin présent dans la salle.
"Ça s'est passé en 3 secondes : il a mis le pied sur la vitre, puis a pris appui en haut du box". Malgré les cris de sa famille l'enjoignant à ne pas fuir, s'en est suivie une course éclair pour s'échapper du tribunal, sans que personne ne puisse l'arrêter, pas même les agents de sécurité à l'entrée, floués par la malice du fuyard. L'homme a en effet couru vers la sortie en prétextant haut et fort une bagarre à l'intérieur de la salle d'audience, faisant ainsi diversion. Il connaissait cette salle d'audience, où le procès avait été renvoyé plusieurs fois. Il n'est donc pas exclu qu'il ait préparé son coup.
Selon Nice-Matin, qui ont révélé l'affaire, il était jugé pour une affaire de "saucissonnage". Alors que la présidente examinait le fond du dossier, l'interrogeant sur les faits qui lui sont reprochés, l'homme a choisi d'esquiver les questions et de prendre la fuite, prenant tout le monde par surprise. Par ailleurs poursuivi pour une tentative d'assassinat, il est jugé potentiellement dangereux.
Un incident qui intervient moins d'un mois après qu'un autre prévenu a, lui aussi, réussi à s'échapper du box, pour en découdre avec la victime présente sur le banc des parties civiles. L'homme, détenu à la maison d'arrêt de Grasse, comparaissait pour des violences commises sur un autre détenu dans la cour de la promenade. À ses côtés, 3 autres prévenus, dont l'un a cassé la vitre du box. Et dans la salle, suffisamment de forces de l'ordre pour maîtriser les hommes et les exfiltrer. Cette fois-ci pas d'évasion, mais la même question : comment, en moins d'un mois, deux hommes sont-ils parvenus à s'extraire du box des accusés, normalement surveillé et conçu pour être infranchissable ?
Menotter un prévenu reste une exception
Premier constat : même si les prévenus qui comparaissent détenus peuvent être menottés, ils le sont très rarement, au nom de la présomption d'innocence et de la dignité humaine. Pour Laurent Alcaraz, policier et délégué départemental du syndicat Alliance, il faut montrer plus de fermeté.
Si on n’est pas en capacité de faire des travaux de sécurisation parce que c'est un budget conséquent pour la justice, qu'au moins on les menotte dans le dos ou qu'on les entrave. Il n'y a rien de choquant à ça, on éviterait les évasions
Laurent Alcaraz, délégué départemental du syndicat de police Alliance
Attention à respecter la présomption d'innocence et la dignité humaine, répond Franck Gambini, avocat et bâtonnier de Grasse.
Ce n'est pas parce que deux incidents regrettables ont eu lieu à Grasse, que des mesures disproportionnées et contre-productives par rapport au droit de la défense doivent être prises"
Franck Gambini, avocat et bâtonnier de Grasse
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La sécurité du box déjà renforcée
Reste l'autre question : faut-il renforcer la sécurité du box des accusés, pour le rendre réellement infranchissable ? Elle l'a déjà été, nous explique Jean-Michel Adam. Cet avocat grassois a assisté à une tentative d'évasion il y a quelques années : "à l'époque, le box était entouré de petits filins d'acier, séparés d'environ 50 cm. L'homme a tenté de passer à travers deux filins. Il a été intercepté par les forces de l'ordre, qui l'ont retenu par les jambes".
Depuis, le box est séparé de la salle d'audience par une vitre.
On ne va pas faire comme à Palerme, où des hommes qui comparaissaient dans des affaires mafieuses étaient enfermés dans une cage
Jean-Michel Adam, avocat à Grasse
Un avis partagé par le bâtonnier :
Il ne faudrait pas qu'on soit dans des box vitrés hermétiques : le prévenu doit être jugé dans des conditions dignes. C'est la France, pas la Russie.
Franck Gambini, avocat et batonnier de Grasse
Tous s'accordent en revanche pour réclamer une surveillance policière accrue lorsque c'est nécessaire, y compris dans la salle d'audience, ce qui n'est plus systématique.