Cultivé au XXe siècle, l'oignon rose de Menton a aujourd'hui presque disparu des étals. Alors il y a quelques années, des agriculteurs se sont regroupés pour relancer la production de ce légume plus gros et plus doux que ses collègues jaunes et rouges.
À quelque chose près, on pourrait faire un parallèle avec le vin. On connaissait l'oignon rouge, l'oignon blanc (ou plutôt jaune). Et voilà qu'avec l'été, apparaît l'oignon... rose. Plus précisément, l'oignon rose de Menton.
Ce dimanche, cette commune des Alpes-Maritimes lui a organisé une fête, d'autant que ce légume a failli disparaître...
Sauvé grâce à une famille d'agriculteurs de Castellar
"Cet oignon était vendu en quantité dans le bassin mentonnais au XXe siècle", rembobine Maxime Schmitt, un des co-présidents de la Maison des semences paysannes maralpines (MSPM), l'organisateur de la fête. "Petit à petit, les agriculteurs ont disparu et cette variété aussi car elle n’était pas enregistrée au catalogue des variétés."
Enfin presque. Sur les hauteurs de Castellar, Nicole Lotier conserve précieusement quelques graînes que sa famille cultivait. "L'oignon de Menton, j'y tiens beaucoup car j'ai été élevée avec. Je le mange comme une pomme !", nous racontait-elle l'été dernier.
Un agriculteur de Contes, Arnaud Valentin, récupère auprès d'elle quelques unes de ces semences. Et les met en terre. C'est aujourd'hui Rudy Terreno qui poursuit son travail après le décès accidentel d'Arnaud. "Je suis contente que Rudy prenne la suite", continue Nicole Lotier.
C’est un oignon assez doux, qui a un patrimoine d’environ 100 ans, adapté au climat local.
Rudy Terreno, agriculteur à Contes
Sur ses terres contoises, l'agriculteur de 32 ans, membre de la MSPM, a récolté cette année 850kg de ce légume bulbe. "Ca coulait de source pour moi de continuer ce qu'avait commencé Arnaud", explique Rudy Terreno.
Un oignon d'un kilo
Au-delà de son histoire, qu'a donc de si particulier cet oignon rose de Menton ? "Il est plus doux, on peut même le manger cru !", affirme Rudy Terreno. Il paraîtrait même qu'il fait moins pleurer quand on le découpe...
Sa forme et son poids sont étonnants aussi puisqu'il peut facilement peser plus d'un kilo. Pour Victor Brandi, le cuisinier de la MSPM, sa taille lui donne même quelques idées de recettes...
Cet oignon est moins piquant qu’un oignon jaune ou rouge. Il est assez fruité et gorgé d’eau. Grâce à sa taille assez grosse, dans un burger, je remplace par exemple la viande par un steak d’oignon.
Victor Brandi, co-président de la MSPM
Alors ces agriculteurs font tout pour pérenniser l'espèce. Les graines sont semées "à la pleine lune du mois d'août", précise Maxime Schmitt, qui travaille la terre à Ceriana, à côté de San Remo (Italie). La récolte se fait durant la deuxième quinzaine de juin. "Il se conserve trois mois environ puis se met à germer et repasse un hiver en terre." Ce n'est qu'au mois de juin suivant que l'oignon rose est vendu, au bout d'un cycle de 22 mois.
Aujourd'hui, une quinzaine de producteurs participe à ce travail de survie, dont Mauro Colagreco, le chef 3* du Mirazur. "L'année dernière, on a récolté quelques tonnes", se réjouit Maxime Schmitt.