En pleine Covid-19 et quelques mois après la tempête Alex qui a dévasté les vallées de l'arrière pays niçois, la détermination de certains acteurs locaux permet aux élèves de l'école de Saorge de déjeuner, chaque jour, dans le restaurant de leur village. Une belle histoire de la vallée de la Roya.
Il est des petits miracles qui font du bien aux esprits et aussi aux estomacs. A Saorge dans les Alpes-Maritimes, c'est le cas.
Depuis le 1er février dernier, la petite vingtaine d'élèves de l'école maternelle et du cours préparatoire peut déjeuner, chaque jour à "La petite épicerie" dans un des deux restaurants de la commune nichée derrière Menton.
En soi, c'est déjà une bonne chose. Cela permet aussi aux exploitants de cet établissement de ne pas mettre la clé sous la porte, comme bon nombre de leurs confrères frappés de plein fouet par la crise de la Covid 19.
Seconde "bonne chose", et non des moindres, "La petite épicerie" travaille avec une certaine éthique et philosophie.
"C'est avec une grande fierté que nous accueillons les enfants de l'école pour leur repas de midi. Les enfants vont en effet venir manger chez nous et avoir accès à des repas concoctés avec notre philosophie. C'est à dire bio, local et de saison". Camille Labro dit "éduquer les enfants au bien manger, c'est aussi leur apprendre à prendre soin d'eux mêmes, des autres et de leur environnement, tout en se régalant. C'est une démarche écologique, humaine, vertueuse et délicieuse. C'est juste l'essentiel" souligne Frédérique Pierre de " La petite épicerie ".
Les enfants vont venir manger et avoir accès à des repas concoctés avec notre philosophie. C'est à dire bio, local et de saison !
Repris il y a deux ans, par Frédérique Pierre et son compagnon, l'établissement se veut être un restaurant singulier. "Ici, pas de chichi. C'est moi qui suis dernière les fourneaux. Je suis une autodidacte, je fais de la cuisine familiale mais qu'avec des produits dont je connais et maîtrise l'origine".
Alors pour cela, les patrons ne lésinent pas. Ils sont souvent sur la route, et d'autant plus depuis le passage de la tempête Alex, pour trouver Le bon produit selon eux.
"L'hiver c'est plus compliqué pour les fruits et légumes bio. On travaille pas mal avec "Nature 10" à Grasse, mais c'est loin ! Dès que nous le pouvons, nous travaillons avec les maraichers de La Brigue, de Breil-sur-Roya et de la vallée de La Roya. Depuis une petite année, il y a des jeunes qui se sont installés à Saorge, nous les privilégions à la bonne saison. Pour la viande, nous nous servons pas mal chez le boucher de La Brigue ou chez des éleveurs de La Roya, mais ils ne sont pas très nombreux. D'ailleurs, puisque j'y suis... Je suis à la recherche d'un pêcheur ! Pour les fromages de vache, de chèvre ou de brebis nous prenons des produits de La Brigue ou de Piène-Haute à Breil".
" Notre volonté, c'est de faire manger de tout aux enfants. J'ai été étonnée la semaine dernière, le gratin de courges butternut a très bien fonctionné, la soupe de lentilles corail aussi. Et, nous nous efforçons à chaque fois de leur expliquer quels sont les légumes que nous utilisons et comment nous les préparons. On leur montre avec quoi on fait les choses, tout simplement. Grace à cette expérience, ça nous permet de garder la tête hors de l'eau. Et pas seulement financièrement. Ça fait aussi du bien au moral d'entendre tous ces bruits d'enfants dans la salle du restaurant bien qu'il y ait le Covid, et après la tempête Alex ! ".
Du Covid-19 à la tempête Alex
Lors du regroupement pédagogique entre Saorge et Fontan, il y a un peu plus d'une dizaine d'année, les élèves de maternelle et du cours préparatoire de Saorge ont tous été accueillis, pour le déjeuner, à l'Ehpad du village. L'hôpital de Breil-sur-Roya, fournissait les repas, l'Ehpad la salle de restauration. L'aboutissement d'un projet intergénérationnel. Tout allait pour le mieux, dans le meilleur des mondes.
Puis, la Covid-19 y est arrivée, avec son lot de malheur. Plus question d'y laisser entrer qui que se soit.
C'est donc au tour de la salle des fêtes de Saorge d'accueillir pour le déjeuner les petits élèves. Cela aurait très bien pu continuer de la sorte si en octobre 2020 la tempête Alex n'avait pas semé le cahot dans l'arrière pays niçois.
La mairie de Saorge, comme beaucoup d'autres quand elles ont pu le faire, réquisitionne alors sa salle des fêtes.
De l'Ehpad à "La petite épicerie "
Une fois que les Saorgiens ont pu reprendre un semblant de "vie normale'', Brigitte Bresc, la maire du village s'est mobilisée, dès la fin décembre, afin de faire aboutir un vieux projet : redonner aux enfants la possibilité de déjeuner dans leur village.
D'une pierre deux coups, elle lance un appel d'offre aux deux petits restaurants moribonds du village et demande à la préfecture la possibilité de faire déjeuner les jeunes élèves dans celui qui répondra le plus favorablement.
C'est chose faite depuis le 1er février : la salle du restaurant de "La petite épicerie" raisonne des cris et des coups de fourchette des maternelles et des CP de Saorge.
" C'est vraiment une excellente chose. Tout le monde a vraiment bien joué le jeux. Les restaurateurs et la préfecture auusi."
Non seulement, les enfants de notre commune n'ont plus besoin d'aller déjeuner ailleurs que chez nous, mais en plus, le restaurant ne va pas mettre la clé sous le porte. C'est du gagnant-gagnant sur tous les plans.
Le coup de pouce pécuniaire de la commune
En répondant à l'appel d'offre, le restaurant propose à la mairie des repas à 6,50 euros. Soit deux euros supplémentaires que ceux que les parents payaient déjà pour la restauration scolaire fournie par l'hôpital de Breil-sur-Roya. Une somme qu'a décidé de prendre en charge la commune au vu du projet de très grande qualité proposé par le couple de restaurateur.
"Ne sont servis aux enfants que des repas du jour. Je suis vraiment très satisfaite que se projet ait pu aboutir. C'est une vraie bonne idée pour tout le monde à Saorge.
Du bon, du bio, du frais et qui en plus qui fait travailler l'économie du village. Comment ne pas se réjouir ?"
Des parents d'élèves aux anges
Hormis le fait que leurs enfants n'ont plus besoin de se déplacer d'un village à l'autre pour déjeuner, qu'ils mangent un repas préparé comme à la maison, voire mieux parfois, selon les dires de certains parents, les parents sont enchantés de cette nouvelle formule.
Là, c'est un restaurant qui prépare la cuisine tous les jours, ça sort du four et va direct aux assiettes. Et en plus, c'est une belle initiative citoyenne.
Pour nous le prix n'a pas changé et les enfants y sont super biens. Gabrielle, ma fille de 6 ans est rentrée de la cantine en me disant qu'elle avait mangé des choux rouge et que c'était super bon ! Elle est ravie, en plus, la salle du restaurant est charmante. Nous on sort d'une restauration collective... On ne peut, que être ravis !
Certes, ce qui est proposé aux enfants ne va pas forcement dans leur sens. Ici pas de frites industrielles, ni de nuggets qui baignent dans la sauce ! Nous sommes bien loin de 'image de la restauration scolaire.
Ici, déjeuner peut ressembler plus à une expérience d'apprentissage du goût. Et c'est ça qui rend la démarche d'autant plus intéressante pour Frédérique Pierre. Petites salades fraiches et croquantes, potages, pâtes aux légumes, gratins de légumes oubliés, fromages qui sentent la biquette...
Aujourd'hui à midi, les enfants ont eu une salade de mâche, des lasagnes au poisson et une crème caramel ! Le tout fait du jour.
Et d'ajouter comme un trophée : "en 2002, nous avons été labellisé éco table".
Comme une envie de remanger à la cantine, non ?