Dans le hameau de Tende, seul un hôtel a décidé de maintenir son activité. La situation est critique pour les professionnels du tourisme car la route d'accès est toujours inaccessible à cause de la tempête Alex. Et les touristes ne sont pas au rendez-vous.
À Castérino (Alpes-Maritimes), en cette fin décembre, le paysage est idyllique : des cimes enneigées, un manteau blanc seulement foulé par quelques pas humains ou empreintes d'animaux. Dans cette station de ski de fond situé dans le Parc national du Mercantour, pourtant, pas un touriste à l'horizon.
"Ce matin, je n'ai vu personne, à part vous et Paul !", confirme un habitant de Tende, venu boire un coup au retour de sa chasse à l'éterlou.
Un peu plus loin, cachés derrière un parcours d'accrobranche, des cris d'enfants et un bruit de quad. Sur son engin équipé de chenilles pour la neige, le papa tracte son petit dernier assis sur une luge. "C’est trop cool, plus vite !", crie Facundo, 9 ans.
Un seul hôtel ouvert
Cette famille de résidents monégasques est venue passer les fêtes de fin d'année à 1.500 mètres d'altitude, dans leur maison secondaire. "Je lis, je sors, je joue avec la neige et je m’amuse avec papa et le quad", poursuit Facundo.
On n'avait jamais vu Castérino comme ça. C'est un peu triste de ne pas voir des gens dans le village. Nous, on est ici pour le loisir, mais pour les hôtels, c'est plus difficile.
Maria Julia et Maria Pia15 et 17 ans
Sur les quatre hôtels du village, un seul a ouvert ses portes cet hiver. "Fallait qu'on ouvre pour jouer le jeu, que ça se dise et que les gens sachent qu'on est ouvert", explique Paul Servel, le gérant de l'Auberge Sainte-Marie-Madeleine depuis 27 ans.
Mais en une semaine : seuls une famille de Breil-sur-Roya et un habitant de Menton sont venus. Pas de quoi être rentable.
On a eu une petite aide de la Carf [la communauté d'agglomération], heureusement. C'est une goutte d’eau mais qui a permis de souffler. On a quelques économies qui vont nous permettre de passer le cap de Noël. On va résister tout ce qu’on peut et on espère que l’Etat va nous aider parce qu’on n’est pas sûr de tenir jusqu’à l’été
Paul ServelGérant de l'Auberge Sainte-Marie-Madeleine
Même interrogation dans l'hôtel voisin, qui a fait "une petite saison" cet été et qui a dû rester fermé cet hiver pour cause de non-réapprovisionnement en gaz.
Si on ne nous aide pas financièrement, on ne pourra pas rester !
Nathalie BoulangerGérante de l'Hôtel Les Mélèzes
"On n’a plus de trésorerie et on ne pourra pas tenir plus de trois mois", poursuit Nathalie Boulanger.
11 mois de travaux
Dans la vallée de la Roya, les ravages de la tempête Alex d'octobre 2020 sont toujours présents. La RD91, qui va de Saint-Dalmas-de-Tende au hameau de Castérino, est loin d'être reconstruite.
Au total, 35 brèches (éboulements, affaissements) ont été répertoriées sur les 14 kilomètres de la route.
Une en particulier nécessite la création d'une galerie paravalanche de 60 mètres, pour un coût de 4,5 millions d'euros (le cinquième de la totalité des travaux sur cette route). Durée prévue du chantier : onze mois.
En attendant, il faut parcourir les quatre derniers kilomètres à pied pour atteindre Castérino.
"Ce n'était pas la solution la moins onéreuse, mais la plus rapide. Le Département était prêt à payer plus chère une solution plus rapide", explique Guillaume Chauvin, le responsable de la reconstruction de la Roya au Département.
Les travaux de l'ouvrage ont déjà commencé : campagnes de sondage et préparation des accès. Le gros des travaux commencera au mois de mars après la neige.
Guillaume ChauvinResponsable de la reconstruction de la Roya au Département
La magie de Noël
Dans ce décor de chantiers et d'engins mécaniques, il y en a un qui a réussi à se frayer un chemin cette semaine. Accompagné d'une trentaine de lutins au bonnet rouge tirant de lourds traineaux, le père Noël est venu en personne au village. Ils ont apporté des cadeaux, des vivres et de l'essence à la dizaine d'habitants restée à Castérino pour l'hiver.
En fait : des bénévoles issus des associations qui viennent en aide depuis plus d'un an aux sinistrés de la tempête, emmenés par Martial Lyonnais, le président de "Mission trekkeurs".
On a créé des traineaux particuliers avec des skis et des roues. On a au moins 130kg sur un chariot et 120 sur l'autre !
Martial LyonnaisAssociation Mission trekkeurs
"Il faut être beaucoup pour tirer ces traineaux", avoue Alexis, un bénévole de 51 ans venu de Saint-Blaise, au nord de Nice. "Mais on s'auto-organise naturellement et ça va vite !"
"Ca nous fait plaisir de venir. C'est la solidarité", enchaîne Sabine, 42 ans, venue de Villeneuve-Loubet.
Arrivés au village, les bénévoles répartissent les cadeaux. Certains habitants ne peuvent cacher leur émotion. "Y en a trop !", murmure Michel Martin, le gardien du Chamois d'or, au bord des larmes.