2023 pourrait bien être la dernière année des plagistes de Menton. On leur demande de changer leur structure pour une installation toute neuve qui leur coûterait environ 700 000 euros chacun. Un coût qu'ils ne comprennent pas alors que leur structure actuelle tient très bien la route.
"On nous demande de tout détruire, de tout raser et de reconstruire", s'indigne Michèle Leoni, gérante du restaurant Da Mitchou situé sur la plage à Menton. Reconstruire se traduirait par un investissement de 700 000 euros environ, explique-t-elle. C'est une somme qu'elle n'est pas sûre de pouvoir rassembler.
Le renouvellement des concessions des restaurants sur la plage de Menton doit se faire à la fin du mois d'août 2023. Pour continuer leur activité, les 11 plagistes qui se partagent le bord de mer doivent respecter un cahier des charges précis qui requiert de changer la structure de leur restaurant. Alors que leurs installations ne sont pas vétustes, que les années de Covid sont passées par là, fragilisant leur économie, et que l'inflation est à son maximum, les restaurateurs sont atterrés de voir qu'on leur demande d'investir 700 000 euros pour continuer à travailler.
Les nouveaux établissements seront faits essentiellement de baies vitrées.
Ils veulent tout raser et reconstruire alors qu'on a des structures avec des micro-pieux plantés dans le sol qui ont tenu trois tempêtes et qui n'ont pas bougé !
s'insurge Michèle Leoni.
Pas plus tard que mercredi 19 janvier au matin, elle a pu constater encore une fois la solidité de sa structure. La tempête Fien a fait quelques dégâts dans son restaurant. Malgré les énormes sacs de sables de près de deux tonnes placés devant le restaurant, la forte houle de la mer a ramené beaucoup de sable, de cailloux, de morceaux de bois et de détritus à l'intérieur de son établissement.
Heureusement, les dommages sont restés limités : "Mes tables ont tenu, seule de la verrerie et des assiettes se sont cassées", décrit-elle. Après un grand nettoyage, elle a pu rouvrir ses portes ce vendredi 20 janvier.
Mais elle ne sait pas pour combien de temps.
"C'est peut-être ma dernière année"
"C'est peut-être ma dernière année", craint Michèle Leoni. "Pourtant, on a mis 12 ans à construire ce restaurant, pour qu'il y ait une ambiance familiale, appréciée par les gens du coin, de Menton, Monaco et Nice. Tout le monde connaît le Da Mitchou !", assure-t-elle.
Si elle ne parvient pas à trouver les financements, elle ne pourra pas continuer à exploiter cet endroit pour son restaurant. D'ailleurs, elle n'est pas certaine que l'investissement vaille le coup. Elle a peur de "mettre une telle somme et que tout parte à la mer" si les baies vitrées prévues dans le cahier des charges ne résistent pas aux cailloux apportés par les coups de mer.
La crainte est la même chez Rocco Loisi, gérant de La Cabane Plage :
Ma structure va être rasée au sol pour mettre des vitres et une pergola bioclimatique. C'est compliqué côté financier - entre 550 et 700 000 euros - Et côté sécurité ! Les vitres face à la mer sans une protection, ça va être dangereux pour nous et pour les clients.
Rocco Loisi, gérant d'un restaurant
De plus, les nouvelles structures s'étendraient sur une surface plus petite qu'actuellement. Cela signifie que les restaurateurs pourraient servir moins de clients par service. Là encore, c'est une condition qui ne passe pas. Fernando Usaï, lui aussi plagiste, le regrette :
"Le projet est beau, mais on ne pourra jamais faire le chiffre d'affaires qu'on nous impose par rapport à l'investissement, ça, c'est clair. Pour deux raisons : l'investissement est trop grand et la structure est trop petite."
Côté mairie : silence radio. Dans un communiqué du samedi 14 janvier, Yves Juhel explique qu'il est "soumis au plus strict silence", "afin de respecter les règles très strictes qui s'appliquent dans le cadre d'une procédure en cours de renouvellement de délégation de service public".
Fernando Usaï n'a plus qu'une requête : "Mon vœu serait qu'on nous laisse travailler, on ne demande que ça. J'ai bientôt 60 ans : qu'est-ce que je vais faire, changer de métier après 32 ans de restauration ?"
À Menton, le bras de fer entre les élus et les plagistes risque d'être un feuilleton à rebondissements.