Agriculteurs en colère dans les Alpes-Maritimes : mobilisés ce vendredi, avec un florilège de revendications

La grogne gagne les campagnes et les professionnels du monde agricole. Dans les Alpes-Maritimes, la liste des revendications est longue, à la veille de la mobilisation à Nice, surtout parmi la jeune génération. Ce vendredi 26 janvier, ils seront à la préfecture. Pour manifester, et sans bloquer.

Les agriculteurs français ont commencé à rejoindre la grogne lancée par leurs confrères allemands contre la fin des subventions du diesel agricole, dès la mi-décembre. Rapidement rejoints par des agriculteurs de pays limitrophes d'Europe centrale, le mouvement s'amplifie en France. 

Dans l'Hexagone, la journée de ce mardi 23 janvier a été synonyme de deuil. Ce mouvement naissant a été frappé par la mort d'une agricultrice de 36 ans et de sa fille de 12 ans. Elles ont été tuées par une voiture, en Ariège, sur un barrage routier.

En Côte d'Azur, les contestations du milieu paysan s'organisent dans le Var, ce jeudi à Toulon et à Draguignan. Ce vendredi 26 janvier, c'est à la préfecture des Alpes-Maritimes, à Nice que les agriculteurs se réuniront. Sans blocage annoncé. Les revendications ne manquent pourtant pas. Elles sont listées par nombre d'entre eux, comme Vincent de Sousa, un quadra affilié au syndicat de la fédération départementale ovine. 

Trop de normes 

Lorsque l'on échange ce mercredi 24 janvier avec celui qui travaille "à Levens, au bout de la plaine du Var". Il égraine la longue liste des difficultés que rencontrent les agriculteurs en ce début d'année 2024 dans les Alpes-Maritimes. Quelques exemples ? La présence du loup pour commencer. La préfecture exige de nouvelles démarches "par rapport aux mesures de protection, l'acquisition des chiens". "Il nous est demandé dorénavant un certificat de capacité pour ces animaux. On est censé se tourner vers un vétérinaire ou un professionnel, mais personne ne veut nous les signer" explique-t-il.

Il y a des normes de plus en plus sévères, et il y en a de plus en plus.

Vincent de Sousa, éleveur à Levens

Il y a aussi les "retards de paiement de la PAC", la politique agricole commune. Autre lourdeur administrative : un logiciel informatique mis en place l'année passée au niveau national laisse coi les agriculteurs. "On passe plus de temps à le remplir que les formulaires papiers" sur des "tableaux qui ne font pas d'additions automatiques."

"Chaque année, on nous demande les mêmes documents, mais leur système n'est pas capable d'en archiver", reproche l'éleveur qui gère un troupeau de 180 brebis laitière et transforme ses produits à la ferme.

"La taxe sur le GNR, c'est le gouvernement qui gère, pour le reste..."

Pour certains de ces agriculteurs, la taxe sur le gazole non-routier (GNR) n'est pas au cœur de leurs préoccupations. Si la modification du tarif de ce carburant est à l'origine de la mobilisation outre-Rhin, les inquiétudes des agriculteurs français semblent bien plus larges. Le Premier ministre Gabriel Attal a reçu les syndicats en ce début de semaine, mais certains griefs sont gérés bien au-delà de la tête du gouvernement. "La taxe sur le GNR, c'est le gouvernement qui gère, pour le reste...", tempère Vincent de Sousa.

Certes, il y a l'inflation, le prix de l'électricité, mais ce qui coûte cher à nos agriculteurs, c'est la concurrence que beaucoup jugent déloyale. Les céréales, c'est un marché mondial. En France, on voit de la viande ovine produite avec des normes interdites en France et en Europe, tout ça à cause d'accords que l'on a signés.

Inquiétudes pour l'avenir

La décroissance de la population paysanne est une préoccupation centrale pour ces professionnels qui craignent de voir leurs métiers disparaitre. À l'heure où le président de la République parle de réarmement, c'est un arsenal agricole français qui se meurt. 

"Des jeunes, il n’y en a plus, il n’y a plus personne. On va perdre 200.000 agriculteurs sur 10 ans, d'ici là, la moitié partira à la retraite" analyse Vincent de Sousa. Pour faire entendre leurs voix, l'éleveur maralpin espère que le mouvement "essaiera de tenir le bras de faire" et compte, malgré son emploi du temps chargé, de "tenir une journée sur un point" de contestation.

Par manque d'engouement pour ce métier, c'est toute une filière qui se retrouve en danger.

On perd des milliers de têtes de bétails tous les ans, des abattoirs sont susceptibles de fermer parce qu'ils n'ont plus assez d'activités.

Vincent de Sousa, éleveur à Levens

Un temps, lors de la crise du Covid, certains éleveurs ont vu émerger des nouvelles pratiques chez les consommateurs de produits consommés localement, en circuit court. Mais cette parenthèse enchantée n'a pas durée : "Pendant 18 mois, c'était super bien la vente directe. Les grandes surfaces ont repris la main depuis". Sans blâmer pour autant ces consommateurs marqués par l'inflation.

Concurrence déloyale

Lucie Cateland est éleveuse à Tourrette-Levens, elle est proche de la Confédération paysanne. Ces premières mobilisations dans le Var et les Alpes-Maritimes, elle ne compte pas les rejoindre tout de suite. Non pas qu'elle n'adhère pas à différentes revendications, mais il est difficile de composer dans des délais si courts avec un emploi du temps chargé, qu'elle répartit entre ses volailles et ses oliviers. "Tout le monde a été pris au dépourvu, mais ce n’est pas impossible que cela prenne de l’ampleur dans les Alpes-Maritimes".

Si elle avoue ne pas avoir "les mêmes revendications"  que la FDSEA, qui favorise une agriculture davantage intensive, alors que Lucie croit en la "petite paysannerie". "Nous, on prône plutôt l’agroécologie" explique-t-elle.

Un point d'achoppement : "l'utilisation du glyphosate, pour nous, c'est une réelle contrainte pour le côté biologique".

Elle s'accorde avec d'autres organisations syndicales sur bien des points. "On les rejoint sur les histoires d’accord de libre échange" qui permettent de faire arriver sur le marché de la viande "de Nouvelle-Zélande à 6 euros le kilo". Des tarifs qu'elle ne peut contrer, lorsqu'elle vend un kilo de viande autour de 13 euros le kilogramme.

Des dérogations de confinement pour les volailles dans le cadre des épidémies de grippe aviaire seraient aussi largement appréciées par ces éleveurs en plein air. Bien de contraintes qui permettent à ces jeunes agriculteurs définitivement leur envol.

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