De la chasse-ribaud aux mesures sanitaires liés au Covid-19 : le couvre-feu à travers les siècles

Le couvre-feu a traversé les siècles, faisant sa dernière apparition à l’échelle nationale lors de la Seconde Guerre Mondiale. Mais d'où vient cette injonction à la rhétorique militaire ? Pour le savoir, remontons au Moyen Âge et découvrons la chasse-ribaud.

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C'est au cours du Moyen Âge qu'apparaît, pour la première fois, l'instauration par un Etat central d'un couvre-feu.
Depuis, il a traversé les siècles, faisant sa dernière apparition à l’échelle nationale, lors de la Seconde Guerre mondiale, puis de façon localisée lors de conflits passagers, comme les émeutes de 2005.

Dans le monde entier, dans divers contextes, le recours au couvre-feu est employé, notamment lors de catastrophes naturelles ou de soulèvements de populations.Il y a quelques siècles, il en est tout autrement.

Une origine normande  ?


Au Moyen Âge, le couvre-feu est, tout d'abord, une mesure prise pour éviter les incendies, comme son nom l'indique et non pour réglementer les allées et venues des populations.

En effet, à cette époque les habitations faites de bois et de torchis, sont chauffées au feu de bois. Une étincelle, un léger moment de mégarde, le feu prend et se propage rapidement dans l'ensemble de la ville.

Certains historiens, comme Georges Dubosc, lient l’origine du couvre-feu à la Normandie. " Guillaume-Le-Conquérant l’aurait instauré vers 1061, afin de limiter les incendies - d’où son nom  et de contrôler certains méfaits ".
 

On a des traces de couvre-feux tous les soirs à Rouen durant le Moyen Âge

Georges Dubosc


Après son sacre comme roi d’Angleterre, en 1066, alors qu’il faisait face à une fronde de certains Anglais, il aurait instauré un couvre-feu pour mater toute rébellion.
L’idée de cette interdiction de sortie, qui consiste à prendre une mesure liberticide pour éviter la propagation d’une situation dangereuse (incendie, virus, violences), par la suite est restée.

Pour d’autres spécialistes, ce procédé aurait existé bien avant et serait une pratique généralisée depuis longtemps dans d’autres régions.


La cache-ribaud : une cloche et un nombre de coups spécifiques pour sonner le couvre-feu


La sonnerie d'une cloche installée dans le Gros-Horloge de Rouen signifiait le début et la fin du couvre-feu quotidiennement. Cette cloche s'appelait la cache-ribaud.
 
 

Dans les actes d’emploi, on disait que les gens étaient employés de la cache-ribaud du matin à la cache-ribaud du soir

Jacques Tanguy, spécialiste de l'histoire de la ville de Rouen


Ainsi, chaque soir, la cache-ribaud sonnait dans toutes les villes et villages du pays pour signifier qu’il était l’heure d’éteindre son feu ou de le couvrir avec une plaque en fonte afin d’éviter les risques d’incendie la nuit.
Il ne s’agissait donc pas encore complétement d’une interdiction de sortir dans les rues passé certaines heures.

De la cache-ribaud au chasse-ribaud à Lyon


Selon l'Obs, " le chasse-ribaud, nom masculin invariant en nombre, est une retraite sonnée au soir dans le village indiquant que le guet ramasserait ensuite toutes les personnes rencontrées pour les emprisonner jusqu'au lendemain ". Une variante de nom que l'on retrouve dans l'ouvrage  " Croyances et légendes du centre de la France " de Germain Laisnel de la Salle.

L'auteur y décrit dans les moindres détails les coutumes et traditions des paysans. Leur vie faite de craintes, de labeur et de réjouissances les superstitions, les peurs ancestrales, les fées, les sorciers, la place omniprésente de la religion, les contes, les veillées, les mots de patois et leur étymologie, les dictons et proverbes, les chansons, les animaux, les fêtes, les jeux, les costumes.

Réputation quelque peu sulfureuse


On y apprend notamment que le nom de Ribaud est donné au XIIIe siècle aux chevaliers les plus recommandables. Près d'un siècle plus tard, le nom de Ribaud n'est plus aussi étincelant. Loin de là. Il désigne une sorte de grand veneur aux chasses fanatiques à la réputation quelque peu sulfureuse. Au XIVe siècle, toujours, il est également employé pour qualifier des personnes "dissolus et sans aveu ".

Autre histoire de Chasse à Ribauds durant la période médiévale à Lyon dont voici un extrait :

"On donnait à Lyon, le nom de chasse-ribaud, à une espèce de couvre-feu ou de retraite que la trompette sonnait tous les soirs, du haut des tours de Notre-Dame de Fourvière. Aussitôt, que ce signal avait retenti, les ribauds et malandrins de toutes espèces devaient vider les brelans et autres maisons mal famées, sinon le roi des ribauds les faisait saisir par ses estafiers et conduire en lieu sûr " .
 

Quelques pages plus loin, est décrite une scène sculptée dans une rue d'Issoudun, une commune du département de l'Indre dans la région Centre-Val-de-Loire.

" A Issoudun, dans la rue de Rome, une très vieille enseigne sculptée sur pierre représente le roi des ribauds. Ce ribaud-là n'est ni un officier, ni un officier de police. C'était tout simplement le roi des buveurs de ce temps. Sous le bas-relief, est inscrit : à ta santé ". Ce ribaud-là s'apparente donc au joyeux compagnon, au gaillard, au bon vivant. Tout comme l'équivalent italien, "ribaldo", qui peut se traduire en français par coquin ou misérable, homme de mauvaise vie.

"chasse-ribaud"de Seine-Saint-Denis

A l'intersection de la rue de la boulangerie, de la rue Lanne et de la rue Gabriel Peri de la commune de Saint-Denis (93200), un curieux point d'information historique est offert aux passants sur lequel on peut lire :
 
"...Les cloches rythment les différents moments de la journée. Celle du couvre-feu, appelée chasse-ribaud, sonne la fermeture des tavernes, car ces établissements sont soumis à une réglementation très stricte : il est interdit aux taverniers de donner à boire pendant la messe, et le soir, après 10 heures en été et 8 heures en hiver".
 

Dans  " Histoire de la banlieue ecclésiastique de Paris, Volume 2, Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris. Édition Prault, 1754" on peut lire également : 
" Dans cette église était la cloche qu'on appeleé chasse-ribaud en 1362. Les chanoines avaient cessé de la faire sonner le soir. Il leur fut enjoint de rétablir l'usage ".
 

Le XXeme siècle, un siècle de couvre-feu

Depuis la seconde guerre mondiale le couvre-feu a fait sa réapparition :  sous l’Occupation allemande pour empêcher la Résistance, durant la guerre d’Algérie, durant le massacre du 17 octobre 1961.

Plus proche de nous, pendant les émeutes de 2005 les couvre-feux visent les mineurs.

Durant les attentats de 13 novembre 2015 l’état d’urgence est réinstauré.

En 2020, le premier couvre-feu sanitaire est établit en Guyane.

Nice : première ville a avoir instauré un couvre-feu en mars 2020

Outre le confinement imposé au printemps dernier, l’actuelle crise sanitaire a également déjà donné lieu à des couvre-feux locaux.

La ville de Nice, dirigée par Christian Estrosi (LR), a été l’une des premières à annoncer son instauration le vendredi 20 mars dernier.
 Dans la foulée, plus d’une centaine de communes ont fait de même. Décidées par les préfectures ou les communes, les mesures ont finalement concerné essentiellement des villes du sud et du nord-est de la France, les plus touchées par l’épidémie.


Chasse-ribaud à nouveau à Nice


Les Alpes-Maritimes et le Var ont été placés jeudi en "zone d’état d’urgence sanitaire renforcé" par le Premier ministre : les deux départements vont être soumis à un couvre-feu pour une durée de six semaines.

Couvre-feu ou chasse-ribaud, en vieux français, détails sur ce que vous pourrez faire et ne plus faire.

 
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