Suite aux intempéries meurtrières en Corse, le gouvernement souhaite installer de nouvelles "bouées météorologiques" en mer, pour anticiper les catastrophes. Comment vont-elles fonctionner ? Avis d'experts.
Des bourrasques allant jusqu'à 224 km/h. La Corse a été balayée, jeudi 18 août, dans la matinée, par de violents orages. Cinq personnes ont perdu la vie.
Suite à ce drame, le gouvernement souhaite mieux anticiper les phénomènes météorologiques.
"Nous avons connu un épisode exceptionnel d'une rare violence, mais cela nous oblige à mettre des moyens pour être en capacité de mieux prévenir", a déclaré le secrétaire d'État à la Mer, Hervé Berville.
Pour y parvenir ? Des bouées spécifiques vont être disposées.
Ces bouées seront en mer en 2023, a précisé le secrétaire d'Etat, expliquant qu'il fallait "le temps de les construire". Elles seront installées, en concertation avec des scientifiques et acteurs de la mer, "ni trop près ni trop loin des côtes corses."
Cinq bouées devraient être mises en service. Il y en a pour le moment deux de ce type en Méditerranée. Elles mesurent trois mètres de diamètre et environ six de hauteur, ce sont quasiment des stations météo à elles seules.
Comment vont-elles fonctionner ?
Selon Météo-France, une bouée météorologique est une bouée équipée de systèmes permettant la mesure de paramètres météorologiques et océanographiques, ainsi que la transmission de ces données à terre.
Elles mesurent principalement :
- La pression atmosphérique.
- La vitesse et la direction du vent.
- La température de l'air et de la mer.
- L'humidité de l'air, ainsi que la période, la hauteur et la direction des vagues.
Concrètement : les observations alimentent les modèles de prévision numérique du temps. Elles permettent un suivi en temps réel de l'évolution des situations et donc la comparaison avec les déroulés prévus par les modèles.
L’objectif premier de l’utilisation des bouées est de compléter le réseau d’observations in situ, et cela, à des fins de surveillance et de prévision du temps. Le réseau d’observations est réduit en mer, qui recouvre pourtant les trois-quarts de notre planète.
Météo France
Météo-France dispose de très nombreuses sources d'observation (satellites, radars, stations météo au sol, ballons sondes, capteurs dans certains avions de lignes, bouées dérivantes ou ancrées…) pour les différents paramètres météo, mais toutes ces observations, dont la mesure du vent, sont effectivement beaucoup moins nombreuses en mer, car plus complexes à installer, concentrer et maintenir.
Ces bouées permettent d'observer la nature, d'anticiper les destructions, et d'éviter les morts. C'est très important d'avoir un maximum de données.
Pierre GattusoOcéanographe et expert du GIEC - Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat
Pour les scientifiques, ces données collectées permettent aussi de tirer des conclusions sur les risques pour les milieux marins.
En déplacement en Corse, Hervé Berville assure que l'Etat va investir plus de 3 millions d'euros dans ce système de bouées connectées.
Au micro de France 3 Corse, il ajoute : "il faut tirer des leçons, et être en capacité de faire mieux la prochaine fois pour protéger les Corses."
L’objectif de ce déplacement était aussi de gérer l’urgence et d’évoquer "la question de l’évacuation des épaves, de leur stockage, de la lutte contre les pollutions ou encore de comment planifier la déconstruction de toutes ces épaves", notamment à Girolata, sur la commune d’Osani, où de nombreux bateaux sont toujours échoués sur les rochers.
Les tempêtes vont s'accélérer
Le bassin méditerranéen est aujourd'hui l'une des régions du monde les plus touchées par le réchauffement climatique. Fin juillet, des experts de l'évolution climatique alertaient, auprès de l'AFP, sur la "grande vague de chaleur marine" en cours depuis fin mai, avec des températures "exceptionnelles" supérieures de "4 à 5 degrés" aux normales. Le réchauffement de la Méditerranée intervient à la surface, mais aussi dans les couches plus profondes.
"L'eau chaude de la Méditerranée favorise l'ascendance de l'air", explique à Franceinfo le météorologue Nicolas Le Friant. L'air chaud et humide remonte dans l'atmosphère dès que les températures se rafraîchissent dans l'air.
La Méditerranée devient donc une réserve d'eau chaude, particulièrement propice à la formation des orages.
Des conclusions également confirmées par Pierre Gattuso, océanographe et expert du GIEC, "Si les données observées seront plus précises grâce aux bouées, ce sont les modes de consommation qu'il faut repenser pour éviter ces phénomènes."
Après un été particulièrement chaud, le refroidissement des températures à l'automne pourrait générer des "medicanes".
Cette contraction du mot "hurricane" (ouragan en français) et de "Méditerranée", désigne une tempête extrême de courte durée, très violente. Le phénomène s'est produit en 2011, dans le Var, des rafales de vent jusqu'à 150 km/ heure ont été enregistrées !