Et si vous faisiez vos achats de Noël et fin d'année en Nissart, la monnaie locale de Nice

La production des nouveaux billets Nissarts est imprimée et sera mise sur le marché dès ce mercredi 20 décembre. Ils sont quelque 3.000 qui attendent, prêts à inonder de nombreux commerces niçois. Et pour le plus grand plaisir des collectionneurs, de nouveaux dessins seront mis à l'honneur.

  36  300 euros ! C'est l'équivalent en euros des billets Nissarts 2024 qui sont proposés aux échanges.

Cette monnaie locale qui a pour objectif de promouvoir la production de la ville de Nice, l'artisanat et les activités typiquement niçoises est aussi un vecteur de la langue, de l’histoire et de l’art. Mais comme toutes les monnaies locales, elle est complémentaire à la monnaie officielle, l'euro et permet de payer des transactions entre particuliers et entreprises ou entre entreprises. 

À Nice, une chose est commune à tous les billets : l’écriture du mot Nissart est réalisée par Ben, l’artiste reconnu pour ses écritures avant-gardistes postmoderne, ses performances et ses installations stupéfiantes.  

Pour Cristou Daurore, le créateur de ce vaste mouvement de "Nissartitude" c'est bien davantage qu'un simple clin d’œil   à la proche voisine italienne de Seborga qui frappe monnaie depuis 1995. Son inspiration, il l’a eue à Pézenas où Molière passa sa jeunesse, près de Montpellier. C’est là qu’une monnaie locale, l’Occitan, est émise.    

Président de la Republica de Nissa, professeur de niçois, artisan du projet d’école en niçois Calendreta, Cristou Daurore est intarissable sur la monnaie Nissart qu’il a mis en circulation en décembre 2017.

Ce reportage de France 3 Côte d'Azur lui était consacré :

La 1ʳᵉ année, nous avions sorti sept billets. L’année suivante, deux de plus. On a eu l’idée de créer 2 valeurs originales pour deux évènements : un billet de 3 Nissarts (soit 3 euros) pour les 30 ans de la mort de Francis Gag. Un billet de 7 Nissarts pour rendre hommage à Amédée VII de Savoie pour la Dédition de Nice à la Savoie, en 1388. Ces deux billets, on les pensait éphémères, mais il y eut un tel engouement qu’on les refait chaque année !

Cristou Daurore, président de la Republica de Nissa.

Le monde incroyable des collectionneurs

Tous ceux qui servent la Republica de Nissa le font sur la base du volontariat et de la passion. Il y a un public que cette monnaie locale n’avait pas imaginé toucher   : celui des collectionneurs.  

À chaque émission, la limite de validité des billets est de 1 an. «   Ceux qui les gardent en dépassant la date du 31 décembre, nous considérons que c’est un don à l’association Republica de Nissa, explique son président. On a découvert que les billets prennent de la valeur au fil des années. Ils sont revendus plus chers que leur valeur initiale, car les collectionneurs font monter les enchères. D’ailleurs ils nous ont demandé de numéroter les billets. On l’a fait à partir de 2020, ce qui n’est pas simple pour l’imprimeur. Ils ont aussi demandé de chiffrer la quantité émise par valeur de billet. Une association de collectionneurs, le «   cercle numismatique de Nice   » nous suit avec beaucoup d’attention. Chaque année, dans leur revue «   Les Annales   » un article très sérieux est édité sur notre monnaie de Nice."  

Un nouveau bureau de change

Tout n’est malheureusement pas si joyeux au pays de la Republica de Nissa. Les deux anciens comptoirs de change, un primeur et une alimentation bio, ont mis la clef sous la porte pour des raisons économiques en 2023. Il a fallu trouver un autre lieu de banque. C’est l’atelier d’une dessinatrice, auteur renommée qui a repris le flambeau.

Les dessins sur papier à l'encre de Chine et à l'aquarelle de l'illustratrice Sylvie T. sont colorés, débordant de sensibilité. L’artiste puise son inspiration dans le cœur historique de Nice. C’est donc tout naturellement qu’elle a accepté que son atelier du Vieux-Nice face au Palais Lascaris, créé en 1993, devienne aussi le bureau de change du Nissart.  

Je connais Cristou depuis très longtemps et on a déjà travaillé ensemble. Chaque fois qu’il me sollicite, je suis enthousiaste et je participe gratuitement et bénévolement. Dès qu’il s’agit de patrimoine et d’architecture, mes petites antennes bougent immédiatement !

Sylvie T., artiste.

Clara, la nouvelle apprentie de Sylvie T. tient l'atelier les mardi, mercredi et jeudi de 9h à 18h. "C'est elle qui m'aidera pour ce comptoir de change.  

La démarche n’est pas folklorique

La démarche de billets Nissarts n’est pas folklorique. "Elle m'intéresse parce que j'y vois autre chose de très esthétique. Cette monnaie fait circuler de belles idées, un bel échange, un circuit court" commente Sylvie.

Parmi les 21 partenaires où l’on peut payer en Nissarts, on trouve un paysan de Lucéram qui vend ses confitures et ses légumes frais, un cabinet d’avocat et de médiation, un opticien, un célèbre vin de Bellet, une librairie, un magasin de bougies artisanales, un cabinet d’ostéopathie, des artistes, des restaurants…

Tous ont à cœur de valoriser le patrimoine et l’histoire du comté de Nice.

Ce n’est pas pour rien que sur les billets sont représentés les deux symboles de la ville, l’Aigle de Nice sur celui de 1 Nissart (1 Euro) et la Ratapignata sur celui de 2 Nissarts.

"Les personnages importants de l’histoire de Nice se retrouvent sur les autres coupures", explique Cristou Daurore.

• L'artiste Gustav-Adòlf Mossa (dessin de Carlo Bovari) est dessiné sur le billet de 9 Nissarts crée pour 2023,
• Pepin Garibaldi (dessins de Sylvie T et Carlo Bovari) pour le 10 Nissarts
• Catarina Segurane pour le billet de 20 Nissarts (dessin Carlo Bovari et plan Honoré Pastorelli).
• Le billet de 50 représente Lalin Fulconis, un héros barbet du village de L’Escarène, grand résistant pendant la période d’occupation française, lors de la Révolution puis de l’Empire (dessins d'Alain Benedetto et Eva Fumaroli)
• Le billet de 100 est un hommage à Menica Rondelly, le créateur de l’hymne niçois, Nissa la Bella.

Quand on lui demande quelles sont les coupures les plus demandées, sans conteste le Président de la Republica de Nissa répond : « les billets de 1, 2,10 et 20 Nissarts. Il y a un billet très spécial qui me tient particulièrement à cœur et dont la valeur est unique au monde, c’est celui de 0 Nissart   sorti en 2020 et vendu 10 euros ! C’est le billet de l’OGC Nice avec le stade du Ray, celui de l’Allianz Riviera et l’aigle mascotte Mefi. C’est un billet-don pour soutenir l’ouverture de l’école en niçois Calandreta".

Chaque année, de nouveaux commerces rejoignent les afficionados de la monnaie locale. Pour 2024, ce sont deux restaurants qui emboitent le pas de la démarche, plutôt surprenant, Güz’el, un restaurant culturel de Turquie et des Balkans   à deux pas du marché de la Libération, et Casa Nissa, jouxtant la place Masséna qui propose des spécialités méditerranéennes.

Claude Galera, le patron depuis 24 ans, a rejoint le mouvement sur un coup de cœur   : «   il y avait une exposition des billets à Cimiez pendant la fête des Mai. J’ai apprécié la véracité de la démarche, sa transparence et son authenticité. Je suis un affectif. J’ai immédiatement adhéré à l’esprit de l’association. La force des coutumes niçoises, de l’histoire m’ont touché. Ça transpirait la volonté sincère, un retour aux sources, une matérialisation de tout ce qui fait l’identité niçoise et j’aime cet esprit.   »

Un petit nouveau en 2024

Pour 2024, un nouveau billet a été créé : 8 Nissarts pour célébrer les 80 ans de la mort de Max Barrel. Pour la 1ʳᵉ fois le drapeau français figure sur la monnaie locale en hommage aux résistants martyrs de la Seconde guerre mondiale. Il est censé être éphémère et n’exister qu’1 année, mais peut-être que son avenir sera différent !

En 2020, il existait déjà plus de 80 monnaies locales complémentaires en circulation en France, dont la roue dans quatre départements de Provence-Alpes-Côte-d'Azur ou le Renoir à Cagnes sur Mer.

Il n'est pas possible de déposer de la monnaie locale sur un compte en banque. La France a ainsi été le premier pays européen à légiférer sur les monnaies locales.