Christian Estrosi est venu vendredi 7 mai sur notre antenne pour expliquer sa démission du parti Les Républicains. Après la diffusion d'un reportage sur son ascension politique, il a contesté les raisons de la suspension de séance de mars 1998.
Même 23 ans après, cette suspension de séance fait encore l'objet de toutes les crispations.
Replaçons nous dans le contexte : mars 1998, il faut élire le président de la région PACA. La droite essaye de conserver la région à tout prix mais elle est en mauvaise posture : l'UDF-RPR et le FN sont ex-aequo avec chacun 37 voix. La gauche a obtenu 49 voix. Faire alliance avec le Front national est alors très tentant.
Du temps pour négocier avec le FN ?
Invité du journal de France 3 Côte d'Azur ce vendredi 7 mai à 19h00, Christian Estrosi a nié le fait que cette suspension de séance ait permis de négocier avec le FN. Selon le maire de Nice, « M. Stellardo (alors adjoint au maire de Nice) était candidat avec le soutien de Monsieur Le Pen pour prendre la présidence de la région. J’ai demandé une suspension de séance pour que ce soit Monsieur Léotard qui prenne la région. »
"C'était très brutal entre les deux clans"
Christian Estrosi réagit après un reportage qui reprenait sa vie politique de "bébé médecin", du nom de l'ancien maire de Nice, Jacques Médecin. Dans ce reportage, le journaliste reprend des archives où l'on entend clairement dire : « je souhaite demander une nouvelle suspension de séance et cette fois-ci, Monsieur le président, je vous demande de nous l’accorder jusqu’à lundi ». François Léotard, président de la région, réagit : "c'est honteux cette histoire !"
Christian Estrosi est alors partisan d"une alliance avec le FN pour faire barrage à la gauche. Mais sur notre antenne, Christian Estrosi conteste cette version des faits. Nous avons vérifié.
Un récit pourtant réexpliqué par nos confrères de franceinfo en 2015 : "C'était très brutal entre les deux clans. Les manœuvres d'Estrosi avec Le Pen et Mégret apparaissaient au grand jour. Et nous, nous observions ça en spectateurs", relatait Robert Alfonsi, ancien conseiller municipal et régional de Toulon. Le week-end passe, les tractations se poursuivent en coulisses.
Dans cette vidéo, le récit de l'ascension de l'actuel maire de Nice : des années Médecin aux accointances macroniennes.
Eviter un accord entre les élus fontistes une partie de ses troupes
Quel était le but de cette suspension de séance ? Le week-end a-t-il permis d'organiser des tractations avec le FN ? Gagner du temps pour discuter, convaincre... bref pour "s'arranger" ?
A l'époque, ce bonus temportel est qualifié de "porte de sortie miraculeuse" par le journal Libération. Une autre époque en effet. Car en 1998, Jean-Marie Le Pen, qui siègeait dans l'assemblée régionale de PACA, avait demandé la présidence de la région.
De nombreux journalistes ont assisté à cette séance houleuse. Certains élus ont aussi témoigné dans la presse. Comme François Léotard, qui jouait son fauteuil de président de la région PACA à ce moment-là.
En 2015, il a expliqué les coulisses de cette suspension de séance dans une interview parue dans Paris-Match. L’ancien maire de Fréjus avait maintenu sa candidature à la présidence de la région, afin d’éviter un accord entre les élus frontistes et une partie de ses troupes. Des troupes de plus en plus dispersées.
« J’étais en liaison constante avec Philippe Séguin. Il craignait, si je cédais, que les digues ne se mettent à sauter. C’était très compliqué ». Sur Christian Estrosi, François Léotard précise : « Je sais que des contacts [avec le FN] avaient été pris par lui et d’autres ».
Le groupe des "résistants" et le groupe des "collabos"
Jean-Pierre Giran faisait partie des 16 « résistants » comme ils se qualifiaient alors. L'actuel maire de Hyères (Var), souhaitait « créer un groupe avec ceux qui ne sont pas d'accord pour s'allier au FN. François Léotard pense comme moi.» Le groupe des 21 sont appelés les « collabos ».
48 heures de tractations qui se sont déroulées dans l'ombre. Seule certitude, cette interruption dans le processus de vote a permis de gagner du temps, de renforcer les divisions internes à droite et de faire gagner la gauche.
En 1998, le socialiste Michel Vauzelle était sorti victorieux de ces sombres tractations.
Tomber dans l'escarcelle de l'ex-Front national ?
Aujourd'hui, c'est le positionnement vis-à-vis du parti présidentiel La République en Marche qui pose problème. D'où la démission de Christian Estrosi du parti Les Républicains cette semaine.
Mais le scénario de 1998 pourrait-il se reproduire ? La région pourrait-elle être la première région de France à tomber dans l'escarcelle de l'ex-Front National... le Rassemblement national ?
Démissions, trahisons... les élections régionales de 2021 commencent déjà comme une bande-annonce de série télévisée.