Après avoir suspendu en référé l'arrêté de fermeture définitive du collège privé musulman Avicenne à Nice, le tribunal administratif s'est penché sur le fond ce mardi 25 juin. Ce dossier oppose depuis des mois l'établissement au préfet des Alpes-Maritimes qui évoque des "financements opaques".
Lors de l'audience de ce mardi 25 juin, le tribunal administratif examinait sur le fond la décision de l'État de fermer le collège privé musulman Avicenne situé dans le quartier de l'Ariane à Nice.
Préfecture et collège sont restés sur leurs positions, sans apporter plus de détails. La préfecture demande toujours la fermeture définitive de l'établissement. Le collège reconnaît des erreurs de comptabilité et avoir tardé à fournir les documents demandés par l'administration, mais conteste les accusations de "financements opaques".
La décision du tribunal sera rendue mi-juillet.
Le 19 avril dernier, le tribunal administratif, saisi en référé par la direction de l'établissement, avait suspendu l'arrêté de fermeture en attendant l'examen du dossier sur le fond.
Audience au fond demain matin pour le collège Avicenne. Le rapporteur public soutiendra la demande d’annulation de l’arrêté de fermeture déjà suspendu par le TA de Nice en avril 2024. pic.twitter.com/h5QHWQxgPe
— Sefen Guez Guez (@Me_GuezGuez) June 24, 2024
À la sortie de l'audience ce 25 juin, Benoit Hubert, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes, expliquait de nouveau la position de la préfecture :
Le préfet considère que les justifications apportées au terme de 18 mois d’une procédure contradictoire ne satisfont toujours pas aux obligations légales et que la provenance des fonds de cette association n’est pas établie.
Benoit Hubert, directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimesà France 3 Côte d'Azur
"Pour nous, moins de 15% des recettes perçues sont déclarées et justifiées dans les conditions prévues par la loi. Ce qui signifie que 85% de ces recettes ne le sont pas. Donc la mesure de fermeture administrative sur le fondement du défaut de transparence financière de cet établissement nous paraît manifeste" précise-t-il.
La préfecture réclamait ces preuves de financement depuis octobre 2022.
Pour sa part, Sefen Guez Guez, l'avocat du collège Avicenne se dit serein et parle d'acharnement de la part de la préfecture. Déjà conforté par la suspension de l'arrêté de fermeture au mois d'avril, il estime que le jugement sur le fond ira dans le sens de l'établissement privé.
La préfecture n’a pas amené d’éléments déterminants nouveaux. Ils sont venus chercher quelques petits virements de 25 ou 30 euros pour dire qu’il y aurait là une absence de transparence de l’association alors que le rapporteur public et les magistrats dans le cadre du référé ont été particulièrement clairs.
Sefen Guez Guez, avocat de l'association Avicenneà France 3 Côte d'Azur
"L’association a une comptabilité transparente puisqu’elle est tirée de ses relevés bancaires, rien de plus. Donc il n’y a pas de difficulté à identifier les destinataires et ceux qui émettent des virements au profit de l’association : ils viennent tous de comptes bancaires français, majoritairement situés sur la région niçoise, ils sont identifiés et le juge des référés nous avait donné gain de cause sur cela, je ne pense pas que le tribunal aille dans une direction différente".
Retour sur des mois de bras de fer
- Le 26 février, Nicole Belloubet, actuelle ministre de l'Éducation nationale, avait annoncé vouloir fermer le collège musulman Avicenne de Nice pour "financement opaque". Cet établissement privé hors contrat a ouvert en 2015 et accueille 96 élèves.
- Le 14 mars, le préfet des Alpes-Maritimes ordonnait la fermeture du collège à la fin de l'année scolaire en justifiant « des financements opaques et des irrégularités financières manifestes », sans remettre en question la qualité de l'enseignement. La loi de 2021 contre le séparatisme oblige les établissements à informer l'administration des origines de leurs financements. Ce que le collège Avicenne avait fait de manière trop imprécise.
- Le 19 avril, saisi en référé, le tribunal administratif de Nice avait suspendu l'arrêté de fermeture du préfet. Dans un communiqué accompagnant son ordonnance, le tribunal a expliqué que les "erreurs et imprécisions" relevées dans la comptabilité de ce collège privé hors contrat n'étaient "pas de nature à justifier la fermeture définitive de l'établissement".
Sefen Guez Guez, l'avocat du collège, s'était alors félicité de la "clairvoyance et du travail minutieux du tribunal". Hugues Moutouh, le préfet des Alpes-Maritimes, avait, lui aussi, commenté cette décision sur le fil X (anciennement Twitter) : "le tribunal administratif de Nice a rendu sa décision et suspend mon arrêté de fermeture définitive du collège privé hors contrat Avicenne à Nice. Cette ordonnance en référé ne constitue pas le jugement sur le fond et ce jugement n'est donc pas définitif."
Je maintiens que les financements de cet établissement sont pour l'essentiel opaques et non conformes à la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République
Hugues Moutouh, préfet des Alpes-maritimesCompte de la préfécture sur X
Sefen Guez Guez, l'avocat du collège Avicenne, a par ailleurs annoncé qu'il compte attaquer la décision de la préfecture de ne pas permettre à l'établissement de passer sous contrat. Plusieurs demandes avaient été formulées auprès de l'État qui les a toujours refusées "sans justifier sa décision" d'après Maître Guez Guez.
L'affaire, très médiatisée, a fait exploser les demandes d'admission. Près de 140 élèves souhaitent s'inscrire à la rentrée 2024, et une trentaine de demandes ont été refusées. La préfecture précise qu'en cas de fermeture de l'établissement, toutes les dispositions étaient déjà prises de "façon à pouvoir accueillir les élèves au sein d'autres établissements du quartier de l'Ariane ou de ses abords de façon que la continuité de l'enseignement soit garantie."