Guerre en Ukraine : à Nice, la socca pourrait disparaître à cause d'une pénurie mondiale de pois chiches

Après la moutarde ou l'huile, ce sont les pois chiches qui pourraient manquer dans le monde. Leur production risque de chuter de 20 % cette année. A Nice, la socca est réalisée à partir de la farine de ces légumes secs, les professionnels du secteur sont inquiets.

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Vent de panique chez les amateurs d'apéro suite aux ruptures de stock de houmous. Sur la Côte d'Azur, c'est la disparition de la Socca qui inquiète les gourmands. En cause : une pénurie de pois chiches. La guerre en Ukraine, le dérèglement climatique, et les problèmes de transport sont à l’origine de cette baisse de production. Les prix de ces légumes secs devraient s'envoler de près de 15 %, car la demande ne fléchit pas. 

Ce n'est pas maintenant qu'on va changer la recette, donc plus de pois chiche, plus de socca !

Sophie Mekersi, vendeuse de socca

Sur le Cours Saleya à Nice, se trouve l'emblématique stand de produits locaux du restaurant Theresa. Chaque jour, Sophie Mekersi sonne la cloche pour annoncer l'arrivée de la socca niçoise directement sortie du four à bois. La patronne tente de conserver son optimisme face à l'annonce de cette pénurie, mais elle reconnaît : "Ce n'est pas maintenant qu'on va changer la recette, donc plus de pois chiche, plus de socca !"

Ici, les niçois et les touristes, se pressent pour déguster cette galette dorée typique, des pains bagnats, ou encore de la pissaladière. Une habituée de l'enseigne affirme : "Nice sans socca, ce n'est plus Nice !"

Chez Theresa, institution niçoise vieille d'un siècle, la socca est réalisée selon les traditions. Huile d'olive, eau, sel et farine de pois chiches sont les ingrédients indispensables de cette délicieuse galette dorée au feu de bois. Dans les cuisines, Jean-Luc Mekersi affirme : "Chaque jour, on utilise près de 20 kilos de farine de pois chiche. Si nous ne sommes plus approvisionnés, on a plus qu'à fermer la porte."

Vendue trois euros la part en moyenne, la socca pourrait voir ses prix augmenter, ou tout simplement se faire de plus en plus rare… le temps de cette pénurie.

Un plat emblématique menacé

Ni provençale ni italienne, la cuisine niçoise emprunte à l'une comme à l'autre pour se forger une identité gastronomique. En l'occurrence, la socca est probablement une forme dérivée de la "farinata", une galette à base de farine de pois chiches que les Italiens font dorer au four depuis le Moyen Age.

Croustillant et à la fois tendre, le plat a des origines beaucoup plus anciennes dans le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient. De Gênes à Marseille, on peut trouver sous différents noms (panisse, cade…), et différentes formes, des galettes à base de farine de pois chiches.

Découpées en fines lamelles, et à emporter, la socca est enveloppée en forme de "cône" pour être consommée :

En France, elles se démocratisent sous le Premier Empire, lorsque Napoléon Ier fit venir de nombreux ouvriers de France et d'Italie pour reconstituer sa marine de guerre impériale et revitaliser les chantiers de constructions navales à Toulon.

Les pois chiches dans le monde

Cette pénurie n'affectera pas que la cuisine locale. De nombreuses communautés dans le monde dépendent des pois chiches, qui sont un élément de base de nombreux plats, comme les falafels, sources de protéines et de fibres. L'Inde est de loin le premier producteur et consommateur de pois chiches dans le monde. La Russie et l'Ukraine sont également de gros exportateurs. A cause du conflit déclaré en février 2022, Kiev, producteur en 2020 de 40 000 tonnes de pois chiches, n'a pas pu ensemencer la totalité de sa récolte à cause de la guerre. Et la Russie, avec ses 250 000 tonnes (25 % du marché), est sous sanctions. Il faut ajouter à cela les difficultés d'acheminement et l'augmentation des coûts avec la hausse de l'essence. Trouver des pois chiches "bon marché", risque donc d'être de plus en plus compliqué.

L'or beige du Var

En France, la culture du pois chiche est peu développée. Elle se concentre sur le pourtour méditerranéen avec environ huit hectares de culture. Le Var, avec son climat sec et ensoleillé, fait partie des principaux producteurs. Dans la famille des Rebuffel à la Roque-Esclapon, Jules produit en moyenne deux tonnes de pois chiche par an.

Une fois triés, il les vend ensuite sur les marchés provençaux, aux côtés d'autres légumineuses.

Je pourrais essayer d'augmenter mes rendements pour répondre aux besoins, mais du jour au lendemain, on ne peut pas se mettre à ne faire que du pois chiche

Jules Rebuffel, producteur de pois chiche dans le Var

Face à la rareté de l'offre, ce producteur varois pourrait gonfler ses prix. Le pois chiche, deviendra-t-il dans les mois à venir l'or beige du pays varois ?

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