Comme quasiment tous les étés, Christian Estrosi a pris un arrêté municipal pour interdire la mendicité dans certaines rues de Nice. La ligue des droits de l'Homme dénonce une "manière d'invisibiliser la misère".
Depuis les années 90, c'est chaque été la même histoire : le maire de Nice prend un arrêté interdisant la mendicité dans le centre-ville et une association, souvent la Ligue des droits de l'Homme (LDH), le conteste devant le tribunal...
Cette année, rebelote. Christian Estrosi a pris un arrêté le 13 juin interdisant la mendicité entre 9 h et 14 h et de 16 h à 19 h, dans certaines rues et sur certaines plages. "Il leur interdit les lieux où il y a les flux les plus importants de personnes susceptibles de donner", dénonce Henri Busquet, président de la Ligue des droits de l'Homme de Nice qui a déposé un recours le 1er août. "C'est comme mettre un panneau pour cacher la misère".
La LDH conteste régulièrement ces décisions. Légalement, la mendicité peut être interdite quand elle constitue un trouble à ordre public. Ce que réfute l'association :
Il faut les démontrer ces troubles, sinon, c'est un détournement de procédure
Henri Busquet
Jurisprudence favorable
Si l'association n'a pas toujours obtenu gain de cause, cette année "la jurisprudence a évolué dans un sens plus favorable", estime le président de la LDH de Nice. En effet, en mars 2022, le tribunal administratif de Nice a donné raison à l'association et a annulé un arrêté de 2019 interdisant la mendicité.
Le tribunal avait considéré que l'arrêté excédait "très largement la période estivale, celle qui justifiait la mise en application d'un tel arrêté, et sur une très large amplitude horaire de 17 heures par jour."
Et en avait conclu que les "interdictions prévues par l'arrêté attaqué ne constituent pas des mesures nécessaires et proportionnées".
En janvier 2021, la Cour Européenne des droits de l'homme a également condamné la Suisse pour avoir infligé une amende pour mendicité. Le Conseil d'Etat a aussi en partie annulé plusieurs arrêtés anti-mendicité pris par la mairie de Saint-Etienne en juillet 2021.
Un arrêté moins restrictif cette année
Des signes encourageants pour l'association même si, pour éviter de subir un recours comme l'année précédente, la mairie de Nice a pris les devants. "Les cas d'interdiction sont beaucoup plus limités cette fois-ci", juge Henri Busquet. En effet, il ne s'agit plus de 17 heures par jour mais de huit heures.
"C'est un texte qui vise des conduites condamnables au titre du code pénal (mendicité agressive,...) et qui répond aux règles édictées par la jurisprudence: il est limité dans le temps et dans l'espace", confirme la mairie de Nice.
Sur la Côte d'Azur, certaines villes vont encore plus loin. Comme à Monaco, où la mendicité est purement et simplement... interdite toute l'année, par la loi monégasque.
La décision sur l'arrêté municipal aura lieu le 19 août 2022.