Il l'a annoncé ce vendredi 6 septembre lors de sa rentrée politique : Christian Estrosi veut s'attaquer au porte-monnaie des individus condamnés pour trafic de drogue. Il était temps, estiment ses opposants d'extrême-droite. C'est au contraire une fausse bonne idée, pour les élus écologistes.
"Pas de solidarité nationale pour les ennemis de la République. Dans ma France à moi, le laxisme, la faiblesse, l'indulgence, c'est fini". C'est par ces mots de fermeté que Christian Estrosi a justifié la principale annonce politique de son grand raout de rentrée ce vendredi 6 octobre au Jardin Albert-Ier : suspendre le versement des allocations familiales versées à des trafiquants condamnés. Comme cette décision ne relève pas de sa compétence municipale ni métropolitaine, il s'en remet au Procureur de la République de Nice, pour élaborer "une convention entre la CAF, la collectivité et les services de l'Etat pour que tout dealer, tout guetteur, tout trafiquant condamné ne touche plus d'allocations", a précisé le maire de Nice dans son discours.
Après les HLM, les allocations
La ville avait déjà mis en place une mesure similaire en 2021, concernant les logements sociaux : en vertu d'une convention engageant le parquet, le préfet, le bailleur et la Ville de Nice, les délinquants et leur famille peuvent désormais être expulsés d'un HLM. Christian Estrosi affirme que le dispositif a permis 150 expulsions depuis 3 ans.
Mais pour Juliette Chesnel-Leroux, conseillère municipale d'opposition, membre du groupe écologiste, la suspension des allocations familiales n'est pas la bonne réponse pour lutter contre le trafic de drogue.
Le trafic de drogue est un sujet grave (...) Ca ne peut pas se traiter par des grands coups de menton.
Juliette Chesnel-Leroux, conseillère municipale écologiste
L'élue craint notamment qu'une famille entière ne soit pénalisée financièrement pour les agissements d'un des enfants. Pour le moment, Christian Estrosi n'évoque que la suspension d'allocations versées directement à un délinquant. Prévoit-il aussi de sanctionner les parents de mineurs ? Contactée, la mairie nous a fait savoir que la ville travaillait sur le sujet avec le Procureur de la République de Nice et qu'elle en préciserait les détails plus tard.
Autre couleur politique, autre réaction : celle de Philippe Vardon, leader de l'opposition d'extrême droite à la ville de Nice, pour qui "il était temps".
Le principe que ceux qui pourrissent la vie des quartiers ne puissent pas bénéficier de la solidarité nationale, oui, bien sûr (...) Mais ça fait 15 ans que Christian Estrosi est maire, il a fallu attendre d'en arriver là, avec des règlements de compte à l'arme de guerre"
Philippe Vardon, conseiller municipal "Retrouver Nice"
L'élu issu des milieux identitaires, ex-Reconquête, désormais attaché parlementaire de trois députés apparentés RN, veut même aller plus loin : "On ne répond qu'à un bout du problème" selon lui. Il rappelle les chiffres donnés par le Préfet des Alpes-Maritimes au printemps dernier : dans plus de la moitié des cas, les actes de délinquance commis sur Nice et Cannes le seraient par des individus de nationalité étrangère, "qui n'ont rien à faire sur notre territoire". Il en appelle aussi à plus de contrôle dans le versement du RSA pour qu'il ne soit pas "un complément de ressources pour les trafiquants".
Mais attention à ne pas déplacer le problème d'une cage d'escalier à une autre, d'un quartier à un autre, prévient Juliette Chesnel-Leroux. "Le trafic de drogue est une grosse entreprise ultralibérale et criminelle". Pour le combattre, il faut selon elle une approche plus globale, avec la création d'un parquet national du narcotrafic, comme il existe un parquet national financier.
Dispositif déjà en place à Grenoble
Alors suspendre les allocations permettra-t-il d'enrayer le fléau ? Une seule ville a déjà testé le dispositif en France : Grenoble. Depuis 2020, la CAF de l'Isère reçoit du parquet les sommes gagnées illégalement par les trafiquants et les intègre dans leur déclaration de ressources. Cet été, un bilan avait permis d'évaluer à 55 le nombre de signalements. Tous n'ont pas encore abouti à des sanctions, qui, selon les informations du Figaro, peuvent aller de la suspension provisoire à une réduction des montants versés.
Si l'annonce de Christian Estrosi fait réagir au sein de son conseil municipal, tous les élus sont malgré tout d'accord sur le constat : il y a urgence à agir, alors que le trafic de drogue gangrène certains quartiers de Nice, sous fonds de règlements de compte faisant parfois des victimes innocentes. A la mi-juillet, sept personnes d'une même famille, qui n'avaient rien à voir avec le narcotrafic, ont perdu la vie dans l'incendie criminel d'un immeuble aux Moulins.