Des filières fermées, des périodes de stage supplémentaires, des formations pensées selon les besoins du territoire…La réforme des lycées ne passe pas auprès des syndicats d'enseignants qui craignent pour l'avenir de la filière professionnelle. On vous explique ce qui va changer.
La fin des cours vient de sonner au lycée professionnel Jacques Dolle d'Antibes. Quelques élèves sortent par la grille principale, pressés de rentrer chez eux. Très peu ont entendu parler de la réforme des lycées professionnels, prévue pour la rentrée 2023.
Bac pro "Maintenance nautique", Bac pro cybersécurité", CAP "Réparation entretien des embarcations de plaisance", CAP "Équipier polyvalent du commerce"... Dans cet établissement des Alpes-Maritimes, une dizaine de formations professionnalisantes sont proposées.
Plus de stages, mais des stages rémunérés
Comme tous les autres lycées professionnels, dès la rentrée 2023, plusieurs changements vont être opérés, avec la réforme du lycée professionnelle. Une réforme présentée début mai à Sainte (Charente-Maritimes) par Emmanuel Macron, mais déjà dans les tuyaux depuis de nombreux mois.
Parmi les annonces : les stages seront rémunérés, des stages plus longs en terminal, la fermeture de certaines filières, l'ouverture d'autres…
Coupe courte, mèches décolorées, Manolis sort de l'établissement avec deux de ses camarades du CAP coiffure. Il a à peine entendu parler de cette réforme, mais est plutôt déçu de ne pas avoir profité de la rémunération des périodes de stage. "La première année, on ne travaille pas vraiment pendant les stages, mais en dernière année si, argumente le jeune homme. "Ça aurait été bien d'être rémunéré, alors tant mieux pour les suivants !" Dans son cas, avec la réforme des lycées professionnels, un élève en CAP devra toucher 50 euros par semaine de stage en 1ʳᵉ année (soit 200 euros sur l'année) et 75 euros en seconde année (soit 600 euros sur l'année).
Aurait-il souhaité faire plus de stage et avoir moins de cours ? "Non, comme je sais que j'allais travailler dès la fin de mes études, je n'aurais pas voulu", répond tout de suite le jeune homme, qui, après neuf mois de stage chez un coiffeur de Nice, va commencer à travailler pour ce patron dès cet été.
Une réussite qui n'est pas celle de tous les élèves en lycée professionnel. En introduction de sa réforme, l'État met en avant que 33 lycéens sur 100 quittent leur établissement professionnel sans diplôme et que seulement 28 % des jeunes sortant d'un niveau CAP s'insèrent professionnellement six mois après leur diplôme (c'est 40 % pour les bacheliers).
"Il faudrait plutôt renforcer les matières générales"
Julien, 17 ans, son vélo à la main, s'apprête à rejoindre la gare pour rentre chez lui. Autocollant La France Insoumise sur le t-shirt, il prépare un Bac pro et il est plus au fait de la réforme. La mise en place d'une rémunération des périodes de stage ne le convainc pas. "
La rémunération est trop basse, nous sommes des élèves, pas des travailleurs précaires. Si nous sommes payés, les entreprises pourraient s'attendre à ce que nous fassions le travail d'un salarié, argumente-t-il. Lors de mes stages, je n'aurais pas pu me débrouiller seul, sans une supervision.
Julien, 17 ans.
Pour ce lycéen, des périodes de stages plus longues en terminale, au détriment des cours en classe, est une mauvaise idée. "Les cours et les stages en entreprise sont très complémentaires. Il faudrait plutôt renforcer les matières générales, le niveau scolaire est très bas, pour ne plus pénaliser les élèves qui veulent continuer leurs études."
Pour les syndicats, ça ne passe pas
Une réforme rejetée par les syndicats d'enseignants. "Une entreprise ne forme pas les élèves au bon geste, elle montre un métier. Les deux sont donc complémentaires", souligne Olivier Salerno, enseignant au Lycée Pasteur à Nice et référent pour les Lycées professionnels à la CGT éduc'action.
Si demain, vous allez dans un salon de coiffure et qu'on vous met entre les mains d'un jeune de 15 ans, vous n'allez pas être d'accord. Les patrons n'ont pas le temps de former au geste précis, c'est notre métier de pédagogue. L'entreprise permet d'apprendre d'autres choses, comme bien se comporter avec les clients.
Olivier Salerno, CGT éduc'action
Le syndicaliste s'inquiète de l'augmentation des périodes de stage au détriment des temps de cours dans le lycée. "On supprime aussi la possibilité de faire des sorties culturelles, d'avoir des enseignements généraux, on ferme définitivement l'accès à des études supérieures pour ces jeunes. Finalement, on propose aux entreprises des employés pas chers de 15-17 ans et de futurs travailleurs sans statut."
Autre motif de mécontentement : la carte des formations va être chamboulée par la réforme. Des formations vont être ouvertes et d'autres fermées.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, 80 places vont être fermées, principalement dans les métiers de la mode, d'autres vont être ouvertes dans les métiers "des réseaux informatiques".
Des formations qui seront proposées selon les besoins des entreprises du territoire. "C'est un manque flagrant d'ambition. Il faut planifier l'offre de formation pour les besoins à venir, et non pas pour les besoins locaux qui changent tous les trois ans", s'exaspère Olivier Salerno.
Ce qui va changer
- Des périodes de stage rémunérées : dès septembre 2023
La réforme prévoit la rémunération des périodes de stage : 300 euros par an en seconde et en 1ʳᵉ année de CAP. Une rémunération qui ira jusqu'à 1200 euros par an, pour les élèves de terminale.
- Des heures de français et de mathématiques en groupe réduit et des options : dès septembre 2023 pour les lycées volontaires, dès septembre 2024 pour les autres
- Plus de périodes de stage en terminale : septembre 2023.
Les stages pourraient être augmentés de plus de 50 % en terminal, pour les étudiants qui le veulent. Pour ceux qui veulent poursuivre leurs études, ils pourront avoir des cours intensifs d'enseignements généraux et professionnel.
- Fermeture de formations, ouverture de nouvelles : septembre 2023
- Des formations proposées selon les besoins propres du territoire : septembre 2026.