Procès de l'attentat de Nice : la cour reproche à la police de ne pas avoir mis en garde à vue le terroriste, convoqué un mois avant l'attentat

Ce jeudi 27 octobre, un fonctionnaire de la police nationale a raconté l'audition de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel qui a eu lieu au commissariat de l'Ariane le 20 juin 2016, moins d'un mois avant l'attentat qu'il a commis sur la Promenade des Anglais. Lors de son témoignage le fonctionnaire de police s'est fait rabrouer par le président de la cour d'assises.

Le 20 juin 2016, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel se trouvait au commissariat. Convoqué de façon libre pour être entendu par la police, il est reparti libre. Cette façon de faire de la police nationale n'a pas plu au président de la cour d'assises spéciale en charge du procès de l'attentat de Nice. Selon Laurent Raviot, si cette audition n'avait pas été "bâclée", l'attentat aurait peut-être pu être évité. 

L'ex-épouse de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, Hajer K., avait déposé une seconde plainte pour violences conjugales au commissariat de l'Ariane. Dans cette plainte, elle faisait état de moments où son mari la frappait, de façon régulière et elle racontait un épisode particulier. Un jour, à 6 heures du matin, il la réveille en lui versant du vin dessus et lui demande le divorce. Il sort son sexe et lui urine dessus. Il lui dit ensuite "Viens, j'ai une surprise pour toi" et dans une chambre, la femme constate qu'il a déféqué par terre.

Le président, en lisant la plainte, rapporte aussi le moment où Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a poignardé un ourson en peluche en lui disant "Tu crois que je vais m'arrêter là ?". Hajer K. explique aux policiers que suite à ces épisodes, elle a décidé de déménager chez sa mère.

La police nationale tente à deux reprises de trouver Mohamed Lahouaiej-Bouhlel à son domicile pour le convoquer au commissariat. Ils ne le trouvent pas. Les agents de police l'appellent et lui donnent rendez-vous en mai 2016 au commissariat de l'Ariane. Le jour du rendez-vous, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne vient pas. Le 17 juin, la police le rappelle et il est convenu d'une autre convocation trois jours plus tard.

Le 20 juin 2016, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel se rend au commissariat. Le policier en charge de l'affaire n'est pas présent ce jour-là. C'est alors à Joël C., un collègue, qu'il est demandé d'auditionner Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. Le policier Joël C. a témoigné de cette audition, ce jeudi 27 octobre, en vidéo-conférence depuis Nice au procès.

Immédiatement, le président de la cour, Laurent Raviot, lui demande pourquoi cet homme n'a pas été placé en garde à vue. Comme c'est déjà la deuxième plainte pour violences conjugales et que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a été condamné à six mois de prison avec sursis en mars 2016 pour des causes de violences sur son lieu de travail, le président insiste sur ce point.

Le policier se justifie en expliquant qu'il n'était pas en charge du dossier, il n'a pas eu le temps de lire le dossier avant de commencer. 

"Une audition bâclée"

Dans la salle de procès, le président reprend la parole et indique que l'audition de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a duré 22 minutes.

22 minutes d'audition, c'est une audition bâclée.

Laurent Raviot, président de la cour d'assises spéciale

Sur ce point, le policier responsable de l'audition n'a aucune réponse à donner au président, visiblement agacé.

Laurent Raviot, sur un ton réprobateur, explique au policier pourquoi il insiste sur ce point. 

Le 20 juin 2016, si Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avait fait l’objet d’une garde à vue, il aurait fait l’objet d’un examen médical. Donc, à cette occasion si une personne présente des problèmes psychiatriques, on le voit.

Laurent Raviot

Selon lui, en plus d'être passé à côté de la possibilité de faire passer un examen psychologique à Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, c'était aussi une mise en danger pour Hajer K. "2016, ce n'est pas si lointain, on parlait déjà beaucoup des violences conjugales", dit le président au policier. Il explique qu'on parlait déjà des femmes qui dénoncent des violences et qui se retrouvent par la suite tuées par ces auteurs de violence.

Le policier répond qu'en effet, "maintenant, c'est un placement en garde à vue systématique" mais ce n'était pas le cas à l'époque.

Lors de la courte audition, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel ne reconnaît pas avoir déféqué, ni uriné et nie avoir planté un couteau dans une peluche, malgré les photos qui lui sont présentées de ces actes. Il reconnaît le carrelage de son appartement mais dit n'avoir jamais vu ces choses-là.

A la suite de l'audition, Joël C. contacte son collègue en charge de l'affaire et lui indique qu'il lui semble bon d'organiser une confrontation entre l'homme et la plaignante. Joël C. ne sait pas si cette demande de confrontation a été envoyée, mais il sait que la confrontation n'a pas eu lieu avant le 14 juillet.

Pour la défense, cette audition est aussi un point intéressant. A l'avocat de Chokri Chafroud, Me François-Jacquemin, qui a demandé à ce que Joël C. soit entendu par la cour, le policier admet qu'en "35 ans de carrière", il n'a jamais entendu parlé de quelqu'un qui avait déféqué à l'intérieur d'un appartement dans le cadre de violences conjugales. "C'est donc bien inhabituel", conclut l'avocat.

Malgré cet élément qui sort de l'ordinaire, le policier ne se souvient pas vraiment de cette audition, dit-il à la cour, aucun élément ne l’a marqué sur la personnalité du terroriste.

Sur un ton péremptoire, le président s'indigne : "Rétrospectivement, on se dit que c’est une occasion ratée ! Avec un traitement policier et judiciaire différent..." Mais le policier reste stoïque et sans réponse. 

 

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