Mardi 25 octobre débute la huitième semaine du procès de l'attentat de Nice. Quatre jours sont consacrés à la personnalité du terroriste et la préparation de l'attentat qui a causé la mort de 86 personnes, le 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais à Nice.
Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a commis l'attentat qui a tué 86 personnes sur la Promenade des Anglais à Nice au volant d'un camion de 19 tonnes. Ce mardi 25 octobre, un enquêteur de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) a dressé le portrait du terroriste : un homme violent, fasciné par le sexe et les images de mort.
Né le 3 janvier 1985 en Tunisie, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel est le deuxième d'une fratrie de dix enfants. Lors de l'enquête, la femme de son oncle a témoigné d'une "enfance malheureuse" avec des "carences affectives".
A 19 ans, alors qu'il "devient agressif et violent envers ses proches", d'après les mots de l'enquêteur, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel consulte un psychiatre. Le médecin lui prescrit des médicaments "contre le stress et l'angoisse" en attendant un deuxième entretien prévu un mois plus tard, auquel le patient ne se rend pas.
Un mari violent
Il se marie en 2006 avec Hajer K. et arrive en France à 22 ans, en 2007. Ensemble, ils ont trois enfants en 2010, 2013 et 2015. Le dernier enfant est conçu alors que le couple se sépare et est en instance de divorce depuis septembre 2014. Le jugement du divorce est rendu en janvier 2016 : c'est la mère qui obtient la garde des trois enfants.
Son épouse, qui ne témoignera pas au procès, rapporte des "violences physiques et psychologiques" récurrentes aux enquêteurs. Elle parle de menaces de mort, de moments où l'homme l'a frappée, y compris pendant la grossesse, lui a uriné dessus, déféqué dans la chambre et poignardé une peluche. Elle témoigne également d'une activité sexuelle "maladive" avec des rapports très violents. Ses violences sont confirmées par deux proches du couple.
En 2010, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a également menacé de mort un travailleur social. La victime avait alors parlé d'un "déséquilibre mental certain" quand il avait été entendu par la police.
Lors des questions à l'enquêteur de la SDAT, celui-ci confirme à une des représentantes du ministère public, que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel était une personne "en mesure de cibler qui doit être ou non l’objet de sa violence".
De nombreuses personnes de son entourage, professionnel et personnel, ont témoigné durant l'enquête en le décrivant comme "dragueur" qui parle de sexe très fréquemment. Son entourage de la salle de sport explique qu'il profitait des cours de danse latine pour draguer des femmes.
Des vidéos choquantes dans son ordinateur
L'exploitation de l'ordinateur et du téléphone de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel au lendemain de l'attentat révèle aux enquêteurs que l'homme, en plus d'être violent lui-même, est "fasciné par la violence" en vidéo, indique l'enquêteur de la SDAT à la cour.
4300 vidéos sont trouvées dans son ordinateur. Ce sont majoritairement des vidéos pornographiques et des vidéos violentes. On y trouve notamment des scènes de torture, d'exécution, de zoophilie, des images "d'enfants morts des conflits palestiniens et de la guerre en Irak" et des accidents de la route violents. Les enquêteurs trouvent aussi une vidéo d'un camion fonçant sur la foule en Egypte.
Il y a également de nombreuses photographies. Certaines montrent des cadavres, d'autres des armes. Il y a également une photo d'un article de Nice-Matin qui montre un camion ayant foncé dans une terrasse de restaurant en janvier 2016 et des images en lien avec la Prom'Party du 14 juillet 2015.
Un de ses amis, qui sera entendu dans la semaine, a indiqué aux enquêteurs que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lui avait déjà montré une vidéo de décapitation en lui disant qu'il était habitué à regarder cela.
Récemment radicalisé
Une des questions de ce procès est de savoir si Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a commis un attentat terroriste islamiste ou non. Daesh a revendiqué l'attentat le 16 juillet 2016 mais le terroriste n'a pas laissé de trace de revendication de sa part.
Cette question a donc logiquement été abordée lors du portrait fait par l'enquêteur. Mohamed Lahouaiej-Bouhlel n'était pas un homme religieux selon son ex-épouse lorsqu'elle est interrogée après les faits. Un fait confirmé par plusieurs de ses proches.
Toutefois, il y a eu des "signaux faibles d'une religiosité" au cours des mois précédant l'attentat, indique l'enquêteur. Les signaux faibles sont des signes d'une potentielle radicalisation qui ne peuvent être repérés "qu'une fois les faits commis avec l'accumulation des témoignages". Ainsi, un proche du terroriste qui disait qu'il n'était pas religieux auparavant a indiqué que le terroriste avait fait le ramadan cette année-là et s'était rendu avec lui à une prière à l'Acropolis au début du mois de juillet. Il a également raconté que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel écoutait le coran dans la voiture et lui avait reproché d'écouter de la musique et de porter un short trop court.
Mohamed Ghraieb, un des accusés, avait remarqué que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel se faisait pousser la barbe avant les faits et avait un discours pro-Daesh "qui ne lui ressemblait pas".
L'exploitation de l'ordinateur a également révélé de "très nombreuses recherches sur l’activité djihadiste". "Sur les dernières semaines il y avait une évolution de son comportement vers une tendance de plus de religiosité mais remarqué par certains a posteriori", note l'enquêteur.
Devant cet intérêt potentiellement récent pour la religion, un avocat des parties civiles demande à l'enquêteur de la SDAT si "on peut être aspirant djihadiste et avoir peu de connaissance sur l’islam". C'est le cas le plus fréquent, répond l'enquêteur.
Toutefois, les avocats des parties civiles font remarquer qu'il s'intéressait déjà au sujet des attentats djihadistes avant 2016. En effet, en décembre 2014, après l'attentat à Joué-les-Tours en Indre-et-Loire, il avait envoyé un message à son épouse dans lequel il se réjouissait de cette attaque. "Effectivement, il s’intéresse au sujet depuis bien avant 2016, répond l'enquêteur, mais c'est la multiplication des recherches qui nous interpelle en 2016."
Au vu de son passé violent, l'enquêteur en vient à la conclusion suivante : "La volonté de faire du mal préexiste à la volonté de faire du mal au nom d’Allah".