"Du béton sur nos courgettes", un documentaire édifiant sur la disparition des terres agricoles dans les Alpes-Maritimes

C’est l’un des départements les plus touchés par la disparition drastique des terres cultivables depuis un demi-siècle. Exode rural, urbanisation galopante, spéculation foncière, le film analyse les causes de ce déclin. Il montre aussi une prise de conscience et les initiatives de nouveaux agriculteurs, de citoyens ou de communes qui tentent d’enrayer l’érosion.

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Les chiffres sont éloquents : en 1970, plus de 10 000 agriculteurs étaient en activité dans les Alpes-Maritimes. Aujourd’hui, ils sont un peu plus d’un millier, dont plus de la moitié approche l’âge de la retraite.

Les surfaces consacrées au maraîchage et à la culture florale ont diminué de 80% en 50 ans, grignotées par des immeubles, des entrepôts, des supermarchés… Quant aux parcelles cultivées en restanques, elles ont quasiment disparu.

Un constat qui a interpellé Arnaud Gobin et Christophe Camoirano. Frappés par la différence notable avec l’Italie toute proche, où subsistent quantité d’espaces cultivés et de serres exploitées, les deux auteurs ont voulu comprendre.

Comment ce département au passé agricole florissant en est-il arrivé là ? Comment un territoire qui recèle dans la plaine du Var une des terres les plus fertiles d’Europe, a-t-il pu perdre sa vocation nourricière ? Quel est l’impact de ce déclin et surtout est-il une fatalité ?

A travers de nombreuses interviews, images d’archives et prises de vue aériennes, le film retrace et explique le processus qui s’est progressivement développé depuis un demi-siècle.

"Jusqu’aux années 60, du côté du littoral, 3 habitants sur 4 travaillaient encore dans l’agriculture" rappelle Karine Emsellem, maître de conférence en géographie à l’Université Côte d’Azur, soulignant que cette activité impactait "tous les secteurs de la vie courante".  


Mais l’exode rural et la pression de l’urbanisme vont changer la donne. Un cadre législatif qui favorise l’urbanisation des espaces naturels, une course à l’attractivité permanente et croissante du territoire, une immigration importante, l’installation d’activités high-tech à Sophia Antipolis… Autant de facteurs qui vont générer une urbanisation galopante. 

En quelques décennies, les Alpes-Maritimes vont donc connaître "la révolution urbaine la plus rapide et la plus profonde de l’histoire" souligne le film. Tandis que la montagne achève de se dépeupler, la bétonisation empiète sur les terres cultivables et les exploitations agricoles régressent rapidement...

Au-delà de la gestion des paysages littoraux et montagnards, la situation questionne la cohérence même de l’approvisionnement des populations locales.

Si on a 2% d’autonomie alimentaire ici, il faut rappeler que 97% de nos productions locales sont exportées… Il y a une incohérence totale !

Airy Chrétien, co-fondateur du Collectif Citoyens 06

Aujourd’hui, cependant, un certain nombre d’acteurs du territoire ont pris conscience de la situation et tentent d’enrayer l’érosion des terres cultivables.

Le film nous emmène ainsi à la rencontre de néo-ruraux. Des femmes et des hommes motivés, soucieux de redonner un sens à leur quotidien. Ils se sont lancés dans l’aventure du maraîchage bio ou de la plante à parfum. Tous ont connu des difficultés dans leur installation, essentiellement en raison du coût du foncier généré par la spéculation immobilière.

"Les beaux terrains, ils ne sont pas dévolus à l’agriculture !"

Renaud Papone, agriculteur bio, s’en souvient. Lui a choisi de s'installer avec son épouse dans l’arrière-pays, sur les restanques paternelles surplombant la commune de Puget-Théniers : "Ce sont des terrains très ensoleillés, parfaits pour le maraîchage, mais en pente, avec beaucoup de dénivelé et de contraintes. Quand on a voulu avoir plus de rendement et se tourner vers des terrains plats, en limon, en bordure de route, c’est là qu’on a eu les premiers problèmes avec le foncier. On nous a dit : les beaux terrains, ils ne sont pas dévolus à l’agriculture !"  


Malgré tout, ces nouveaux agriculteurs ont réussi à tirer leur épingle du jeu. Sans négliger certains savoir-faire anciens, ils mettent en place des pratiques ergonomiques respectueuses de l’environnement et des réseaux de vente qui s’appuient à la fois sur les technologies du net et sur l’engouement pour les circuits courts.

Une stratégie payante face à des consommateurs de plus en plus exigeants sur la qualité des produits et aspirant à une relation directe avec les producteurs locaux…  

De nouvelles avancées dans la recherche agronomique, l’outillage, les techniques de culture permettent d’appréhender de manière différente le métier de maraîcher et ça peut devenir une activité très très rentable.

Jonathan Bereau, maraîcher bio

Encourager le retour des cultures, réhabiliter les jachères, endiguer le grignotage immobilier et industriel… Le documentaire met aussi en lumière les démarches volontaristes d’acteurs du territoire comme la SAFER, ou de communes : certaines favorisent le retour de la culture maraîchère ou décident de soustraire une partie de leur territoire à la pression de la bétonisation.


C’est le choix qu’a fait par exemple la municipalité de Grasse, désireuse de préserver des espaces naturels tout en relançant la culture de la plante à parfum.  "On a zoné 70 hectares où il y avait des droits à bâtir, qu’on a transformés en droits agricoles. Le territoire communal destiné à l’agriculture est passé de 4,1% à 21%" explique le maire Jérôme Viaud, qui ne cache pas avoir affronté de nombreuses oppositions…   

Réfléchir autrement à la ville

L’agriculture peut-elle se reconnecter à la métropole ?  Pour conclure, le documentaire s’attarde sur l’aire urbaine niçoise, une des plus peuplées de France : dans le quartier ultra bétonné de l’Ariane, il montre par exemple les initiatives de militants associatifs qui tentent de préserver et de développer des îlots de jardins partagés.

A travers l’exemple du nouveau quartier de Nice Méridia, il aborde aussi l’évolution des réflexions architecturales et environnementales. Car de nouveaux défis attendent désormais les architectes et paysagistes : réfléchir autrement à la ville, avec la délicate mission d’harmoniser les projets d’extension urbaine, les légitimes aspirations des habitants et l’histoire agricole du territoire…  


"Du béton sur nos courgettes"
Un film de 52’ écrit et réalisé par Arnaud Gobin et Christophe Camoirano. Coproduction France Télévisions / Girelle Production.

Diffusion jeudi 3 mars 2022 vers 23h sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur  

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