Une Académie du Métavers vient de se lancer à Nice, en partenariat avec Meta, maison mère de Facebook. Alors que le concept imaginé par Mark Zuckerberg est vivement critiqué et que l'entreprise perd beaucoup, l'Académie du Métavers se dit indépendante. Une formation gratuite qui se veut inclusive, destinée à former aux métiers de la réalité virtuelle ou de la réalité augmentée.
Quand, en octobre 2021, Mark Zuckerberg annonçait que Facebook devenait Meta pour bâtir son métavers, qui eut cru que Nice fasse partie de l’équation ? "Meta est venu nous voir pour nous proposer de mettre au point une formation suite au repositionnement de Facebook", se souvient Alexandre Chervet, directeur Sud de Simplon, entreprise de formations numérique "inclusive". Depuis le 5 décembre 2022, une promotion de 15 personnes a démarré une formation au sein de l’Académie du Métavers, dans la plaine du Var à Nice.
"Chacun a sa vision du métavers"
Pour le moment, le métavers tel que l’a projeté Mark Zuckerberg n’existe pas, mais pour Simplon cette formation est un pari sur l’avenir.
"Le métavers est une vision à 5 ou 10 ans, de choses qui existent déjà aujourd’hui mais qui vont s’interconnecter, explique Alexandre Chervet. Si on ne le fait pas maintenant, ça se fera sans nous. Ainsi, Nice s’inscrit comme une place forte du futur dans ces domaines." En attendant, difficile d’y voir clair. La simple définition du terme alimente les débats les plus vifs.
"Le métavers, c’est un ensemble de mondes virtuels", se risque Nicolas, apprenant à l’Académie du Métavers. Avant de rappeler : "Après, chacun a sa vision !"
Ces dernières années, avant le changement de cap de Facebook, les casques de réalité virtuelle (VR) ou les lunettes de réalité augmentée (AR), sont apparus progressivement dans le commerce. Au fil du temps, des évènements, jeux vidéo ou même mondes virtuels se sont développés avec ces technologies et sont en soit déjà des métavers.
La seule chose où tout le monde est d’accord, c’est sur le fait que personne n’est d’accord.
Myriam, apprenante à l'Académie du Métavers de Nice
"Si le métavers n’existe pas aujourd’hui, en revanche, les environnements numériques existent déjà. Le métavers, c’est l’immeuble ; et les environnements numériques sont les briques qui le composent", tente d’imager Alexandre Chervet. Mais chacun possède sa propre idée de ce que le numérique du futur peut représenter. "La seule chose où tout le monde est d’accord, c’est sur le fait que personne n’est d’accord", résume ironiquement Myriam, qui fait partie de la première promotion de l’Académie du Métavers.
Des enjeux sur lesquels l'État se positionne
Depuis l’intervention de Mark Zuckerberg en 2021, le métavers a fait couler beaucoup d’encre. Tel que le PDG de Meta le définit, "le Métavers" est plutôt une vision futuriste de ce que serait internet, bien évidemment sous l’impulsion de Meta. Une révolution numérique qui se ferait avec les outils que développe le géant américain, et des serveurs qu’il héberge. Tout cela offrant de la vente d’objets virtuels et des espaces publicitaires toujours plus nombreux et toujours mieux ciblés, en immersion. Des enjeux financiers très importants sur lesquels de nombreuses marques se sont déjà positionnées.
Le gouvernement français se penche déjà sur ce futur en dépit de son caractère encore difficilement définissable. En octobre 2022, il a publié un rapport interministériel intitulé "Mission exploratoire sur les métavers". Après plus de 6 mois de travail, les auteurs du rapport - une chercheuse en sociologie, un avocat et un ingénieur, chercheur en informatique - ont proposé une définition "souple". "Le concept de Métavers contient en lui une multitude de possibilités, de services, d’espaces, plus ou moins ouverts […]. Les caractéristiques essentielles des métavers sont : l’existence de mondes virtuels, en 3D, en temps réel, immersifs, persistants et partagés", écrivent-ils.
Des mondes virtuels auxquels on peut accéder "avec ou sans visiocasques", et en utilisant "ou non des avatars".
Au-delà de cette définition évolutive selon l’avancement des technologies, le rapport propose également des premières pistes encadrant cette révolution numérique. "Il y a toute une série de problématiques financières et juridiques qu’il faut structurer sans pour autant fermer les possibilités de développement", souligne Myriam. Au vu des nombreuses problématiques concernant le cyberharcèlement, la sécurité des données et l’anonymat sur Internet, encadrer ces mondes virtuels est une tâche d’ampleur. Quelques voix dénoncent déjà les multiples dérives dans le métavers de Meta.
Après plus d'un an, Meta au cœur des critiques
Au moment de l’annonce de sa stratégie, Meta y a déjà pensé en annonçant la création de 10.000 emplois en Europe liés au métavers. "Les décideurs européens ouvrent la voie en aidant à intégrer les valeurs européennes telles que la liberté d’expression, la vie privée, la transparence et les droits des individus dans le fonctionnement quotidien d’Internet. L’Europe a un rôle important à jouer dans l’élaboration des nouvelles règles d’Internet", précisaient Nick Clegg et Javier Olivan, responsables du groupe. Pour Meta, c'est une manière d'être prévenu, plutôt que de se voir sanctionner encore lourdement par l’UE pour ses manquements à la protection de données sur ses réseaux sociaux.
Personne ne veut être dans un métavers totalement contrôlé par Meta.
Nicolas, apprenant à l'Académie du Métavers de Nice
Si à l’image de Meta, beaucoup d’entreprises se positionnent sur cette révolution numérique, peu ont autant investi que la maison mère de Facebook. Une stratégie qui a pour le moment des allures d’échec.
En 15 mois, l’entreprise a perdu 13 milliards de dollars sur son métavers. Les prémices de ce futur, Horizon World, sorti en décembre 2021, est déjà vivement critiqué. Récemment, Meta a annoncé la suppression de 11.000 emplois.
Du côté de Simplon, on assure que ces épisodes n’ont rien changé. "Nous ne nous positionnons pas, il y a une révolution du numérique, quels que soient les acteurs qui y contribuent. On s’est associé à Meta car ce sont les premiers à avoir eu cette vision", déclare Alexandre Chervet.
"L’idée du métavers, c'est qu’il est fait par et pour les gens", veut croire Nicolas, également formé à l’Académie du Métavers. Même au sein de cette dernière, l’idée du métavers exposée par Mark Zuckerberg, est loin de faire l’unanimité. "L’erreur de Meta, c’est de vouloir le faire en vase clos", pointe Myriam. "Personne ne veut être dans un métavers totalement contrôlé par Meta ou de grandes entreprises type GAFAM qui exploiteront les données. Beaucoup de gens ne veulent plus être dans ce schéma", enchaîne Nicolas.
Ici, on ne forme pas des employés de Meta.
Alexandre Chervet, directeur de Simplon Sud
Mais si la formation est financée par Meta, qui donne accès à ses outils pédagogiques et ses Meta Quest, les casques de réalité virtuelle, l’entreprise américaine n’a pas la main sur le contenu qui y est enseigné. "Ici, on ne forme pas des employés de Meta. Nous, on se lève le matin pour inclure toutes et tous dans les emplois du numérique", martèle Alexandre Chervet. Simplon propose d’ailleurs d’autres formations aux métiers du numérique pour des publics en situation de handicap, ou en difficulté.
Les collectivités locales, elles, n’ont pas douté une seconde quand Meta est venu proposer son projet. Si d’autres Académies du Métavers liées à Simplon, devraient voir le jour prochainement à Paris et Lyon, pour le moment, la formation est présente uniquement à Marseille et Nice.
L’engagement de la région Paca n’y est sûrement pas étranger. Celle-ci finance le projet à hauteur de 350.000 euros. Lors de l’inauguration du site de Nice, Renaud Muselier, le président de la Région était présent, tout comme Christian Estrosi, le maire de Nice, qui déclarait ce jour-là : "pour la métropole, être pionnier dans le développement du Métavers est une priorité".
"Rendre accessible les métiers du numérique à tous"
Avec 4 mois de cours intensif puis 15 mois en alternance, les apprenants de l’Académie du Métavers auront du temps pour se former aux futurs métiers du numérique. "Nice jouit d’un écosystème numérique florissant", justifiait le 25 novembre Laurent Solly, vice-président Europe du Sud de Meta. Une dizaine d’entreprises locales se seraient déjà engagées à recruter ces alternants. "Ils sont destinés à devenir développeur et créer des environnements immersifs, essentiellement dans le monde du gaming et du divertissement pour le moment", précise Alexandre Chervet.
Grâce à des partenariats avec l’opérateur de compétence Atlas et Pôle Emploi, l’Académie du Métavers s’ouvre à des profils variés, notamment en reprise d’emploi ou en reconversion. "C’est la seule formation de la sorte gratuite et inclusive qui s’adresse à toutes et à tous", annonce-t-il fièrement. Au sein de la première promotion, Myriam travaillait avant en comptabilité et Abby dans la mode, par exemple. "Je suis résident à Malte, mais je suis revenu en France m’inscrire à Pôle Emploi pour accéder à la formation", raconte Nicolas. Ce dernier a déjà une maîtrise en informatique avec une spécialité en développement et est déjà "administrateur et trésorier d’un métavers de la blockchain".
Bien que les niveaux soient disparates, tous possèdent au moins des bases en développement informatique. Mais aucun diplôme n’est exigé. Les recrutements se font surtout sur la motivation. Alors que 15 apprenants font partie de la première promotion pour le moment, l’Académie du Métavers espère en intégrer cinq autres d’ici janvier 2023.
Au lieu de pleurer sur les métiers qui vont disparaître, pourquoi pas se pencher sur ceux du futur ?
Abby, apprenante à l''Académie du Métavers de Nice
Si le concept du métavers parait encore flou et embryonnaire, les entreprises locales sont déjà demandeuses de profils de développeurs ou de techniciens en réalité virtuelle ou réalité augmentée, comme l’assure Alexandre Chevret. Et ce, malgré l’association du nom de Meta et de ses controverses. Le directeur de Simplon Sud en est convaincu : "Pour aller dans une direction, il faut bien que quelqu’un ait une vision et que des gens qualifiés soient formés. À nous de former celles et ceux qui vont construire ce nouveau monde."
Selon une étude de Dell et de l'Institut pour le Futur, reprise par Pôle Emploi, "85 % des métiers de 2030" n’existaient pas en 2017, comme on aime à le rappeler à l’Académie du Métavers. "Ce n’est pas parce que c’est nouveau que sans intérêt, affirme Abby. Au lieu de pleurer sur les métiers qui vont disparaître, il faut se pencher sur ceux du futur." Au sein de l’Académie du Métavers de Nice, tous semblent persuadés de participer à la création d’un nouveau monde.