En décembre dernier, la justice avait autorisé des tests ADN pour identifier avec certitude les organes prélevés sur les corps de victimes décédées le soir du 14 juillet. Des prélèvements effectués sans en avoir informé les proches. Pour Anne Gourvès, une mère endeuillée qui se bat depuis 5 ans, l'attente des résultats est une nouvelle épreuve.
Comme à la barre, lorsqu'elle était venue témoigner lors du procès terroriste de l'attentat du 14 juillet, Anne Gourvès parle d'une voix calme et déterminée, avec la pédagogie d'une professeure des écoles - son métier depuis bientôt 20 ans - mais avec la colère froide d'une mère prête à tout pour qu'on lui rende les organes prélevés sur sa fille Amie, morte le soir du 14 juillet 2016, alors qu'elle n'avait que 12 ans.
"Le résultat des tests ADN, ce sera de toute façon un moment douloureux, mais il faut mettre fin à cette attente".
Anne Gourvès, mère d'Amie, décédée le 14 juillet 2016 à Nice
L'affaire des prélèvements d'organes, ce fut presque son unique bataille pendant le procès de l'attentat du 14 juillet, qui s'est tenu à Paris en fin d'année dernière. Comprendre pourquoi une dizaine d'organes entiers avaient été prélevés sur sa fille, et conservés à l'institut médico-légal de Nice, sans qu'elle en ait été informée, comme la loi pourtant le prévoit. Obtenir le mea culpa, et même les excuses du parquet national antiterroriste, pour avoir permis le prélèvement et la mise sous scellés de 173 organes sur les corps de 14 victimes.
Sur ce point, Anne Gourvès a obtenu gain de cause. L'institution judiciaire a reconnu sa responsabilité dans des souffrances "irréparables" et a ordonné la restitution des organes aux familles qui le souhaitaient, et des tests ADN pour celles qui voulaient d'abord s'assurer qu'ils s'agissait bien des organes de leurs proches.
La crainte d'une erreur d'identification des organes
Car depuis 2018, Anne Gourvès doute. Sur le PV d'autopsie, sa fille Amie y est décrite comme une jeune femme d’une vingtaine d’années, alors qu'elle avait le corps frêle d'une adolescente de 12 ans. Et si, dans la panique générale, les organes avaient été mal recensés ? A la douleur d'avoir, sans le savoir, inhumé le corps de sa fille vidée de ses organes vitaux, s'ajoute la crainte d'une erreur d'identification médicale.
Voilà pourquoi elle a demandé et obtenu la réalisation de tests ADN indépendants. Selon nos informations, ils ont été confiés par le parquet national antiterroriste à un laboratoire situé à Nantes, l'IGNA (Institut Génétique Nantes Atlantique) spécialisé dans les expertises criminalistiques.
Début mars, Anne Gourvès a dû d'abord donner son ADN. Objectif : vérifier que son profil génétique corresponde au au dossier d'autopsie de sa fille. Dans un rapport établi le 29 mars, les experts de l'IGNA rendent un résultat positif : les deux profils correspondent.
Mais ça ne suffit pas : il faut maintenant comparer le profil génétique de sa fille avec les organes mis sous scellés à son nom. En clair : s'assurer que les organes identifiés au nom d'Amie Vimal sont bien ceux de la jeune victime. Les analyses sont toujours en cours, et Anne Gourvès vit cette attente comme une douloureuse épreuve.
"C'est une attente insoutenable, ça m'angoisse au quotidien. Inhumer une seconde fois son enfant, on n'imagine pas ce que c'est. Je dois organiser cette inhumation, mais uniquement dans le cas où les organes seraient bien ceux d'Amie".
Anne Gourvès, mère d'Amie, décédée le 14 juillet 2016 à Nice
L'autre hypothèse, elle y pense avec peur :
" Si ce sont pas les organes de ma fille, ça va être un chaos, que je n'imagine même pas. Mais je suis obligée de penser à cette éventualité quand même, car je ne fais pas confiance à l'institut médico-légal de Nice [qui a autopsié sa fille, NDLR] ".
Anne Gourvès, mère d'Amie, décédée le 14 juillet 2016 à Nice
Pour l'heure, impossible pour elle d'obtenir d'obtenir des informations sur les délais d'analyse, mais elle reconnait que le laboratoire nantais est face à une situation inédite.
D'après nos informations, trois autres familles seraient dans la même attente. D'autres avaient fait le choix, à l'issue du procès, de réclamer la restitution des organes sans test ADN. Pour Anne Gourvès, impossible de faire son deuil sans avoir inhumé avec certitude les organes de sa fille : "il faut qu'Amie repose en paix, il est temps".