Surveillance par drone stoppée, manifestation pro-palestinienne autorisée... Le préfet des Alpes-Maritimes abandonne-t-il son cap sécuritaire ?

L’abrogation d’un arrêté autorisant l’utilisation de drones de surveillance dans dix communes, et dans la foulée l’absence d’arrêté interdisant la manifestation "pour la paix" à Nice, interrogent sur la stratégie du préfet des Alpes-Maritimes.

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Deux décisions du préfet des Alpes-Maritimes ont surpris les observateurs attentifs de la politique de l’État dans les Alpes-Maritimes en ce début d’année : l’abrogation de l’arrêté permettant la surveillance par drone dans dix communes puis, pour la première fois depuis onze semaines, l’absence d’interdiction de la manifestation organisée par le "Collectif 06 pour une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens" à Nice. Explications.

Une abrogation surprise le 1er janvier

Lundi 1ᵉʳ janvier, le directeur de cabinet du préfet des Alpes-Maritimes signe le premier arrêté préfectoral de l'année. Un court texte visant à abroger, c'est-à-dire à supprimer pour l'avenir, l'arrêté du 18 décembre autorisant "la captation, l'enregistrement et la transmission d'images au moyen de caméras installées sur des aéronefs sur les communes de Drap, La Trinité, Saint-André de la Roche, Carros, Gattières, La Gaude, Vence, Valbonne, Mouans-Sartoux et Peymeinade du 19 décembre au 15 janvier".

Deux drones pour surveiller... et prévenir un attentat

Ce texte permettait aux forces de l'ordre d'utiliser jusqu'à deux drones simultanément pour des missions de "prévention des atteintes aux personnes et aux biens", de "sécurisation de rassemblements de personnes" ou encore de "prévention d'actes de terrorisme".

Un arrêté attaqué dès sa publication devant le tribunal administratif de Nice par l'association de défense des libertés constitutionnelles (ADELICO) et la Ligue des droits de l’Homme (LDH), qui estiment cette mesure disproportionnée alors que "d’autres moyens moins intrusifs que celui de l’emploi 24h/24 pendant un mois de deux caméras aéroportées".

"Des vulnérabilités sur le plan juridique"

"L’après-midi du 22 décembre, le juge rejette notre demande. Nous faisons donc appel devant le Conseil d’État, qui organise une audience - signe qu’il était très intéressé par la question - prévue le 4 janvier" confie Me Rosanna Lendom, l'avocate des deux associations. Mais le débat n'aura pas lieu puisqu'à trois jours de l'audience, le préfet abroge l'arrêté contesté.

Pour quelle raison le préfet a-t-il renoncé à défendre son texte, pourtant validé à Nice en première instance ? L'explication donnée par la préfecture est lacunaire : "l'arrêté a été abrogé le 1er janvier 2024 en raison de vulnérabilités sur le plan juridique".

Le préfet n'aurait clairement pas voulu prendre le risque de voir son texte retoqué par la plus haute juridiction administrative. Pour Me Lendom, "le préfet s'est dérobé pour éviter le débat devant le Conseil d’État où c'est le ministère de l’Intérieur qui aurait dû défendre l'arrêté, c'est-à-dire sa hiérarchie."

Le Conseil d’Etat, mécontent, a condamné le préfet à payer 8000 euros aux associations. C’est exceptionnel qu'il condamne à de si lourds frais de justice. Il avait un message...

Me Rosanna Lendom

Des manifestations qui ne sont plus interdites d'office ?

Quelques jours seulement après cette abrogation surprise, autre coup de théâtre : le samedi 6 janvier, pour la première fois depuis la mi-octobre 2023, la manifestation pro-palestinienne prévue à Nice n'est pas interdite par arrêté préfectoral.

Le préfet a-t-il voulu faire l'économie d'une onzième défaite devant le tribunal administratif de Nice ? "Après analyse de la déclaration, les conditions de la manifestation ne justifiaient pas d'interdiction" répond simplement la préfecture, sollicitée par France 3 Côte d'Azur. On a connu l'administration du Cadam plus pointilleuse sur des "conditions d'organisation" de ce type de rassemblement.

Le contexte géopolitique comme la situation locale, avancés en motifs d'interdiction dans les précédents arrêtés, n'ont pas radicalement changé. Il y avait notamment, à Nice ce samedi, un match de ligue 1 à l'Allianz Riviera (OGC Nice - AJ Auxerre) qui a rassemblé près de 21 000 spectateurs et mobilisé "les forces de sécurité" comme à chaque rencontre...

Un revirement dans la "posture de fermeté" du préfet ?

Dès le mois de septembre, France 3 Côte d'Azur interrogeait le préfet sur ces arrêtés d'interdiction systématiquement suspendus par la justice administrative, ce qui, déjà alors, pouvait passer pour de l'obstination ou de la provocation.

Le préfet assumait totalement "une posture très ferme" face à "ces manifestations [qui] ne sont pas des manifestations pour la paix, [mais] des manifestations anti-Israéliennes, antisionistes [qui] entretiennent une sorte d’antisémitisme d’atmosphère".

Alors, ces manifestations sont-elles devenues, entre Noël et le jour de l'An, d'authentiques "manifestations pour la paix" aux yeux du préfet ? Y-a-t-il un lien entre l'abrogation de l'arrêté "drones" et l'absence d'arrêté contre la manifestation du "Collectif 06 pour la paix" ? Le ministère de l'Intérieur a-t-il, comme l'imaginent certains, rappelé le préfet à l'ordre ?

"Aucun lien"

"L'absence d'interdiction n'a aucun lien avec l'abrogation de l'arrêté 2023-1123 autorisant la surveillance par drone de certaines communes du département pour une période déterminée", assure-t-on en préfecture.

Pour Me Sefen Guez-Guez, qui conteste régulièrement les arrêtés d'interdictions des manifestations pro-palestiniennes, "au-delà de la question palestinienne ou des drones, l’actuel préfet des Alpes-Maritimes a clairement un positionnement politique assumé. Espérons que les multiples rappels à l’ordre des juridictions administratives l’invitent à revenir à son rôle de serviteur des lois de la République plutôt que de celui de polémiste."

Reste que si la politique du préfet change, les faits donnent raison à sa stratégie. En septembre il expliquait que, même suspendus, ses arrêtés avaient la vertu de dissuader une partie des manifestants potentiels de se rendre à ces rassemblements.

Ce samedi, la participation était en nette hausse place Garibaldi.

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