Le juge d’instruction n’a pas accepté que Laura Magrino se porte partie civile au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Pourtant, elle avait bien été reconnue comme victime psychologique par le Fonds de garantie. Elle nous raconte ce qui s’est passé pour elle et sa fille de 5 ans sur la Promenade des Anglais ce soir-là.
C’est une soirée que la mère de Lila n’est pas prête d’oublier. Il y a un avant et un après le 14 juillet 2016 pour Laura Magrino. Elle se confie.
Ce soir-là, Laura Magrino est sur la plage, au niveau du Palais de la Méditerranée à Nice, pour regarder le feu d’artifice. Elle est venue avec sa fille âgée de 5 ans, Lila, son compagnon et des amis.
Après la fin du feu d’artifice, Laura propose au groupe d’attendre un peu avant de remonter sur la Promenade des Anglais, “le temps que la foule parte”. Elle demande à sa fille de mettre ses baskets et tout le monde se dirige vers la Prom’ comme disent les habitués. Arrivés au milieu des escaliers, ils entendent des coups de feu, des hurlements et ils voient la foule se rabattre précipitamment sur la plage.
Laura et sa fille se trouvaient alors proches de l’endroit où le camion a terminé sa course et où les policiers ont abattu le terroriste Mohamed Lahouaiej-Bouhlel. C’est pourquoi Laura a entendu de nombreux coups de feu.
“J’ai peur de me faire fusiller”
Elle attrape sa fille, lui bouche les oreilles et se demande vers où se diriger :
Je ne veux pas courir sur la plage parce que j'ai peur de me faire fusiller. On nous dit - Partez à l'eau ! - Mais il y a des coups de feu. Je me dis qu'il y a des gens qui sont en train de tirer sur tout le monde : ils vont descendre sur la plage et ils vont nous tirer dessus.
Terrifiée, Laura tente de rassurer sa fille comme elle peut. “Je lui dis de ne pas s’inquiéter, qu'on va bientôt rentrer à la maison, rapporte-t-elle. Mais je n’étais même pas sûre qu’on rentrerait.”
En se dirigeant vers l’est sur les conseils d’un policier, Laura arrive, toujours avec sa fille, dans la salle de restaurant d’une plage privée. Elle y retrouve son conjoint qu’elle avait perdu de vue. “La salle est bondée, on lit la terreur sur tous les visages”, se souvient Laura Magrino.
Quelqu’un crie : “Ça recommence !”
Laura part alors avec sa fille pour se réfugier dans les toilettes du restaurant. Elles vont y rester un long moment jusqu’à ce qu’un employé du restaurant leur dise de partir encore en direction de l’est.
Des répercussions sur plusieurs années
Laura et sa fille Lila finissent par regagner leur domicile, extrêmement choquées. La vie n’est plus la même depuis pour Laura. A l’époque, elle avait le projet de concevoir un deuxième enfant. Ce n’est que cinq ans plus tard qu’elle a fini par passer le pas.
"J'avais peur ! Je me disais “mais pourquoi refaire un enfant pour qu'il arrive ce genre de choses ?”.
Même six ans après, le quotidien de Laura et ses deux enfants en pâtit encore.
Quand je dépose ma fille à l’école, j’ai peur d’une fusillade, quand c’est mon fils à la crèche, je crains une intrusion, impossible d’aller à des concerts alors que j’adorais ça et bien sûr, plus de feu d’artifice
énumère Laura.
Elle admet en baissant les yeux qu’elle a apprécié la période de confinement : “tous enfermés à la maison, on ne risquait rien...”
Des démarches faites pour sa fille Lila
Laura a été indemnisée par le Fonds de garantie des victimes de terrorisme. Toutefois, le juge d’instruction a rejeté sa demande de se constituer partie civile. Cela l’interroge sur “la manière avec laquelle on mesure l’impact sur toutes ces personnes qui ont vécu un cauchemar”.
Pour Laura, ce refus, “c’est comme dire que ma vie et celle de ma fille n’avaient pas réellement changé depuis ce soir-là”.
Son avocate va déposer une nouvelle demande de constitution de partie civile à l'ouverture du procès.
Si elle n’avait pas été avec Lila, Laura Magrino n’aurait pas du tout vécu la même soirée.
Je pense que le fait d'avoir sa fille dans les bras et avoir l'impression de mourir avec elle vient décupler ce qu'on ressent
Laura Magrino.
De la même manière que Hager Ben Aouissi l’expliquait pour elle et sa fille Kenza.
Pour Laura Magrino, il était important de faire les démarches de reconnaissance de leur statut de victime pour pouvoir répondre à sa fille qu’elle avait fait “ce qu’il fallait” pour obtenir justice après cette attaque terroriste qu’elles avaient subie.