Démolition du Théâtre National de Nice : des oppositions et un contreprojet

La destruction du Théâtre National de Nice, construit par l’architecte Yves Bayard, concentre des oppositions grandissantes dans la 5e ville de France. Un contreprojet a été présenté qui sauvegarde le site et le porte-monnaie des Niçois.

C'est une véritable levée de boucliers qui se forme à Nice contre le projet municipal de détruire le Théâtre National de Nice, et, également le Palais des congrès, Acropolis.

Pour Patrick Allemand, Président de « Nice au cœur » qui a lancé une pétition dès février 2021 et qui a déjà recueilli quelques 5.500 signatures, ce projet municipal n’a aucune urgence.

« Le TNN, tel qu’il est conçu aujourd’hui répond parfaitement à la demande des Niçois. Quant à Acropolis, il a réalisé en 2019 sa meilleure année depuis son commencement ! C’est loin d’être des outils obsolètes ainsi que le déclare le maire. Le projet en cours est une aberration totale. Qu’il y ait des travaux de rénovation, tout le monde est d’accord. Ils ont été évalués à 10 millions d’euros il y a 2 ans, puis à 12, puis à 15. Mais, même dans cette fourchette hausse, ce n’est rien comparé aux dépenses qu’il va y avoir et aux désagréments imposés. A Nice, si le maire persiste, il n’y aura plus de majestueux théâtre à l’italienne comme il en existe dans toutes les grandes métropoles. Pour masquer cela, il a inventé un nouveau concept qu’il appelle « théâtre hors les murs ». Or, il n’y a qu’un grand théâtre et c’est le TNN."

Et d'enfoncer le clou : "Il y a deux problèmes majeurs à mes yeux. D’abord, la démolition du TNN restera dans la mémoire des Niçois, comme la disparition du Casino de la Jetée Promenade, de l’ancien Casino Municipal ou de l’hôtel Ruhl. Christian Estrosi en portera la responsabilité. Après avoir critiqué Jacques Médecin pour ses démolitions, il lui emboite le pas ! Ensuite, pour une ville qui s’est portée candidate comme Capitale Européenne de la culture en 2028, c’est un élément de dossier à charge. Je ne parle même pas de l’aspect financier et économique. Heureusement que tout n’est pas perdu ! »      

Jean-Christophe Picard du groupe écologiste confirme qu’il y a encore des batailles à mener pour contrecarrer le projet de destruction du TNN puisqu’aucun permis de démolition n’a été déposé, sachant, avance-t-il, que la Ministre de la culture peut encore changer… Cette dernière a donné son accord à la démolition en décembre dernier.

« Nous avons demandé le placement en bâtiment remarquable du XXe siècle du Théâtre national de Nice. Nous avons déposé des avis motivés pour nous opposer au projet lors des concertations publiques. Et nous avons organisé des ateliers citoyens pour organiser un contreprojet. M. Estrosi estime que son projet est légitime mais, dans son programme, il était entièrement financé par la vente des terrains après le déménagement des carnavaliers ce qui n’est plus du tout à l’ordre du jour.

La concertation a été partiale car il n’y a pas de chiffres et pas de calendrier. On n'y explique pas qu'il y aura un théâtre et un palais des congrès provisoires, sans parler de l'effet domino (construction d'un nouveau palais des congrès qui implique le déplacement du MIN sur des terres fertiles)...

Jean-Christophe Picard, conseiller municipal d'opposition

En gardant le parking et donc la dalle de béton, il n’y aura pas, contrairement à ce qui est annoncé, de forêt urbaine. Nous avons dénoncé cette concertation tronquée ! Notre projet est clairement plus abouti. Il consiste à rénover en préservant l’existant. On met en place une ferme solaire sur les toits et on installe une passerelle piétonne reliant le TNN à la coulée verte. L’idée est que tout soit facilement accessible. A l’arrivée c’est 51 millions d’euros au lieu des 368, montant provisoire, avancé par la municipalité ! »  

Les associations, elles aussi, montent au créneau

Celle de David Nakache, président de l’Association « Tous Citoyens » est en première ligne :

« Le plus important c’est qu’on ait à Nice une véritable politique culturelle et théâtrale. Je ne suis pas arque bouté sur la défense du site du TNN actuel s'il était prouvé que cette démolition soit impérative et, si un théâtre équivalent ou de plus grande capacité avait été construit avant la démolition. Dans ces cas nous aurions été nombreux à en accepter le principe. Ce qui fait défaut dans la politique culturelle de la ville de Nice, c’est la transparence.

Quelle est l’urgence à démolir ce bâtiment ? Quels sont les coûts des différentes options ?

David Nakache, président de l'association Tous citoyens !

En l’absence de réponse, il est impossible de valider le choix du maire. Il y a deux camps farouchement opposés et il n’y a plus de dialogue possible. Le maire a eu tout le mandat précèdent pour anticiper et il y a vraiment un élément qui nous manque. Qui va sommer le maire de répondre à cette question : quelle est l’impérieuse nécessité de démolir maintenant ? Il y aurait dû avoir une consultation publique avec débat. »  

La grogne monte à Nice

Ce n’est pas la première fois qu’un projet municipal fait polémique mais celui-ci semble fédérer de plus en plus de Niçois.  

Sur cette vue projetée ne resterait que "La Tête carrée" (Elle abrite les bureaux de la bibliothèque municipale), le Palais de Congrès Acropolis ayant disparu :

Martine Bayard, en tant que légataire universelle d’Yves Bayard, architecte du site de la Promenade des Arts, insiste sur sa volonté de trouver une solution malgré le contexte peu engageant :

« Aucun des rendez-vous qui devaient avoir lieu avec le maire n’a été honoré, de son fait, excepté le premier. Celui ci portait sur les moyens à mettre en place pour trouver une solution afin de laisser l’intégralité de la Promenade des Arts (TNN et MAMAC) dans le projet de la coulée verte. Je suis l’ayant droit de mon père, décédé le 11 mars 2008.

A ce titre, je m’oppose fermement à la destruction du TNN qui est une partie de l’œuvre intégrale de la Promenade des Arts. J’ai appris ce projet de destruction par voie de presse alors, qu’en tant que légataire, je dois être avertie de toute modification de l’œuvre patrimoniale de mon père.

Martine Bayard, fille de l'architecte du théâtre national de Nice (TNN).

La Promenade des Arts est une unité architecturale de bâtiments reliés par un parvis, issue d’un seul permis de construire, en un seul matériau, le marbre de Carrare. Les arbres et fontaines qui la bordent rendent hommage au Paillon qui coule au-dessous. Je précise que cette œuvre est prolongée par La Tête Carrée qui est issue du même architecte, Yves Bayard. Considérant qu’il y a plusieurs atteintes à l’œuvre et au droit moral, je me réserve le droit de faire tout ce que la voie légale me permettra de faire pour empêcher la destruction de l’œuvre de mon père. Destruction dont l’intérêt général reste encore à démontrer. »  

Après avoir contacté l'ADAGP, la société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques qui défend leurs droits, elle se voit confirmer qu'étant à 58 ans seule ayant-droit d'Yves Bayard, elle est bien propriétaire de l'oeuvre au titre du droit moral. Il s'agit d'un droit perpétuel, même après le décès de l'auteur, et même après l'extinction des droits patrimoniaux. 

Selon elle, l'oeuvre de son père "peut s'intégrer ou s'inscrire dans le projet d'une végétalisation, du moment qu'elle n'est pas défigurée".

 Elle ne semble pas être la seule à le penser à Nice.

Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
Tous les jours, recevez l’actualité de votre région par newsletter.
choisir une région
France Télévisions utilise votre adresse e-mail pour vous envoyer la newsletter de votre région. Vous pouvez vous désabonner à tout moment via le lien en bas de ces newsletters. Notre politique de confidentialité