Arturo et ses deux amis étaient de sortie dans le Vieux Nice ce mardi 27 décembre, lorsque quatre hommes les auraient agressés en raison de leur homosexualité. Identifiés, les individus ont été placés sous contrôle judiciaire en attendant leur jugement prévu pour juin 2023.
"2:05 du mat, j'ai du mal à écrire mon post tellement je suis en état de choc…". Arturo publie ce message sur son mur Facebook à 3 heures du matin, les mains encore tremblantes. Dans sa publication, le jeune infirmier de 23 ans détaille l’agression à caractère homophobe dont il a été victime avec ses deux autres amis, ce mardi 27 décembre au petit matin.
Depuis, les agresseurs ont été identifiés et ont reconnu une partie des faits. Ils ont été déférés au Parquet de Nice ce jeudi 29 décembre. Placés sous contrôle judiciaire, ils seront jugés en juin 2023.
Un déferlement de haine
Ce mardi, la soirée commençait plutôt bien pour Arturo, Killian et Adriano venus trinquer au bar Les 3 Diables situé au Cour Saleya. Mais la soirée va prendre un tout autre ton au moment où des injures à caractère homophobe vont être prononcées par d'autres clients du bar.
Attablé juste à côté d’eux, un autre groupe de quatre personnes se met à scander des chants homophobes. "Nous les PD, on les tue", lance l’un d’entre eux. "On va tous vous tuer", assène un deuxième, en direction de la table des trois amis. "Quand on leur a dit que ça nous importunait, ils ont dit que c'était normal de chanter ça en Corse", rapporte Arturo. Voyant la situation s'envenimer, le videur ordonne aux sept clients de quitter les lieux.
Je n'en veux pas au videur, parce que c'est une situation qui peut être anxiogène. Mais j'ai du mal à comprendre pourquoi il nous a mis dehors, livrés à nos agresseurs !
Arturo, l'une des victimes
Par précaution, Arturo et ses amis laissent les autres clients sortir en premier avant de prendre la direction inverse. Mais les quatre agresseurs, déterminés à terminer ce qu'ils avaient entamés dans le bar, reviennent sur leur pas pour poursuivre les trois copains. "Ils ont d’abord sauté sur mes deux amis. Ils se sont mis à deux sur chaque personne", nous confie Arturo, encore en état de choc. Coup de pieds dans le ventre et dans la tête : les agresseurs se déchaînent contre Killian et Adriano.
"Tentative de meurtre"
Au départ tétanisé, Arturo tente par la suite de séparer les agresseurs de ces deux amis gisant à même le sol."Au moment d’aider mes amis, ils se sont retournés sur moi et m'ont mis des coups-de-poing puis des coups de tête", rapporte la jeune victime qui a partagé sur ses réseaux sociaux une photo de sa bouche portant les stigmates des multiples coups.
Il faudra attendre le passage d'un groupe de jeunes pour que le calvaire des trois amis prenne fin. Chassés par les hurlements des noctambules, les quatre agresseurs finiront par prendre la fuite dans les ruelles, laissant éclater au passage quelques rires.
"Sans l'intervention de ces gens, je sais pas comment ça se serait passé. Quand on s'acharne à deux sur une personne, c’est pas juste pour lui faire du mal, c’est pour la tuer" estime l'infirmier qui préfère parler de "tentative de meurtre" plutôt que d'agression.
Placés sous contrôle judiciaire
Quelques minutes plus tard, les policiers sont prévenus et une troupe est mobilisée pour retrouver les individus. Dans la matinée, les trois victimes déposent plainte et en fin de journée, trois jeunes hommes sont placé en garde-à-vue, dont un présentant des antécédents homophobes. "On l'a appris dans la presse. On ne nous a même pas demandé d’aller les identifier", souffle la jeune victime.
Mais ce jeudi 29 décembre, ce sont pas trois mais bien quatre individus qui ont été déférés devant le procureur de Nice. "Ils ont apparemment avoué les faits, mais ils ont minimisé ce qu'ils ont fait", indique l'une des victimes, sans trop de surprise.
Mon client a reconnu que c'était une soirée très alcoolisée et que ça s’est terminé par une altercation. Mais il dit, pour sa part, ne pas avoir prononcé de propos homophobes
Me Philippe Soussi, avocat de l'un des clients mis en cause
Placés sous contrôle judiciaire, ils seront jugés en juin 2023 pour "violences volontaires aggravées commises en raison de l’orientation sexuelle des victimes" et pour "menaces de mort réitérées et injures publiques en raison de l’orientation sexuelle des victimes."
Comme beaucoup d'autres représentants d'associations et élus, le maire de Nice, Christian Estrosi, avait demandé a ce que "tous les moyens" soient "mobilisés pour identifier les auteurs" de cet acte de haine.
"La peur doit changer de camp"
Le jeune homme ne compte pas en rester là. Accompagné par le Centre LGBT Côte d’Azur, il prévoit d'appuyer sa plainte auprès du procureur, "pour que ce ne soit pas une énième affaire classée sans suite comme beaucoup d’agressions homophobes".
Un constat qui dissuade certaines victimes de déposer plainte."En France, on compte plus de 80% des victimes d'agressions LGBTphobes qui ne portent pas plainte", précise Erwan Le Ho, coordinateur du Centre LGBT Côte d’Azur qui estime que "la peur doit changer de camp".
"Pourtant, porter plainte permet ensuite aux associations comme nous de faire pression pour que les enquêtes se déroulent et pour que la justice soit appliquée !"
Erwan Le Ho, coordinateur du Centre LGBT Côte d’Azur
Pour rappel, une agression homophobe entraînant des blessures peut être passible de 1 500 euros d'amende à 30 ans d'emprisonnement en cas de meurtre. Comme le rappel le site du ministère de l'Intérieur, le caractère homophobe constitue une circonstance aggravante permettant au juge de prononcer des sanctions plus lourdes.