La course aux parrainages doit débuter officiellement le 30 janvier. Pour se présenter à l’élection présidentielle, chaque candidat doit justifier d’au moins 500 signatures d’élus, prêts à rendre leur engagement public, comme le prévoit la loi. Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Eric Zemmour, qui disent peiner à atteindre ce nombre, comptent sur le soutien des maires de petites communes. Dans les Alpes-Maritimes, c’est loin d’être gagné.
Dans la course aux parrainages, il y a ceux qui assument. Bertrand Gasiglia, le maire de Tourrette-Levens par exemple : « Moi je n’ai pas de difficulté à parrainer Valérie Pécresse. Je crois en elle ».
Ou Christelle d’Intorni, maire de Rimplas, petit village perché sur les hauteurs de la Tinée : « Je vais donner mon parrainage à Valérie Pécresse, c’est ma famille politique, et je suis derrière notre candidate ».
Les parrainages de conviction
Aucun problème à parrainer la candidate de leur parti, Les Républicains, et surtout à le faire savoir. « Je n’y vois aucun inconvénient et je n’ai pas peur d’éventuelles pressions», dit celle qui mena ouvertement la fronde ciottiste au sein de la Métropole Nice Côte d'Azur dirigée par Christian Estrosi, désormais officiellement macroniste.
Dans la mesure où on parraine quelqu’un, ce n’est pas gênant de l’assumer et de le rendre public
renchérit Bertrand Gasiglia.
Sans doute aussi est-ce plus facile lorsqu’on est adhérent d’un parti, et élu sous cette étiquette.
Ceux qui refusent de parrainer
Tous les matins il y en a un nouveau. Des gens connus et d’autres, je ne sais même pas qui ils sont
Dominique Trabaud, maire de Coursegoules
La question du parrainage public est plus problématique pour les maires élus en dehors de toute logique partisane.
A Coursegoules, au-dessus de Vence, Dominique Trabaud, dont c’est le premier mandat, ne participera pas à ce rituel démocratique : « Je ne ferai pas de choix. Personnellement je sais pour qui je voterai, mais en tant que maire, je ne voudrais pas que ce soit mal interprété ». Il n’a donc donné suite à aucune des nombreuses demandes qui lui ont été adressées. « J’en reçois tous les jours, soit sur le mail de la mairie, soit même sur mon mail privé. Tous les matins il y en a un nouveau. Des gens connus et d’autres, je ne sais même pas qui ils sont ».
Mais pour tous ces candidats, obtenir le soutien du maire de Coursegoules, ce sera peine perdue.
Les parrainages républicains
A Valbonne, Joseph Césaro, le maire écologiste, a opté pour une autre stratégie.
Si, en dernière minute, Jean-Luc Mélenchon en a besoin, peut-être que je lui donnerai ma signature, même si ce n’est pas ma tasse de thé.
Joseph Césaro, maire de Valbonne
Il est adhérent EELV, il votera pour Yannick Jadot, et pourtant, il ne lui donnera pas son parrainage. Le candidat écologiste à l’élection présidentielle a fait savoir qu’il aurait ses 500 signatures.
Joseph Césaro estime donc qu’il n’a pas besoin de la sienne. Il la réserve donc… pour un autre candidat. « Je donnerai un parrainage pour un candidat qui manquera de signatures, et qui n’est ni à l’extrême-gauche, ni à l’extrême-droite. Jean Luc Mélenchon n’étant pas pour moi à l’extrême-gauche, si en dernière minute, il en a besoin, peut-être que je lui donnerai ma signature, même si ce n’est pas ma tasse de thé ».
Un parrainage républicain, plus qu’idéologique. Un parrainage qui doit rester public, selon le maire de Valbonne. « Je suis pour la transparence et l’éthique ».
Le maire de Coursegoules, lui, ne comprend pas bien l’existence même de ces parrainages : « Sans parrainage, il y aurait des milliers de candidats, ce serait la galère. Mais l’élection présidentielle est éminemment politique. A partir du moment où un candidat est lié à un parti, avec un nombre minimum d’adhérents, il devrait pouvoir se présenter ».
Depuis le début de la campagne, trois candidats critiquent la règle des 500 parrainages.
Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen et Eric Zemmour dénoncent surtout l’obligation de les rendre publics.
Pour eux, cela décourage les maires sans étiquette, qui peuvent avoir peur des reproches de leurs administrés, ou des pressions politiques locales, exercées par les barons à la tête des Départements, des Régions ou des intercommunalités, et donc souvent décisionnaires des subventions à distribuer aux élus de leur territoire. Ils dénoncent une réforme de 2016, menée sous la présidence de François Hollande, qui selon eux aurait rendu ces parrainages publics.
En réalité c’est faux.
Comme le rappelle le Conseil constitutionnel sur son site internet, dès 1976, chaque candidat voit 500 de ses soutiens tirés au sort et publiés. Autant dire quasiment tous, lorsqu’il s’agissait de candidats qui en obtenaient tout juste un peu plus que 500.
Les élus « parrains » devaient se tenir prêt à voir leur choix connu du grand public. La réforme de 2016 n’a eu que deux nouvelles conséquences : rendre tous les parrainages de chaque candidat publics, et le faire au fil de leur dépôt au Conseil constitutionnel, et non à la toute fin.
Les pistes de réforme
Faut-il malgré tout modifier cette règle ?
Dans un communiqué, le président de l’Association des Maires de France, David Lisnard, a émis plusieurs hypothèses :
Le retour à l’anonymat des parrainages, ou la possibilité pour les maires d’accorder deux parrainages, l’un de soutien, l’autre dit « républicain » (…), ou encore l’ouverture à des parrainages citoyens, comme l’ont proposé les commissions Balladur et Jospin, ce qui à titre personnel recueille mon agrément,
David Lisnard.
Le maire de Cannes dit vouloir réunir les instances de l’AMF pour évoquer cette problématique. Mais changer de règle aujourd’hui ?
Hors de question. « Il existe un usage établi de ne pas changer les règles à 100 jours d’une élection ».
Les candidats ont donc jusqu’au 4 mars pour déposer les signatures récoltées auprès du Conseil constitutionnel.