Une nouvelle bâtisse de Saint-Martin-Vésubie dans les Alpes-Maritimes a disparu sous les coups d'une pelleteuse, ce mardi 3 décembre. La fin d'une histoire commencée après le passage de la tempête Alex. Durant 4 ans, une famille a espéré conserver sa maison.
Célestine Martelli est née à Saint-Martin-Vésubie. Aujourd’hui, à l'aube de ses 90 ans, la maison qui abritait tous ses souvenirs vient de disparaître. "La Hourquie" construite en 1900, et classée au "patrimoine bâti protégé".
"Les sacrifices d'une vie" ont tout simplement disparu, ce 3 décembre 2024. Pour revoir "la Hourquie", il ne restera plus que les photos de famille et quelques vidéos de sa démolition.
Ces images ont été prises par sa belle-fille, Sophie Ray, son indéfectible soutien.
Aujourd’hui, c'est elle qui s'exprime, car Célestine a "suffisamment souffert". Soutenue par ses proches, elle vit désormais dans un petit studio au centre du village, avec ses souvenirs hantés par un autre drame.
Trois ans avant le passage de la tempête Alex, sa fille est décédée lors de l'attentat du 14 juillet 2016 à Nice. Depuis, son corps reposait dans le cimetière de Saint-Martin-Vésubie avant d'être emporté par le déluge qui s'est abattu sur le village. « Je l’ai perdu deux fois » dira-t-elle.
Sauver La Hourquie
Pourtant, après cette terrible nuit du 1ᵉʳ octobre 2020, la maison de Célestine Martelli était miraculeusement intacte, comme suspendue au bord du précipice, à plus de 20 m de hauteur. Un trou béant creusé par le passage des eaux en furie du Boréon qui avaient emporté le terrain devant sa bâtisse.
Le premier constat paraissait simple : il suffisait de conforter le talus. Sophie Ray raconte que les autorités se voulaient alors rassurantes : le talus sera consolidé, une fois que la route métropolitaine qui passait en dessous de la maison serait reconstruite. Livraison prévue fin 2022. Le temps passait, et rien ne bougeait au pied de La Hourquie.
À chaque orage, la pluie grignotait le talus et la famille s'inquiétait de plus en plus.
On est persuadé que leur but a toujours été de détruire la villa.
Sophie Ray, belle-fille de la propriétaireà France 3 Côte d'Azur
Sophie Ray affirme :"un projet nous avait été soumis par la Préfecture". Les démarches adminstratives se sont succèdées mais n'ont jamais abouti. La famille a fait intervenir un géologue, demandé un devis pour "remblayer" le talus, interpellé les différents services de l'Etat ... En vain. "Personne n'a pris la peine de répondre à nos demandes" lâche Sophie Ray. Ce mardi 3 décembre, elle a filmé la destruction de la Hourquie. Une trace persiste encore sur internet. Une cagnotte avait été ouverte sur la plateforme "On participe" : Aide pour sinistrée Tempête Alex.
Trois ans plus tard, le mot "urgent" est toujours affiché.
Mission impossible
Ce n'est pas le même "son de cloche" du côté de la mairie. Alors que le village est sous le choc, en octobre 2020, un adjoint au maire va être plus particulièrement chargé de suivre la reconstruction de la commune. Thierry Ingigliardi explique que "La Hourquie" a été immédiatement placée en péril, ce qui signifie que "les risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices n'offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants ou des tiers." Les habitants ne peuvent alors même plus entrer pour prendre des affaires.
On ne peut pas dire qu'on ne les a pas aidé, mais c'est l'Etat qui décide quelle maison peut être sauvée ou non !
Thierry Ingigliardi, adjoint au maire de Saint-Martin-Vésubie, chargé de la reconstructionà France 3 Côte d'Azur
Le chargé à la reconstruction a veillé à la destinée de 164 maisons touchées par la catastrophe, il connaît bien le dossier. Pour sauver la maison de Célestine Martelli, il explique qu'il fallait "clouter le talus". Cette technique consiste à renforcer les masses instables avec des "barres raides", souvent des barres de fer. Un géologue doit au préalable définir la longueur des barres, pouvant aller jusqu'à 25 m de long.
Ensuite, une grille est apposée sur le talus, puis du béton est alors projeté. Un montant est rapidement chiffré.
Le montant des travaux était estimé à 1,18 million d'euros. C'est de l'argent public, on n'a jamais dépensé une telle somme pour un intérêt privé !
Thierry Ingigliardià France 3 Côte d'Azur
Un million et 180 000 euros. Bien plus que la valeur vénale de la propriété, c'est-à-dire le prix du marché. "La Houquie" a été évaluée à environ 580 000 euros, selon les estimations de la Direction de l'Immobilier de l'État (DIE) qui définit et met en œuvre la politique immobilière de l’État. L'adjoint saint-martinois juge que ces évaluations ont été "justement" réalisées. Pour toutes les propriétés de la commune, le prix au m2 a été évalué entre 2500 et 3 500 euros.
Pour les maisons lourdement impactées, le fonds Barnier a été activé. Célestine Martelli, elle, a refusé. Sans doute, convaincue dans un coin de son cœur, de pouvoir sauver sa maison. Sa belle-fille, Sophie Ray énonce tristement en pensant à la somme nécessaire à la consolidation demandée par les autorités de l'État : "Si j'avais gagné au loto, je l'aurais fait, même si c'est plus que la valeur de la maison (...) si la Métropole avait fait la route, cela aurait été plus facile".
Le temps passe et, sur la commune, les choses avancent. Les travaux des 2 ponts principaux du village ont commencé : ils dureront 18 mois. "La Hourquie" représente désormais une menace pour la route qui reliera les deux ponts et passera juste en dessous. Alors, au début de l'année, sa destruction a été actée. La démolition a duré seulement deux jours la semaine dernière.
Célestine Martelli, elle, n'a plus la force de se rendre dans cette partie de Saint-Martin-Vésubie.
Là où sa maison a été complétement effacée du paysage, comme si elle n'avait jamais existé.