Les écuries du cavalier de l'équipe de France d'équitation, sont toujours partiellement sinistrées, car un de ses assureurs ne respecte pas ses engagements. En attendant les indemnisations auxquelles il a droit, Alexandre Ayache est contraint de vendre ses plus précieux chevaux pour effectuer des travaux afin d'éviter que les dégâts ne s'aggravent.
Nissanga est une jument de couleur bai. Sa crinière, le contour de ses oreilles et le bas de ses pattes se conjuguent en noir. C’est une monture destinée à atteindre les sommets de sa discipline : le dressage. Elle s’entraînait sous la selle d’Alexandre Ayache. Presque tous les jours depuis 2 ans, cercles, voltes, et diagonales s’enchaînaient sur les manèges immaculés nichés à flanc de montagne, à Lantosque. Le couple s’entraînait durement en vue de leur participation possible aux prochains Jeux olympiques de Los Angeles dans 4 ans. La jument avait déjà participé à de nombreuses épreuves internationales, et les résultats étaient prometteurs. Alexandre Ayache est le seul cavalier de dressage à avoir participé à 3 olympiades. Les écuries La Pirouette hébergent une trentaine de chevaux. Tous promis au très haut niveau, tous d’une valeur minimum de plusieurs centaines de milliers d’euros.
Mais, leur histoire commune s’arrête là. Nissanga partira peut-être sur la côte ouest des États-Unis, mais ce sera avec un coéquipier de l'équipe de France. Alexandre Ayache a dû s’en séparer, il y a six mois. Une vente aux allures de sacrifice sur l’autel d’une bataille juridique qui a commencé après le passage de la tempête Alex, qui a lourdement endommagé les bâtiments du centre équestre. Depuis, le cavalier s'essouffle dans une course épuisante contre des assureurs qui ne respectent ni leurs engagements, ni les décisions de justice.
Il y a 4 ans, la tempête Alex
Ce 2 octobre 2020, des pluies torrentielles s'abattent sur les écuries de La Pirouette, comme sur le reste de la vallée de La Vésubie. Les eaux ont creusé une partie de la montagne où s’appuient les maisons et les stalles des chevaux. La route a été emportée.
Une dizaine de box a basculé dans le vide. L'hiver arrive, il faut faire vite. "Ces animaux sont domestiqués depuis des siècles, ils n’ont plus le patrimoine génétique pour rester à l’extérieur dans des conditions climatiques difficiles, la pluie et le froid, sans s’exposer à des complications sanitaires", "Ces chevaux sont tondus pour ne pas trop transpirer lorsqu’ils travaillent. C’est comme si nous, on courrait avec une doudoune. Ensuite, il faut les rincer, et leur robe sèche rapidement, puis il faut les couvrir. On ne peut pas décemment laisser ces chevaux sans abri au-dessus de leur tête."
Et puis, dans 8 mois, Alexandre Ayache doit partir pour participer aux Jeux olympiques de Tokyo, avec son cheval de tête Zowhat.
Heureusement, Yvan Veran, l’organisateur de la grande fête du cheval de Levens, lui proposera alors une solution pour héberger temporairement ses chevaux. Le décret de catastrophe naturelle paraît en un temps record, Alexandre Ayache contacte alors immédiatement ses assureurs. Son domaine a une particularité : les écuries sont assurées par Groupama, les autres bâtiments, principalement les habitations, par les assurances AXA. Deux démarches, deux interlocuteurs.
Un assureur qui assure ….
Dix jours après la catastrophe, un expert des assurances Groupama se déplace sur site : les dégâts sont bien la conséquence directe du passage de la tempête Alex. Un mois et demi plus tard, les 32 box sont détruits. Leur reconstruction a respecté un cahier des charges très strict évalué par des ingénieurs béton. Pour ne plus jamais vivre ça.
Sur les 32 box, 22 sont refaits à neuf grâce à l’indemnisation. Pour les dix restants, Alexandre Ayache et ses frères ont relevé les manches. L’assureur a également pris en charge la toiture du manège, celle du marcheur, pour un total de près d’un million d’euros. Les journées d’inquiétude et les nuits blanches se succèdent, mais le cavalier ne craint pas les obstacles. Les chevaux ont retrouvé leur abri, et les écuries se remettent petit à petit du traumatisme.
Un autre qui fait … un refus d’obstacle
Les maisons aussi étaient appuyées sur le talus qui s’est effondré. Elles sont assurées par les assurances Axa. L’expert du groupe mettra un mois pour venir sur les lieux. Alexandre Ayache ne s’offusque pas, plusieurs vallées ont été très durement touchées, les dossiers sont nombreux. C’est là que les problèmes commencent : selon lui, les dégâts ne relèvent "absolument pas" du passage de la tempête Alex. Selon l'expert, le terrain est instable à l'origine.
Ma maison n’est pas mal construite, cela fait 80 ans qu’elle n’a pas bougé !
Alexandre Ayacheà France 3 Côte d'Azur
Les visites d’experts vont tout de même s’enchaîner. Cinq mois après la catastrophe, le premier devis de l’assureur Axa tombe, il est chiffré à 800 000 euros. De son côté, le cavalier a régulièrement le soutien du préfet nommé à la reconstruction des vallées, Xavier Pelletier. Il a également bénéficié de l’aide des week-ends solidaires. "La première fois, ils étaient 120, ils m’ont aidé à restaurer les parcs extérieurs de chevaux. Ils ont fait, en un jour, ce que j’aurais mis six mois à réaliser".
Mais, l’échéance olympique japonaise approche à grands pas. Difficile de se concentrer, car il faut refaire en urgence un mur de soutènement pour que les engins de chantier puissent venir réaliser les travaux de sécurisation des maisons.
Trois semaines avant les jeux de Tokyo, je dois partir en stage de préparation des JO en Normandie, avec Zowhat.
Alexandre Ayacheà France 3 Côte d'Azur
"Le responsable des indemnisations de chez Axa m'avait dit : avant que vous ne montiez dans l’avion, tout sera réglé. Mais quand je suis monté dans l’avion, j'étais inquiet, les indemnisations n'étaient pas arrivées".
À son retour, l’assureur se rétracte et affirme une nouvelle fois que "les dégâts n’ont rien à voir avec la tempête Alex ". Commence alors une longue et pénible bataille. Des devis, des expertises et un géotechnicien mandaté par les assurances Axa fera même un rapport sans être venu sur place. L’assureur est alors assigné en justice et condamné à honorer son premier accord et à verser un acompte de 200 000 euros. Un expert judiciaire a rendu un nouveau rapport : la tempête Alex est bien la seule responsable. L’assurance doit régler, mais depuis, c’est le silence.
Mais en attendant, le talus continue de s'affaisser, la route d'accès doit être renforcée. Alors le cavalier doit réaliser des travaux pour que la situation n'empire pas. Les factures s'empilent. Les montants augmentent. Pour pouvoir financer ces travaux, Alexandre Ayache n'a d'autres solutions que de vendre ses chevaux. Un véritable crève-cœur. Une quatrième jument, partira, ce dimanche, vers d'autres manèges.