Urbanisme : la préfecture des Alpes-Maritimes conditionne les permis de construire à la ressource en eau

Le préfet des Alpes-Maritimes demande une meilleure prise en compte de l’état de la ressource en eau disponible pour tout nouveau projet d’urbanisation dans le département. Déjà, l'année dernière, huit communes du Var avaient interdit tout nouveau permis de construire. On fait le point un an après.

C'est une petite révolution verte sur la gestion de la ressource en eau par les services de l'État. 

Un virage environnemental pour préserver l'or bleu, l'eau potable de plus en plus rare sur la Côte d'Azur.

Un littoral qui attire toujours plus de nouveaux habitants et de touristes. Face à cet enjeu : trouver le bon équilibre entre démographie et ressource suffisante, le préfet des Alpes-Maritimes explique dans un communiqué qu'il a l’ambition de changer la donne :

Il s’agit de replacer la ressource en eau à la base de tout nouveau projet d’urbanisation. Grâce à ce nouveau document, on va améliorer la résilience de nos territoires face aux effets du changement climatique. La gestion de la ressource en eau constitue sans doute le plus grand défi que nos villes, petites et grandes, auront à relever dans les prochaines années.

Hugues Moutouh, préfet des Alpes-Maritimes

Le préfet des Alpes-Maritimes demande une meilleure prise en compte de l’état de la ressource en eau disponible pour tout nouveau projet d’urbanisation dans le département. 

Une décision qui s'explique par les deux dernières années de sécheresse importante. Conséquence : il y a eu des problèmes d’approvisionnement et des mesures de restriction de l’usage de l’eau dans plusieurs communes. Tous les secteurs ont été impactés : l’agriculture, l’énergie, les loisirs ou l’industrie. Même les douches de plage ont été supprimées dans certaines communes du littoral pour économiser l'eau. 

Cette année, les pluies printanières ont permis de recharger en partie les nappes phréatiques.

Même s'il n’y a pas de restriction d’eau dans les Alpes-Maritimes, Stéphane Liautaud, chef de service adjoint à la DDTM (direction départementale des territoires et de la mer), affirme que la ressource en eau est toujours sous surveillance. Sur France Bleu Azur, il précise :  l’année dernière, 10 cours d’eau étaient à sec, cette année on en a quatre. Donc, on a quelques signes de faiblesse.” 

Pour comprendre la crise de 2023 et la situation actuelle, le BRGM ( Bureau de recherches géologiques et minières) a réalisé une carte de la France qui montre l'écart de la ressource en eau dans les nappes phréatique entre mai 2023 et mai 2024. Un contraste édifiant. 

Tenir compte des pointes de consommation

Mais si le danger d'une pénurie d'eau s'éloigne pour l'été 2024, il faut anticiper les futures pénuries. 

Face à ce défi, le préfet demande aux intercommunalités et aux maires du département que les nouveaux projets d’urbanisation soient conditionnés à la disponibilité de la ressource en eau. "Désormais, l’urbanisation du territoire ne sera possible qu’à condition que celle-ci ne menace pas les ressources en eau, et ce, dans la durée."

Concrètement, il faudra "réaliser un bilan prévisionnel entre la ressource en eau disponible et les besoins des usagers, en tenant compte des phénomènes de pointe de consommation." Des pics de consommation qui fluctuent de manière importante au moment de la saison estivale.

Cette décision de la préfecture entre en résonance avec celle prise par le Pays de Fayence l'année dernière dans le Var. 

Dans le Var, des prévisions inquiétantes 

Contacté, René Ugo, le président de la communauté de communes du Pays de Fayence (qui comprend neuf communes, Bagnols-en-Forêt, Callian, Fayence, Mons, Montauroux, Saint-Paul-en-Forêt, Seillans, Tanneron et Tourrettes) ne connaissait pas cette décision prise par la préfecture des Alpes-Maritimes.

Selon lui, "c'est une bonne formule que l'État se préoccupe de cette situation. Les climatologues ont des prévisions inquiétantes sur les 30, 40 ans à venir. C'est normal qu'on assume ces responsabilités. C'est une décision opportune et de bon sens." Il poursuit : 

Ce qui serait intéressant, c'est que les Alpes-Maritimes et le Var collaborent puisque la Siagne alimente les deux départements. C'est primordial que l'on travaille ensemble.

René Ugo, président de la communauté de communes du Pays de Fayence

à France 3 Côte d'Azur

Pour lui, le département, "c'est une bonne échelle territoriale." Actuellement, le lac de Saint-Cassien alimente le Pays de Fayence et le Pays de Grasse à égalité :10 millions de mètres cube pour les Alpes-Maritimes et 10 millions dans le Var.

Une décision "courageuse et raisonnable" 

Jusqu'en mai 2023, le lac était quasiment à sec. Face à une sécheresse qui s'éternisait, le Pays de Fayence avait décidé de ne plus accorder de permis de construire pendant cinq ans. Une décision qui a déclenché un tollé chez les professionnels du bâtiment et de l'immobilier. 

Depuis, les chantiers en cours ont été terminés, il n'y a pas de nouveau projet dans les huit communes du Pays de Fayence. a permet de faire le point", lâche René Ugo. Le maire de Seillans pense que "d'ici deux, trois ans, on pourra reconstruire un peu, mais dans des proportions très limitées." 

Une décision qu'il estime "courageuse et raisonnable" : "elle a peut-être choqué, mais nous sommes sur la bonne voie. Il fallait réagir. On a bien vu que l'impact climatique était fort."

Une pause dans la construction mise à profit pour réaliser des travaux structurels et rechercher de nouvelles sources d'eau à proximité. Des travaux indispensables pour réorganiser un réseau d'eau vétuste.

Chantiers en cours

Et ces travaux avancent vite, ils devraient être terminés dès l'année prochaine. 

Il faut qu'on optimise la production, on refait des kilomètres de tuyaux, pour améliorer les réseaux actuels à partir de la Siagnole, on agrandit les réservoirs afin d'assurer une meilleure distribution.

René Ugo, président de la Communauté de communes du Pays de Fayence.

à France 3 Côte d'Azur

Une convention a aussi été signée avec le canal de Provence, qui gère le lac de Saint-Cassien pour augmenter la ressource en eau, en particulier pour l'irrigation ou en cas de grave pénurie d'eau.

Coût des travaux : 3 millions d'euros dont 1,5 million d'euros financés par l'Agence de l'eau, 30% pris en charge par l'État. Le reste est payé par la commune et les usagers. Un partage de la facture important pour limiter l'impact sur les habitants.

Un forage a aussi été refait sur la commune de Tourrettes, "avec un bon pompage". De quoi sécuriser à l'avenir le sud de Fayence, Saint Paul-en-Forêt et Bagnols.

Températures caniculaires

Le président du Pays de Fayence compte aussi sur la sobriété des consommateurs pour limiter la consommation. Mais difficile de contraindre les habitants quand les températures deviennent caniculaires. C'était le cas la semaine dernière dans le Var. Et ça continue ! 

Ce dimanche 21 juillet a été la journée la plus chaude enregistrée dans le monde depuis le début des relevés en 1940, avec une température moyenne mondiale à la surface de la Terre de 17,09 degrés, selon le réseau européen Copernicus. Le précédent record datait du 6 juillet 2023. 

Sur le risque de manque d'eau, un besoin vital, l'État et les collectivités essayent d'avoir un coup d'avance. Avant la nouvelle crise. 

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