En pleine épidémie de coronavirus, difficile de se faire rembourser pour les passagers qui avaient prévu des voyages en avion ou en train. Un chemin de croix vécu par Nicolas et Floriane, habitants de Manosque et Béatrice à Avignon. Récit.
C’est une galère dont ils se seraient bien passés. Nicolas Le Plénier et sa compagne Floriane Chastin étaient en voyage aux Etats-Unis lorsque la pandémie de coronavirus a commencé à prendre de l’ampleur.
Originaire de Manosque dans les Alpes-de-Haute-Provence, ils y séjournaient depuis un mois lorsqu’ils ont du rentrer en France en catastrophe.
Ils devaient ensuite se rendre en Polynésie Française pour continuer à voyager un mois encore. Mais ils ont dû faire une croix sur les plages de sable fin.
"Quand Donald Trump a déclaré l’état d’urgence, il a fallu très vite partir, au vu de la dégradation de la situation sanitaire. Nous n’aurions pas pu rester là bas entre le coût d’une location, les supermarchés dévalisés…ça devenait flippant", explique Nicolas.
Avec l’aide du consulat de France à San Fransisco, le couple finit par trouver un billet d’avion pour rentrer au plus vite. Mais là très mauvaise surprise.
"Au départ tous les billets avoisinaient les 4.000 dollars. Finalement on a dû prendre un vol aller-retour avec Air France. Alors qu’on savait pertinemment que le vol retour ne se ferait pas." Cout total : 1.500 euros pour deux personnes.
Nicolas et Florianne atterrissent finalement à Paris le 18 mars, en plein confinement. Et c’est une autre galère qui les attend. Ils achètent un billet de train pour rejoindre Aix-en-Provence TGV, et retourner à Manosque.Dans un contexte anxiogène, on nous laisse sur le quai !
Mais le lendemain, leur train prévu deux jours plus tard est annulé par la SNCF. "Votre train ne circulera pas en raison de la diminution de la fréquence de nos trains suite aux annonces du premier ministre ce samedi 14 mars", leur indique la compagnie dans un mail laconique.
Pour eux, c’est la goutte de trop. "Dans un contexte quand même anxiogène, on arrive en France, on voit tout le monde masqué et là, on nous laisse sur le quai !"
Grâce à plusieurs covoiturages, le couple finit par regagner, enfin, son domicile. Avec un sentiment d’amertume.
Un semblant d'avoir de la SNCF, mais en revanche auncune nouvelle d'Air France. Débute un véritable casse-tête pour tenter de se faire rembourser le prix du vol retour, annulé par la compagnie aérienne.
"Notre billet était pour le 28 mars. Le vol a été supprimé. On a donc fait une demande de remboursement via le site internet de la compagnie. Ça fait un mois quasiment et on n’a toujours aucun signe de vie d’Air France", regrette Nicolas.
Ils ont essayé de joindre la compagnie par mail, par téléphone, ont rempli plusieurs fois le formulaire de remboursement, sans retour à ce jour.
"Certains ont eu des propositions d’avoirs, pas nous. Chaque semaine sur leurs sites, les conditions changent !", pour Nicolas, c’en est trop.
Ce responsable d’une agence de communication décide de créer une page facebook pour fédérer les voyageurs dans le même cas. "Billets annulés = remboursement exigé !", trois jours plus tard la page regroupe déjà une petite centaine de membres.
Comme l’UFC Que Choisir par exemple. L’association française de consommateurs a annoncé vendredi qu’elle mettait "en demeure" 57 compagnies aériennes de permettre le remboursement aux clients des billets annulés en raison de l’épidémie de coronavirus, en application de la réglementation européenne.
Selon elle, 57 compagnies, "dont Air France-KLM, Lufthansa, Emirates, ou encore Ryanair, Easyjet, Vueling imposent en toute illégalité un avoir à validité variable, retardent le remboursement ou appliquent des frais de modification".
De nombreuses compagnies aériennes craignent d'être précipitées dans la faillite si elles devaient rembourser les billets dans le délai de sept jours fixé par l'Union européenne.
Elles demandent de pouvoir allonger le délai de remboursement à plusieurs mois ou proposer un avoir aux passagers.
Des avoirs imposés
Ces billets non utilisés représentent 10 milliards de dollars en Europe, et 35 milliards au niveau mondial, selon l'Association internationale du transport aérien (Iata).L'UFC-Que choisir dit n'être "pas opposée à ce que des avoirs soient proposés aux voyageurs, et appellent ces derniers à examiner avec bienveillance l'opportunité d'un report ou d'un avoir".
Mais elle refuse catégoriquement que cela leur soit imposé, "c'est à eux de choisir", ajoute-t-elle. D'autant, qu'en cas de faillite de la compagnie, "le consommateur qui s'est vu imposer un avoir ne voyagera pas et son argent sera perdu."
L'association enjoint donc aux compagnies de "laisser le choix au passager du mode de remboursement qui lui convient" et indique qu'elle "n'hésitera pas à engager toute action nécessaire" pour faire respecter cette obligation.
"On comprend la difficultés des compagnies aériennes, mais il faut se mettre à notre place aussi, explique Nicolas. Notre argent est bloqué ! Dans 18 mois on n’est pas sûrs de pouvoir refaire ce voyage de notre côté !"
Des centaines de clients mécontents
Quant on se rend sur la page Facebook de l'avionneur, ce sont des centaines de témoignages de clients mécontents qui s’accumulent.Dont celui d’Elisabeth par exemple. Après 45 minutes d’attente au téléphone, la compagnie lui donne une adresse mail pour sa réclamation. "Vous devez rembourser les billets dont les vols sont annulés et vous envoyez directement un bon d’achat. Vos pratiques sont scandaleuses !" s'exclame-t-elle.
La compagnie reconnaît être submergée mais indique que chaque demande sera bien traitée. Contactée par téléphone, le service presse d’Air France indique dans un communiqué qu’elle propose trois options à ses clients.
"Pour des vols dont le départ est prévu avant le 3 juillet 2020 : changer la date de leur voyage sans frais, changer la destination de leur vol, ou obtenir pour les billets non remboursables un avoir de la même valeur que leur billet. Cet avoir sera valable un an et pourra être utilisé sur des futurs vols Air France, KLM, Delta Air Lines et Virgin Atlantic. "
La compagnie précise que "les avoirs émis en cas de vol annulé et qui n’auront pas été utilisés après une période de 12 mois, seront intégralement remboursés" et renvoie vers son site internet.
Un avoir dont bénéficie Béatrice Koch. Cette habitante d’Avignon devait se rendre le 1er avril en Guyane pour rendre visite à son neveu Gaspard.J’ai reçu un avoir par mail mais je veux un remboursement total de mon billet.
Le jeune homme fait son internat de médecine sur l’île et avait déjà réservé les entrées des parcs animaliers et les hôtels sur place pour lui faire découvrir son environnement de travail. Son avion Marseille-Paris puis Paris-Cayenne a été annulé. Mais pas le vol Cayenne-Fort-de-France.
"Après avoir beaucoup insisté j’ai fini par avoir quelqu’un d’Air France au téléphone. On m’a d’abord dit que j’aurai une réponse avant le 30 septembre car ils étaient débordés. Puis j’ai reçu un avoir par mail. Mais je veux un remboursement total de mon billet. Si je ne peux pas partir dans quelques mois et que mon neveu n’est plus en Guyane, ça ne sert à rien !"
Son billet a couté 831 euros et elle avait rajouté en plus 150 euros pour les bagages. Or l’avoir qu’on lui propose ne comprend pas le surcout des bagages.
Même constat pour Mariel, originaire de Marseille. Elle devait se rendre à Marrakech du 14 au 24 mars avec Ryanair. Les vols ont bien sûr été annulés au vu des circonstances sanitaires, quelques jours avant le début du confinement.
Pour l’aller Marseille-Marrakech, elle a été remboursée 73 euros directement via l’application de Ryanair. Mais pas pour le retour de 86 euros, pour lequel elle n’a aucune nouvelle.
Elle l'avait acheté via un comparateur de prix. Le site lui a envoyé un mail automatique précisant que les remboursements "relevaient de la compagnie aérienne". Depuis, elle est sans nouvelle.
Des milliers de passagers semblent être dans ce cas. Pour la Fnaut, la fédération nationale des associations d’usagers des transports, c'est très clair. Les compagnies aériennes doivent rembourser, selon le règlement européen.
"Certes, ils proposent un avoir, mais si, entre-temps la compagnie aérienne fait un dépôt de bilan, le passager c’est pour sa pomme", indique Philippe Cretin, représentant de la Fnaut pour la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.Si une compagnie fait faillite, l’avoir n’est jamais remboursé et le client perd tout
"La commission européenne a été claire, les compagnies aériennes n’ont pas le droit de faire des avoirs, mais comme personne ne donne d’amende, ni de moyen de rétorsion pour le faire, elles en profitent".
En effet contrairement aux agences de voyages qui disposent d'un fond de garantie, il n'en existe pas dans le transport aérien. "C'est une situation totalement anormale, car si une compagnie fait faillite, l’avoir n’est jamais remboursé et le client perd tout".
La Fnaut a mis à disposition des fiches pratiques pour guider les démarches en cas de litige.