En étudiant 17 meurtres et 12 tentatives de meurtres dans des couples sur sa juridiction, le parquet général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence a mis en évidence le contexte de violences antérieures de ces drames.
"Priorité absolue". C'est ainsi que Robert Gelli, l'ancien procureur général de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, avait qualifié en juillet les violences dans le couple. Une étude avait alors été décidée, afin d'analyser les profils de leurs auteurs et d'améliorer la prise en charge des affaires.
Ainsi, 17 cas de meurtre et 12 tentatives ont été étudiés - dont trois commis par des femmes - dans les Alpes de Haute Provence, les Alpes Maritimes, les Bouches-du-Rhône et le Var.
L'immense majorité concerne donc des crimes commis par des hommes envers leur compagne, d'où notre parti pris de parler de féminicide.
S'ils ne sont pas surprenants, les résultats restent alarmants : 80% des auteurs avaient déjà commis des violences au sein de leur couple (70%) ou dans une relation antérieure (10%).
"L'homicide ou la tentative d'homicide est la suite d'un comportement violent récurrent", constate ainsi l'enquête menée par Isabelle Fort, substitut au procureur d'Aix-en-Provence.
Dans plus de 50% des cas, le meurtrier avait des antécédents judiciaires. Selon Le Monde, qui a pu consulter le rapport, parmi ces dossiers, 25% ont été classés sans suite, notamment en raison d'un retrait de plainte de la victime ou d'absence de certificat médical des blessures.
"Cela illustre la difficulté à poursuivre une procédure lorsque la victime refuse de déposer plainte, retire sa plainte ou ne souhaite pas faire constater ses blessures", expose l'enquête.
Autre problème souligné : les procédures antérieures au meurtre n'ont pas bénéficié la plupart du temps d'un traitement via un circuit court.
La région Paca meurtrie ces derniers mois
Le rapport de cette étude intervient après de terribles drames survenus en Paca récemment. Le 7 octobre, dans le petit village d'Eygalières, dans les Bouches-du-Rhône, un homme d'une soixantaine d'années a abattu sa femme et sa fille, avant de se suicider.Le 31 août, à Cagnes-sur-Mer, Salomé, jeune femme de 21 ans, avait été retrouvée morte sous un tas de détrtitus. Un témoin avait déclaré l'avoir vue, la nuit de sa mort, se faire rouer de coups à la tête et au ventre par son conjoint. Celui-ci, âgé de 26 ans, a été mis en examen pour "meurtre par concubin" et placé en détention provisoire.
Ce crime avait suscité une très forte émotion et revêtu une dimension symbolique : selon plusieurs associations de défense de victimes, Salomé était la 100e femme tuée par son conjoint dans l'année.
La société mobilisée
Depuis le 3 septembre et jusqu'au 25 novembre, le gouvernement organise un grenelle sur les violences faites aux femmes, afin d'agir face à ce mal de société.En région Paca, l'association SOS Femmes 13 mène le programme Femina Care auprès des professionnels de santé de la région, pour les sensibiliser et les aider à s'améliorer dans le repérage et l'accompagnement des femmes victimes de violences.
La justice commence aussi à remettre en question ses pratiques, afin de combler ses failles face à ce problème. En juillet, le procureur d'Aix-en-Provence, Robert Gelli, avait adressé aux différents parquets une note listant toute une série de mesures.
Parmi elles : l'interdiction de recourir aux mains courantes et une évaluation approfondie systématique de la victime dès le début de la garde à vue de son conjoint.
En 2018, 121 femmes ont été tuées par leur conjoint.
Chiffres nationaux des violences dans le couple en 2018
Les enfants : autres victimes des violences conjugales
Dans le rapport rendu par Isabelle Fort, une partie s'intéresse aux enfants. Ainsi, dans 20% des cas étudiés, les enfants ont été témoins du meurtre ou de la tentative de meurtre sur leur mère. Le même pourcentage d'entre eux a également subi des violences.En 2018, 21 enfants sont morts dans le cadre de violences conjugales et 57 ont été témoins d'un meurtre.