Ce lundi, un hommage a été rendu dans tous les collèges et lycées de France à Dominique Bernard, le professeur assassiné dans une attaque terroriste dans un lycée d’Arras. Pour un parent, comment évoquer un attentat avec son enfant ? France 3 Provence-Alpes a interrogé une psychologue.
Le 13 octobre dernier, Dominique Bernard professeur au lycée Gambetta d'Arras était assassiné à coups de couteau par un ancien élève de l'établissement scolaire au cours d'une attaque terroriste.
Ce lundi, une journée d'hommage au professeur a été décrétée dans les collèges et lycées par le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal. À 14 heures une minute de silence a ainsi été respectée dans chaque classe.
"Le sujet d’un attentat est extrêmement sensible pour tout le monde, mais plus particulièrement pour les enfants" avertit cependant Nana Hayrapetyan, psychologue spécialise du développement qui exerce en cabinet à Marseille. "Comme nous le savons, les enfants ont une capacité d’imagination et de visualisation plus développée que celle des adultes. Ainsi, devant des actes violents découverts dans l’actualité, même s’il n’a pas été confronté à des images, l’enfant va construire sa propre vision basée sur ses propres peurs, donc les images construites dans son esprit vont forcément être extrêmement angoissantes" explique la psychologue.
Comment alors éviter la survenance de troubles anxieux chez l'enfant ? France 3 a interrogé Nana Hayrapetyan sur la meilleure manière d'aborder le drame d'Arras.
Ne pas aborder le sujet avec les tout-petits
"D’un point de vue cognitif, le cerveau de l’enfant n’est pas encore tout à fait arrivé à maturation, notamment la capacité de rationalisation et la faculté de contrôle ne sont pas encore aussi formées que celles des adultes" explique Nana Hayrapetyan. C'est pourquoi "quand l'enfant est très petit [moins de 3 ans] et que nous savons avec certitude qu’il ne sera pas amené à connaître les événements autrement que par nous, il serait préférable de ne pas l'en informer. Il n’a pas encore les armes pour y faire face", juge Nana Hayrapetyan.
Démystifier la figure "toute-puissante" du terroriste
"Dans le cas d’enfants de primaire où forcément l’information sera diffusée, il est important tout d’abord de parler d’un individu et surtout pas de ce que cet individu voulait représenter (donc un grand non à un discours religieux ou politique). Cela non pas pour être politiquement correct, mais surtout dans l’intérêt de l’enfant : il est important qu’il voit l’événement comme un cas isolé d’une personne instable, plutôt qu’un acte de revendication d’un groupe, qui serait forcément perçu comme un danger plus puissant. Ainsi, avec des mots simples il est préférable d'expliquer que la personne qui a commis ces actes était malade et qu’il fallait la soigner. Le but n’est pas d’être compréhensif envers le criminel, mais simplement de lui enlever, dans les yeux de nos enfants, cette image de 'monstre tout-puissant' dont ils auraient tant peur."
Rassurer les enfants sur leur protection
"Dans un deuxième temps, il est souhaitable de rassurer les enfants par rapport à leur protection : ils doivent se sentir en sécurité à l’école et à la maison. Ceci est plus compliqué, car les parents eux-mêmes sont suffisamment angoissés pour ne pas les sentir en sécurité. C’est une tâche difficile pour les parents, mais ils doivent faire un effort pour se montrer rassurés et sereins : le repère de l’enfant, c’est le parent donc si le parent se montre confiant, il se sentira mieux."
Faire parler les ados pour qu'ils évacuent leur angoisse
Quel discours tenir auprès des ados qui ont pu consulter sur Tik Tok des vidéos très graphiques de l'attaque ?
"Malheureusement, les réseaux sociaux amènent à voir tout, et souvent des choses indésirables", déplore Nana Hayrapetyan . "Les adolescents auront surtout besoin de parler pour évacuer l’angoisse. C’est assez contradictoire, car une grande partie des adolescents ont tendance à très peu parler avec les parents. Ainsi, il ne faut surtout pas les brusquer, mais leur proposer le dialogue. Le discours qu’on tiendra n’est pas très important dans leur cas, il est plus important qu’eux puissent s’exprimer. Si c’est une tâche trop compliquée pour les parents, idéalement les écoles devraient organiser des petits groupes de paroles avec le psychologue scolaire ou avec un enseignant, pour donner à chacun la possibilité de décharger ses angoisses."