Très prisés des touristes mais surtout des Provençaux, le santon revient chaque année inlassablement. Retour sur l'histoire d'une pratique religieuse faisant, à présent, partie intégrante de la tradition provençale pour les fêtes de Noël.

De la classique scène de la nativité représentée depuis des siècles dans l’art, jusqu’à des personnages parfois surprenants, les santons ont connu une forte évolution depuis leur création. "C’est un sujet vraiment immense qui raconte toute l’histoire de la Provence", atteste Henri Amouric, historien spécialiste de cette thématique.

Si les premières crèches sont érigées en Italie au Moyen-Âge, les premiers santons provençaux arriveront quelques siècles plus tard. À présent moins attrait à la tradition religieuse que provençale, le santon est témoin d’une histoire régionale riche faisant partie de son identité. Au point que certains militent pour son inscription au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco.

Le Marseillais Jean-Louis Lagnel comme pionnier

On attribue la première crèche vivante à Saint François d’Assise, qui en 1223, dans un petit village d’Italie, représente la scène de la Nativité avec des personnages réels. De là découlerait, notamment en Italie, la création de scène de la naissance de Jésus avec des personnages en bois ou en terre. "Personne n’est véritablement sûr des origines des santons", tempère Henri Amouric.

Dès le XVIIe siècle, on peut observer quelques crèches luxueuses dans certaines églises en Provence, mais celles-ci restent rares. Ce n’est qu’à la toute fin du XVIIe siècle que les crèches apparaissent peu à peu chez l’habitant en Provence.

En pleine Révolution française, alors que les églises sont fermées par les volontés de ceux qui prônent l'anticléricalisme des révolutionnaires, les Provençaux, très croyants, recréent des crèches chez eux en petit format afin qu’elles soient cachées au besoin.

On dit qu’à la Révolution, les gens ont réfugié leur foi dans ces petites scènes de la Nativité.

Henri Amouric, spécialiste de l'histoire de la Provence

C’est également à cette époque, qu’un Marseillais fabricant de statuettes, Jean-Louis Lagnel, crée le premier moule de santon.

Un nom tiré du provençal santoun, qui signifie "petit saint". C’est lui qui amorce la production de santons dans des volumes importants.

1803, la première foire aux santons à Marseille

Avec le Consulat et l’Empire, et le retour du calendrier traditionnel et de ses fêtes catholiques, le travail de Jean-Louis Lagnel, moulant des santons en terre crue qu’il peint par la suite, commence à avoir un certain succès.

Pour preuve, il se fait assez rapidement imiter, en 1803 nait la première foire aux santons de Marseille. Elle vit cette année sa 220e édition. "Le côté purement religieux a été mis de côté très tôt", nuance Henri Amouric.

En effet, Jean-Louis Lagnel "peuple ses crèches d’un très grand nombre de personnages, inspirés par les passants des rues de Marseille et les petits métiers de l’époque", comme l’explique l’historien Régis Bertrand dans un texte sur l’histoire des santons.

Une tradition héritée de Naples que l’on peut voir encore de nos jours. "Dès l’époque, il y a beaucoup d’échanges avec Naples, ce sont 2 grands ports de commerce. On voit apparaître alors ces santons qui n’ont rien à voir avec la scène de la Nativité, observe Henri Amouric. L’idée napolitaine, c'est : tout un peuple sous dieu."

Thérèse Neveu, la première santonnière professionnelle

En réaction à la Révolution, les santons connaissent un franc succès qui va de pair avec la reconquête du peuple par l’Église. Mais au-delà des personnages bibliques, le village provençal et ses métiers disparus fascinent. "Dès la fin du XIXe siècle, certains de ces métiers n’existent déjà plus, ou du moins pas tel qu’ils sont représentés", ajoute Henri Amouric. Mais la tradition perdure.

En 1890, Thérèse Neveu, issue d’une famille de céramiste, est la première à confectionner des santons de terre cuite. Jusque-là, il n’y a pas ou presque de santonniers professionnels. L’activité est plutôt annexe, "faites plus pour arrondir les fins de mois à la fin de l’année" qu’autre chose, selon Henri Amouric. L’historien considère Thérèse Neveu comme la "mère du santon provençal", à laquelle il a d’ailleurs consacré un livre. "C’est elle qui crée le santon tel qu’on le connait aujourd’hui", assure l’historien.

Dellepiane, le santon autrement

Au début de la Première Guerre mondiale, le peintre marseillais né à Gênes, David Dellepiane, fait vivre le santon autrement. Il en fait un objet de décor de ses peintures. Mais pas n’importe lequel, un "santon naïf" dépourvu d’expression réaliste comme les santons que l’on a l’habitude de voir. En plein mouvement art déco, on retrouve ses santons déclinés sur de la mosaïque. "Ces 'santons naïfs' ont, à présent, presque totalement disparus", constate Henri Amouric. 

Une production et un succès qui ne s’arrête pas depuis l’entre-deux guerres

Après 1918, le métier de santonnier devient de plus en plus répandu en Provence. La demande ne faiblit, si bien qu’au milieu des années 1930, les premiers grands ateliers de santons vont voir le jour. En 1934, Jean-Baptiste Fouque crée son atelier à Aix-en-Provence, suivi une année plus tard par Marcel Carbonel à Marseille. Deux ateliers qui, encore aujourd’hui, sont parmi les plus connus.

À présent, les santons provençaux font surtout parler d’eux quand, à l’instar de leurs frères napolitains, ils incarnent des personnages qui font l’actualité. Celui de Didier Raoult a notamment marqué les esprits.

"Il y en a eu d’autres, relève Henri Amouric. Fernandel ou Marcel Pagnol par exemple. Il y en a même eu un du Maréchal Pétain en 1940." L’historien souligne qu’à l’époque ce santon avait été demandé, mais aussi que des santonniers avaient offert une crèche au Maréchal Pétain lui-même.

Des "petits saints" qui interrogent. "C’est comme celui de Didier Raoult il y a quelques années, cela représente une partie des gens et de leurs idées", conclut Henri Amouric.

Si la crèche classique est toujours présente, beaucoup de santons n’ont plus grand-chose à voir avec la naissance de Jésus. "Dès le XIXe siècle, il y a cette ambivalence. D’un côté, on vous rappelle que c’est un événement religieux. De l’autre cela représente tout un peuple, ou une tradition avec des métiers déjà passés", note l’historien Henri Amouric.

Les santons provençaux perpétuent avant tout une tradition régionale. "J’ai de tout dans mes clients, tranche Paul Garrel, santonnier à Rocbaron, dans le département du Var.

"Il y a des gens croyants avant tout mais beaucoup se font plaisir surtout en recréant le village provençal. Et puis on peut concilier les deux !" conclut l'artisan.

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