"Ça me permet de louer des logements au-dessus de mon pouvoir d'achat" : ils ont testé les alternatives bon marché à Airbnb

Échange d'appartements, gardiennage, cyclotourisme… Alors que Airbnb domine le marché, des personnes font le choix de plateformes alternatives pour se loger.

A Marseille comme dans d'autres grandes villes, les Airbnb et les locations de courte durée sont de plus en plus critiqués. Accusés de faire augmenter les prix des logements à l'achat, de diminuer l'offre en location et de vider les centres-villes touristiques, ils sont régulièrement remis en cause et attaqués. Ce lundi 29 janvier, les députés examinent un projet de loi sur la niche fiscale dont bénéficient certains meublés de tourisme. Certains vacanciers ont déjà fait le choix de voyager autrement. Pour eux, c'est avant tout une question d'éthique.

Alice garde des maisons et des animaux

Pour écrire sa thèse, Alice cherchait un endroit calme et bon marché. Chercheuse à l'Université Aix-Marseille, elle vise les Cévennes. "Ma  mère m'a parlé du site Nomador. Au début j'ai cru que c'était un plan foireux. J'ai regardé : il y avait plein d'offres ! Plutôt pour deux ou trois semaines."

Une proposition attire son attention : une maison dans les Cévennes, à garder de l'automne au printemps, pour six mois.

"A la base, c'était juste un gardiennage de maison. Entre-temps, les propriétaires, qui vivent une partie de l'année à l'étranger, ont adopté un chien. Donc ça s'est transformé en gardiennage de maison avec un chien. Ce qui me convenait très bien. C'était pratique pour moi d'être isolée à la campagne et proche d'une grande ville, je suis à moins de deux heures de Marseille."

Nomador se présente comme un site "home-sitting pour les amoureux du voyage et des animaux à travers le monde." Alice y a trouvé des maisons avec ou sans animaux à garder. Le site est gratuit, mais il existe des formules payantes, entre 79€ pour trois mois et 179€ pour un an. Les utilisateurs reçoivent des commentaires, ce qui permet un rapport de confiance entre les "home-sitters" et les propriétaires.

Lorsqu'elle a fait son premier gardiennage de maison, Alice n'avait aucun commentaire sur son profil. Elle a été sélectionnée, parmi une dizaine de candidats, après avoir rencontré ses hôtes.

Parmi les points positifs, la jeune chercheuse retient surtout : "Ça me permet de vivre dans des lieux ne qui correspondent pas du tout à mon pouvoir d'achat et que je ne pourrais pas me permettre de louer."

Ça colle très bien avec mon mode de vie 100% télétravail et assez nomade.

Alice, utilisatrice de Nomador


France 3 Provence-Alpes

Dans les Cévennes, elle a tissé des liens avec ses propriétaires, "qui sont en train de devenir des amis". "Je trouve que c'est un super bel esprit pour ces gens qui n'ont, je pense, pas besoin d'entrée d'argent supplémentaire."

Les propriétaires sont rassurés à l'idée d'avoir une présence dans la maison : "ce qui les inquiétait le plus, c'était le risque d'inondations dans les Cévennes et les squatteurs. La propriétaire considère qu'une maison qui vit, une maison qui est chauffée, c'est une maison qui vieillira moins vite. Elle préfère que la maison soit habitée plutôt que vide."

En contrepartie, Alice doit accomplir de petits services : suivi du courrier, donner des nouvelles du chien et trouver des remplaçants de confiance quand elle part quelques jours.

Parmi les points négatifs, la jeune femme raconte : "Deux fois, je me suis retrouvée à l'hôpital des chiens, avec un chien que j'aime maintenant mais qui n'est pas mon chien. Ça fait peur, pour l'animal et peur d'annoncer aux propriétaires une mauvaise nouvelle."

Alice a également gardé des maisons sur de courtes durées avec Nomador, en Corse et en Savoie. Elle paie son inscription sur le site, ce qui lui permet d'avoir accès à plus de photos et plus d'annonces que la version gratuite. Elle rembourse en outre les charges courantes du logement qu'elle occupe pour une longue durée. Pour les courtes durées, elle amène un cadeau symbolique, en guise de remerciement. "J'aime beaucoup l'idée de découvrir un lieu, non pas par volonté de découvrir ce lieu en particulier, mais parce que la maison est installée à cet endroit-là."

Sophie échange son appartement contre des points

Sophie et son compagnon sont inscrits sur le site Homeexchange depuis trois ans. "J'ai passé une quarantaine de nuits dans des capitales européennes et des coins perdus de la campagne française, en ne payant presque rien", s'enthousiasme-t-elle. En contrepartie, la trentenaire a prêté son logement à Marseille une dizaine de nuits. 

Le site Homeexchange propose plusieurs options pour échanger son appartement : des échanges réciproques (vous partez en vacances dans l'appartement de quelqu'un qui part chez vous), des échanges en différé et des échanges contre des points.

"Dans notre cas, l'échange d'appartement est rarement réciproque. On fonctionne grâce à un système de points. Notre appartement vaut environ 100 points par nuits, un montant qui est établi en fonction du nombre de couchages et du confort du logement. Selon le crédit de points dont nous disposons, nous pouvons séjourner dans des appartements mieux ou moins bien que le nôtre."

Le site fonctionne par abonnement. Pour 160€ par an, les utilisateurs peuvent faire autant d'échanges qu'ils le souhaitent, en fonction de leur nombre de points. "Une amie était tellement enthousiaste qu'elle a fait 16 échanges la première année !", raconte Sophie. "Moi, je conseille aux gens de ne payer leur abonnement qu'une fois qu'ils ont trouvé leur première destination de voyage. On peut discuter avec les hôtes et remplir son profil avant de payer l'abonnement, ça permet de se faire une idée. Vu les tarifs pratiqués aujourd'hui pour les locations de courte durée, c'est rentabilisé en deux nuits."

Sophie est locataire de son logement mais comme il n'y a pas d'échange d'argent avec ses hôtes, elle a le droit de proposer son appartement sur la plateforme sans demander l'avis de son propriétaire.

"Les échanges sont notés, explique-t-elle. Donc ça permet de se faire une idée des personnes qui viennent chez nous, même si forcément, il reste toujours un stress à l'idée que ça se passe mal." D'autant que Sophie et son compagnon confient, en plus de leur appartement, leur chatte de deux ans, Sheila. "Quand les gens me contactent pour me demander de venir chez moi, je regarde s'ils ont bien lu l'annonce et s'ils sont conscients qu'ils vont devoir s'occuper d'un animal. C'est un critère de sélection pour savoir si je vais les accueillir ou pas." Un système de caution rassure les personnes qui accueillent, en cas de problème.

Une amie de Sophie voyage avec son enfant en bas-âge : "Elle trouve cela super, parce qu'elle fait des échanges avec des famille au même profil. Le petit trouve toujours des jeux pour s'amuser et les hôtes sont plus compréhensifs si l'enfant casse des petites choses."

De ses échanges à travers l'Europe (même si le site s'étend sur le monde entier), Sophie n'a presque que des bons souvenirs : "A Paris, nous étions dans un cocon en plein cœur du Marais. A Amsterdam, nous avions une maison de trois étages, avec des vélos. On se baignait juste devant. Sur les bords de Loire, nous avons séjourné dans un hôtel qui proposait une chambre en Homeexchange, en plus de ses chambres au tarif classique. Nous ne rencontrons pas toujours nos hôtes. Mais leur démarche est généreuse, ça se dégage souvent de l'atmosphère des endroits où nous logeons."

On découvre l'univers d'une personne. C'est tout l'inverse du côté impersonnel des locations de courte durée

Sophie, utilisatrice de Homeexchange


France 3 Provence-Alpes

Parfois, les hôtes qui accueillent demandent des frais de ménage, mais cela reste marginal. "Le site envoie un guide de bonnes pratiques avant chaque échange. L'idée, c'est de laisser le logement tel qu'on l'a trouvé. Nous, on apporte un petit cadeau symbolique mais ce n'est pas obligatoire. D'ailleurs, aucune des personnes que nous avons accueillie ne nous en a apporté. En revanche, des personnes chez qui nous sommes allées nous ont laissé des cadeaux de bienvenue ! Au-delà de la question matérielle, c'est un choix de voyage plus éthique et attentionné."

Malgré son enthousiasme, Sophie cite tout de même quelques inconvénients : "dans certaines villes touristiques, les gens sont saturés de demandes. Ils nous répondent "Je ne peux pas vous accueillir, j'ai trop de points !" Ou ils écrivent dans leur profil "10 nuits minimum". Donc parfois, il faut envoyer énormément de messages avant d'avoir une réponse positive. Un été, nous souhaitions partir au Lac de Côme, nous n'avons pas pu passer par Homeexchange. Cet année, nous partons dans les îles éoliennes, nous ne comptons pas trop dessus."

Elle, n'est pas gênée par ce fonctionnement, même si c'est chronophage : "Le temps passé à écrire aux hôtes potentiel est aussi du temps où on se projette dans les vacances !" Mais des amis de Sophie ont abandonné. Ils préfèrent louer leur appartement en courte durée pour financer leurs vacances ailleurs.

Autre réserve : l'appartement de Sophie n'a rien d'un hôtel. Quand elle accueille des gens, elle doit redoubler d'efforts sur le ménage, dégager de l'espace dans ses placards, etc. "Ça aussi, ça prend beaucoup de temps. C'est aussi pour ça qu'on est reconnaissants que des hôtes fassent cela pour nous, quand on vient chez eux. Le secret de cette plateforme, c'est la réciprocité !"

Marie voyage à vélo

Depuis dix ans, Marie est membre du site Warmshowers. Un nom qui se traduit par "douches chaudes". L'idée ? Les membres paient un abonnement de 30 dollars à vie pour faire fonctionner le site et en contrepartie, ils peuvent héberger des cyclistes ou être hébergés par des membres, à condition de voyager à vélo.

"C'est une grande famille de cyclo-voyageurs", décrit Marie avant d'évoquer les bons souvenirs laissés par ses échanges sur le site : "Nous avons hébergé un couple d'américains qui sont tombés amoureux de la France. Ils ont voulu venir avec un visa. On les a aidés, hébergés. Ils vivent désormais à deux pas de chez nous." Il y a aussi "Cet Australien qu'on avait connu à Melbourne, et qui s'est retrouvé coincé par le Covid. Il nous a laissé toutes ses affaires pendant les deux ans de la pandémie. Il est revenu deux ans après chercher son vélo et ses sacoches."  Des recontres que Marie n'est pas près d'oublier : "Le Canadien à la recherche de sa famille en France, le Brésilien à la recherche de ses racines portugaises, le Colombien avec son diplôme de littérature comparée française..."

Sur ce site, c'est la confiance qui prime : "On peut noter son hôte, mais très peu le font."

Comme sur les autres plateformes, c'est à la personne qui souhaite être hébergée de solliciter ses hôtes. "Il n'y a aucune garantie de réponse quand on veut dormir chez quelqu'un. Malheureusement, le taux de réponse (positive ou négative), est à peu près de 65 %. Donc si on veut vraiment être hébergé il faut envoyer plusieurs demandes, des dizaines dans les grandes villes."

Très engagée dans l'aventure Warmshowers, Marie déplore quand même quelques "abus", contre lesquels la plateforme n'offre aucune protection : "Pour beaucoup de nouveaux membres, c'est plutôt un plan dodo gratuit en mode profiteur. Le fait d'avoir rendu la plateforme payante (l'application coûte 20 € par an en plus) est une très grosse erreur puisque, une fois que les gens ont payé, ils veulent rentabiliser leurs dépenses en retour. D'où la mentalité de consommateurs."

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