COP28. Avec le réchauffement climatique, le goût du vin va-t-il changer ?

Chaque année, les vendanges sont un peu plus avancées. Les épisodes de sécheresse amenuisent les récoltes de raisin. Pour maintenir la qualité du vin français et son goût, les scientifiques travaillent main dans la main avec les appellations.

Quel sera le goût du vin rouge dans nos verres en 2050 ? Un vin qui pourrait être "plus concentré, plus riche en alcool, moins acide", répondent les scientifiques du projet Laccave, financé et coordonné par l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE).

Avec le réchauffement climatique, les vignes sont partiellement menacées. Elles bourgeonnent plus tôt dans l'année, ce qui les rend plus sensibles au gel. La sécheresse les rend moins productives et menace, à terme, de les tuer. Dans ce contexte, les vendanges sont avancées, la maturation des raisins se fait dans des températures de plus en plus chaudes.

"Ce qui fait les grands vins, une fois que le cycle végétatif est allé à son terme, c’est l’alternance de température entre le jour et la nuit, détaille Laurent Audeguin, directeur recherche innovation au sein de l'IFV, l'Institut français de la vigne et du vin. Sur les rouges, cela va entraîner une bonne maturation, influer sur la couleur et les tanins. Sur le blanc, cela va jouer sur les arômes."

Dans un contexte de fortes chaleurs, l'acidité des raisins baisse et leur teneur en alcool potentiel augmente.

"Le terroir bouge"

"Le terroir est une association entre les hommes, le climat et les sols. A partir du moment où le climat bouge, le terroir bouge", insiste Nicolas Garcia, directeur du syndicat des vins de Provence.

Cela signifie-t-il pour autant que les vins français tels qu'on les connaît vont changer radicalement de saveur ? " Des solutions pour l’adaptation sont possibles", répondent les scientifique de l'INRAE.

Basé au Grau-du-Roi (Gard), Laurent Audeguin étudie les cépages. Son rôle, c'est d'étudier l'avenir de la vigne française. "Nous travaillons sur des cépages historiques qui murissent plus tardivement et des cépages méditerranéens plus tolérants au stress hydrique, c'est-à-dire à la sécheresse. Nous étudions également des cépages hybrides, plus résistants aux champignons, comme le mildiou ou l'oïdium."

L'enjeu, c'est de faire évoluer le vignoble français, pour l'adapter à une hausse générale des températures et à une "pluviométrie erratique", précise le scientifique. "Aujourd'hui, 80% du vignoble français provient d'une vingtaine de cépages. Alors que notre patrimoine est composé d'environ 600 cépages. Certains ont été oubliés et peuvent retrouver leur place, parce qu'ils sont plus tardifs, qu'ils murissent plus tard, parce qu'ils concentrent moins de sucre et gardent davantage d'acidité."

Des cépages anciens ou hybrides

La recherche s'oriente également vers les espèces méditerranéennes, comme l'Assyrtiko, cépage endémique de l'île grecque de Santorin. "C'est un cépage qui vit sur l'île depuis très longtemps. Il s'est très bien adapté, alors qu'il doit tomber environ 200mm d'eau par an sur l'île. Il est possible de le cultiver en France. Mais il faut voir si ses qualités sont transposables", expllique Laurent Audeguin.

Pour préparer les vignobles au réchauffement climatique, l'Institut national de l'origine et de la qualité, l'INAO, autorise l'expérimentation d'espèces anciennes ou nouvellement créées –les hybrides. Mais afin de préserver le cahier des charges des AOP, les conditions d'utilisation de ces nouvelles variétés (appelées Vifa, variétés d'intérêt à fin d'adaptation) sont strictes :

  • Elles ne doivent pas dépasser les 5% de l'encépagement d'une exploitation
  • Elles ne doivent pas représenter plus de 10% des assemblages
  • Les Vifa, sont limitées à 10 variétés par AOP et par couleur

La crainte, serait de changer les caractéristiques des AOP et donc, de modifier l'identité des terroirs français.

"L'enjeu, c'est de conserver la culture de la vigne et vins tels qu'on les produit aujourd'hui, déclare Nicolas Garcia, directeur du Syndicat des vins Côte de Provence. C'est-à-dire des vins secs, aromatiques, clairs. On veut maintenir cette complexité, cette acidité, cette fraîcheur, sur laquelle le consommateur se retrouve."

Trouver une continuité 

L'appellation est en pointe sur la question et mène des expérimentations depuis six ans. Trois nouveaux cépages y sont étudiés. En 2024, les premières bouteilles de Côtes de Provence issues de Vifa verront le jour. "On y va lentement, pour observer le vin qu'on obtient, voir si son identité peut changer", précise Olivier Nasles, président du comité national de l'agriculture biologique de l'INAO.

"On ne sait pas ce que c'est, le goût d'avant. Si le goût du vin évolue avec le climat, il faut s'isncrire dans un continuum", estime Laurent Adeguin.

Dans les Côtes de Provence, d'autres pistes sont également étudiées pour adapter le vignoble aux enjeux climatiques. Comme le travail sur la nature des sols, afin que les vignes absorbent davantage l'eau et les micronutriments. Ou des tentatives pour limiter l'évapotranspiration de la vigne et la maintenir suffisamment hydratée.

Nicolas Garcia le reconnaît : "Travailler avec le vivant dans un monde qui bouge, ce n'est quand même pas simple.".

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