"Notre crainte, c'est de voir des personnes sans rien" : après la loi immigration, l'inquiétude des associations

Au lendemain de l'adoption du projet de loi immigration, les associations s'inquiètent des conséquences de ce texte. Rencontre avec des bénévoles dans le quartier de Notre-Dame-des-Marins à Martigues.

"Les personnes qui ne sont pas en situation régulière, comment vont-elles faire ?, s'interroge Linda*. Cinq ans sans allocation avec des enfants : c'est trop dur." Originaire du Maroc, Linda vit depuis dix ans en France. Ayant la nationalité italienne, elle est en situation régulière. Cela ne l'empêche pas de s'inquiéter, alors que le projet de loi immigration a été adopté par le Parlement, mardi 19 décembre. "On pense aux autres".

Parmi les mesures prises, la commission mixte paritaire s'est par exemple accordée pour conditionner "l'accès à certaines prestations sociales (allocations familiales, aide personnalisée au logement...) à cinq ans de séjour régulier en France".

"Notre crainte, c'est de voir des personnes sans rien"

Linda est en stage de formation au sein de l'Association Solidarité des Travailleurs Immigrés (ASTI) de Martigues. Elle est encadrée par Yamina Boukhetaïa. Assises de part et d'autre d'un bureau où s'empilent des dossiers, les deux femmes discutent de cette loi.

"La plupart des familles que je suis sont déjà dans des situations de grande précarité, qu'elles soient en situation régulière ou irrégulière, détaille Yamina, le visage fermé. Notre crainte, c'est de voir des personnes sans rien.

"L'autre jour, j'ai rencontré des personnes en situation irrégulière, raconte Linda*. Ils avaient des difficultés, leur garçon était malade et ils n'avaient pas l'argent pour les médicaments."

Bien que les deux femmes n'aient pas encore eu le temps de se plonger dans les détails du projet de loi, elles craignent de voir augmenter la précarité de certaines familles. "Je m'inquiète aussi pour après, ajoute Linda*. J'ai peur que les prochaines lois n'améliorent pas la vie de nos enfants."

"Comment peuvent-ils se construire un avenir si on les discrimine ?"

La précarisation des personnes alarme aussi Georges Fournier. Il préside la maison de l'hospitalité de Martigues. "Les personnes que l'on reçoit sont déjà dans des situations psychologiques difficiles, commence-t-il. Ils ont fui leur pays pour des raisons économiques, mais aussi de discrimination, en particulier les femmes. Comment peuvent-ils se construire un avenir si on les discrimine ?"

Son bureau se situe à côté de celui de Yamina Boukhetaïa. Ensemble, ils accompagnent de plus en plus de familles : aide à trouver un logement, obtention de la carte de séjour, droit d'asile... "Il y a trois ans et demi, quand on a commencé, on avait une cinquantaine de dossiers, se rappelle-t-il. Aujourd'hui, on en traite plus de 700."

Georges Fournier feuillette les pages des dizaines de dossiers disposés devant lui. À chacun son histoire et ses problématiques.

Assise à côté de lui, Elisabeth Grand lui fait aussi part de son inquiétude. Elle est membre de l'association du pont qui regroupe des retraités du domaine de la santé mentale. Leur objectif : accompagner les migrants qui souffrent notamment de chocs psychotraumatiques. 

"On fait retomber sur les associations ce qui devrait être pris en charge par la solidarité nationale, s'attriste-t-elle. Pour moi, c'est impossible de laisser les gens souffrir." Elisabeth Grand prend l'exemple d'une mère et de sa fille qui ont fui leur pays pour éviter un mariage forcé.

Avant d'arriver en France, elles sont passées par le Mali, l'Algérie ou encore la Tunisie. Au cours de leur exil, elles ont subi des viols et des agressions. "Le mariage forcé n'est pas une cause d'asile, explique Elisabeth Grand. Mais ces femmes ont été maltraitées, elles ne vont pas rentrer dans leur pays." Indignée, elle conclut : "On ne peut pas laisser appliquer une loi qui est inhumaine."

*Les prénoms ont été modifiés 

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