Après avoir manifesté à Gignac-la-Nerthe le 9 septembre dernier, les riverains de l'aéroport se sont réunis ce jeudi soir aux Pennes-Mirabeau pour dénoncer les nuisances sonores et proposer des pistes de solution.
Un quartier calme et proche de toute commodité, c'est ce qui avait séduit Yves Vocenas quand il a fait construire sa maison aux Granettes en 2006, à Gignac-la-Nerthe. Sa propriété étant hors du plan d'exposition au bruit, qui définit les zones où l'on peut construire en fonction des nuisances de l'aéroport, il pensait sa tranquillité assurée. Dix-huit ans après, la donne a changé. Cet habitant fait partie des nombreux riverains mobilisés contre les désagréments causés par le passage des avions.
Ils étaient près de 300 à Gignac-la-Nerthe à la précédente manifestation contre les nuisances sonores liées à l'aéroport le 9 septembre. Ce jeudi 28 septembre, c'est devant l'hôtel de ville aux Pennes-Mirabeau que la mobilisation s'est tenue.
Des relevés à 75 décibels en pleine nuit
"Je suis en dehors du PPBE et j'ai des avions qui me passent à moins de 300 mètres d'altitude au-dessus de la maison, explique Yves Vocenas, qui préside l'association créée à Gignac en septembre. J'ai acheté un débitmètre et j'ai des nuisances sonores à plus de 75 décibels", constate-t-il aujourd'hui. Ce qui équivaut à la puissance sonore d'un aspirateur ou d'une tondeuse.
"Sur le PPBE, aucun avion ne doit y passer, mais ils y passent quand même", déplore-t-il. Et depuis la fin de la crise du Covid, la situation n'a fait qu'empirer selon lui. "C'est constamment, de 5h du matin à 2H du matin suivant, toute la nuit. C'est incessant, avec des taux de nuisances sonores abominables, c'est infernal!"
Même constat des habitants de certains quartiers des Pennes-Mirabeau, comme le quartier du Repos, le désormais mal nommé. Ils ont relevé entre 134 et 164 vols quotidiens entre le 11 juin au 17, au départ de la piste 13 de l'aéroport. Soit un avion toutes les neuf minutes, selon Flightradar, le site de traçage de vols du trafic aérien.
Page Facebook, pétition et manifestation
Insupportable au quotidien, cet environnement dévalorise aussi les propriétés comme celle des Vocenas. "On a acheté des terrains pour faire construire dans le coin, hors PPBE, à des prix exorbitants... Avant le Covid, j'avais fait estimer ma maison à 650 000 euros et aujourd'hui, elle serait à moins de 400 000".
Des habitants sont également impactés par le bruit des avions et se mobilisent sur les communes voisines de Marignane, Saint-Victoret, Le Rove, et les Pennes-Mirabeau. Les pétitions se multiplient.
Des trajectoires modifiées
Jean Reynaud préside l'association Bien Vivre aux Pennes-Mirabeau (BVPM), qui a pris le dossier en main depuis deux ans pour porter la parole des riverains, particulièrement impactés depuis la période post-Covid. Il pointe les "altitudes de décollage et d'atterrissage qui ne respectent pas les trajectoires et les pentes qui sont définies".
L'association s'appuie sur des analyses de l'aviation civile, "qui ont confirmé que les trajectoires avaient été concentrées sur certains couloirs, qui ont été restreints en amplitude, puisqu'on est passé de couloirs de 9 km de large à 1 km de large", explique Jean Reynaud, ça veut dire que les avions passent beaucoup plus au même endroit."
Autre problème noté par le président de la BVPM, "c'est qu'il n'y a pas d'interdiction de vols la nuit, à Marseille-Provence, contrairement à Nice. C'est à toute heure du jour et de la nuit. Les gens nous disent, surtout l'été, on dort avec les fenêtres ouvertes, on n'arrive plus à dormir."
Pas de couvre-feu la nuit à l’aéroport de Marignane
Il est reconnu que le bruit est la deuxième cause de mortalité liée à l'environnement, chaque année en Europe. En juin dernier, l'Autorité nationale de contrôle des nuisances aéroportuaires, l’ACNUSA, a rendu un rapport qui alerte sur les manquements croissants à la réglementation de certains aéroports français.
Dans un entretien à La Provence, son président Gilles Leblanc souligne qu'à Marignane, il n'y a pas de couvre-feu la nuit, comme dans d'autres aéroports, ni de plafonnements du nombre de mouvements entre 22h et 6h. "C'est l'un des aéroports pour lesquels l'Etat est le moins exigeant en France en matière de règles environnementales et en termes de viligance quant à leur respect", indique l'expert.
Pour 2022, 17 instructions ont été établies par la Direction de la Sécurité de l'Aviation Civile (DSCA) auprès de l’ACNUSA, 10 pour manquements horaires, 7 pour trajectoires. Pour Gilles Leblanc, "ça ne veut rien dire en soi : on n'enfreint pas les règles, qui n'ont pas été fixées."
"On ne demande pas que les avions ne volent pas"
L'association BVMP a listé 13 propositions pour améliorer le quotidien des riverains. En premier lieu, ils demandent que le plan d'exposition au bruit soit respecté par les compagnies aériennes et que les zones ne soient ni modifiées ni étendues.
"Le deuxième point, c'est que la commune exige de l'aéroport qu'il mette en place une nouvelle balise dans les quartiers qui sont survolés", indique Jean Reynaud, afin de vérifier la réalité des nuisances vécues par les habitants.
"On ne demande pas que les avions ne volent pas, on veut juste qu'ils respectent les voies aériennes existantes", confirme Yves Vocenas.
Son association des Pennes demande aussi que la mairie se joigne au recours engagé par la mairie de Gignac pour contester une extension du PPEB. La commune du Rove a fait une démarche de son côté en déposant plainte contre le ministre des Transports Clément Beaune.
Dans un courrier commun adressé au préfet, le maire DVD de Marignane Eric Le Disses et le député RN Franck Allisio proposent eux de "faire décoller les avions uniquement vers l'étang de Berre sous condition d'un vent du sud de moins de 10 nœuds".
Des avions plus grands selon l’aéroport
L'aéroport, lui, botte en touche. La question du non-respect des trajectoires ou du renforcement des restrictions des vols de nuit, relève selon lui de la compétence de la Direction Générale de l'Aviation Civile (rattachée au ministère des Transports) qui autorise les avions à sortir de leurs trajectoires, contrôle et sanctionne si besoin.
L'aéroport rappelle qu'il s'est engagé dans des actions concrètes pour lutter contre les nuisances sonores. Une réunion s'est tenue en préfecture le 18 juillet dernier. L'aéroport travaille ainsi sur un renforcement des restrictions des vols de nuit. La préfecture a lancé une "étude d’approche équilibrée", qui sera menée par les services de la navigation aérienne, précise-t-il. Une approche permettant de contourner l'Estaque est aussi étudiée. Enfin, l'aéroport recherche "une trajectoire optimisée pour les décollages face au Sud, qui concerne les communes de Marignane, Gignac, Les Pennes Mirabeau, notamment".
Plus de 7,3 millions de passagers ont voyagé par l'aéroport Marseille Provence depuis le début de l'année. C'est 479 000 de plus que l'année de référence de 2019 sur la même période. Mais cette hausse ne s'accompagne pas d'une augmentation des mouvements d'avions qui sont eux en baisse de 1,7%, selon l'aéroport, qui explique ce phénomène par les excellents taux de remplissage des appareils et des modèles d'avions plus grands.