"C'est la mentalité des joueurs qui ne va pas" : pourquoi la pétanque a fait "fanny" aux Jeux olympiques

La pétanque n'a pas été retenue pour les JO Paris 2024. Une décision que regrettent les joueurs de La Marseillaise, bien que conscients des efforts qu'il reste à fournir pour y parvenir.

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La pétanque aux JO 2024 ? Les champions en ont rêvé, mais le comité en a décidé autrement, en misant plutôt sur l'escalade, le surf, le skateboard et le breakdance. Ces quatre disciplines répondaient notamment au critère de "parler aux nouvelles générations", a justifié Tony Estanguet en conférence de presse. A La Marseillaise à pétanque, les plus grands champions ne cachent pas leur frustration. "On est déçu, évidemment, lâche Philippe Suchaud. On était à 97%, ils nous ont dit qu'on y était et le jour du vote, on n'y était pas. On ne sait pas vraiment pourquoi, mais on n'est pas aux JO. On pensait réellement y aller, franchement."

Déception aussi du côté de Dylan Rocher, 14 fois champions de France, 7 fois champion du monde : "Vous vous rendez compte la chance qu'on avait ? Les JO à Paris ! La pétanque, c'est un sport français ! On pensait avoir nos chances. Ne pas avoir été retenu, oui, c'est un échec."

"On a laissé passer notre chance"

Pas de "Suchaud-Time" aux JO donc... et pourtant, le triple vainqueur du Mondial La Marseillaise rappelle que la pétanque fait partie des sports qui "rassemblent le plus de licenciés". Précisément, 263 000 en 2022, selon le ministère des Sports, ce qui le classe en 13ᵉ position derrière le football, le tennis ou l'équitation, mais devant le volley-ball, le cyclisme ou le tennis de table. L'acolyte emblématique de Philippe Quintais est pourtant lucide sur les raisons de ce désaveu.

Je pense qu'on n'a pas fait de la bonne com' pour pouvoir y accéder. Ça, j'en suis convaincu.

Philippe Suchaud

à France 3 Provence-Alpes

"On n'a jamais été mis en avant, regrette le tireur de l'Allier. Quand on regarde les autres sports, quand on veut l'élite, on la met en avant. Nous, à la pétanque, on ne nous a jamais fait faire quoi que ce soit. Donc c'est sûr que ça ne nous a pas avantagés".

Philippe Suchaud prend exemple sur le Pétanque Explorer, un tournoi de pétanque organisé par les Youtubeurs français McFly et Carlito réunissant plusieurs stars du web français. "Voilà ! Pourquoi on n'a pas fait ça avant les JO ? Ça aurait le top ! Bon, Dylan (Rocher) va quand même aller faire la démonstration dans le village olympique, mais ça n'a rien à voir avec récupérer des médailles."

Le premier concerné de confirmer : "Au niveau de la Fédération internationale, la communication n'a pas été bonne. Voilà, c'est clair. Jamais on nous a appelés pour faire une démonstration devant un beau monument à Paris. C'est dommage. On a laissé passer notre chance".

Problème de mentalités

Sur les bords des terrains de La Marseillaise, les joueurs interrogés pointent également les problèmes de comportement. "Qu'est-ce qu'il manque pour être reconnu aux JO ? C'est surtout la mentalité des joueurs qui ne va pas", explique le champion du monde malgache Christian Andrianiaina.

Il y en a beaucoup qui ne respectent pas les autres. Il y en a beaucoup qui picolent aussi.

Christian Andrianiaina

à France 3 Provence-Alpes

"Je comprends parfaitement la décision du comité olympique, lâche Dylan Rocher. Regardez ce qu'il s'est passé ici à la Marseillaise avec les arbitres, c'est honteux." Dimanche 30 juin, au premier jour de cette compétition, une arbitre s'est fait violemment agresser par une équipe non licenciée.

"Si on veut rentrer aux JO, il va falloir faire encore d'énormes progrès, on n'est pas encore prêt", ajoute Robert Malzieu, président de l'International de pétanque de Sète. C'est quand même un sport, ce n'est pas comme disent certains, une partie de plaisir."

Reconnaître quand on a perdu, quand on n'a pas perdu, être fairplay, c'est primordial.

Robert Malzieu

à France 3 Provence-Alpes

"Certains joueurs ne sont pas prêts encore à accepter cela. Il y a encore d'énormes progrès à faire. Ça arrivera, mais il va falloir bosser."

Son associé Jean-Luc Boyer d'ajouter : "Le respect, l'éducation des gens. C'est très important parce que dans le milieu des boules, il y a beaucoup de sauvages. Ils n'ont aucun respect pour les autres".

Il y a trop de laisser-aller.

Robert Malzieu

France 3 Provence-Alpes

Instaurer des contrôles d'alcoolémie, surveiller la cigarette, la drogue.. Pour Robert Malzieu, "c'est aussi ce qui peut bloquer". "Il va falloir que la fédération s'y penche et qu'elle prenne des mesures adéquates".

Tenues, sponsors, catégories

Pour prétendre intégrer les JO au même titre que les autres sports, Robert Malzieu suggère en outre de faire des efforts au niveau des tenues des joueurs. "Que tout le monde joue dans les mêmes tenues. Que cela soit plus homogène", souligne-t-il

Un maillot uniforme, mais aussi de plus gros sponsors, note Philippe Suchaud. "A la pétanque, on n'a pas de gros, gros sponsors, contrairement au breakdance qui a Redbull ou Coca-cola... C'est aussi ce qui fait la différence."

Un avis partagé par Dylan Rocher : "Nous, à haut niveau, on devrait faire que des grosses compétitions cadrées avec la télé, des belles tribunes pour attirer les gros partenaires. Voilà comme on voit dans d'autres sports, dans la Formule 1 ou autre." Une solution pour remédier à ce problème, serait, selon "l'Albatros", de créer des catégories de niveau, "comme dans tous les sports".

On dit que le charme, c'est de jouer avec les champions, comme ici à La Marseillaise... mais dans les autres sports, tu ne peux pas approcher les champions.

Dylan Rocher

à France 3 Provence-Alpes

"C'est ce qui nous dessert aussi parce que d'un côté, nous, les sportifs de haut niveau, on veut faire évoluer la pétanque, on est très accessibles, enchaîne le champion. Cela fait des années qu'on essaye de s'investir pour changer l'image, pour casser les clichés. De l'autre côté, il y a des gens qui sont là pour s'amuser et passer un bon moment entre amis, boire des coups et voilà. Et nous, c'est tout ce qu'on n'aime pas. Enfin, on aime, mais pas à haut niveau."

Le multiple champion de pétanque rappelle que son statut ne lui apporte, aujourd'hui, que peu d'avantages. "Aujourd'hui, on est là, nous, le haut niveau, à vouloir faire que de belles compétitions, essayer de donner une belle image à la télé, et essayer de mieux gagner notre vie... On n'a rien de plus par rapport à eux".

"On fait une compétition, on démarre au même stade qu'eux. Quand on gagne, on a le même prize-money qu'eux." Dylan explique que lui et "trois-quatre" autres joueurs de pétanque de haut niveau n'ont qu'un seul avantage : un statut qui lui permet de se libérer dans son travail à l'agglomération de Valence Romans pour les compétitions. Des jours payé par le ministère des Sports et la fédération. "C'est déjà très bien, mais on ne vit pas de la pétanque dans les compétitions". A titre d'exemple, gagner La Marseillaise rapporte 6 000 euros, à partager à trois.

>> "Si je pouvais payer pour jouer avec Nadal, je le ferais" : à La Marseillaise à pétanque, le tabou des payeurs

"On enlève les frais de route, hôtel, restauration... On se rembourse tout juste. J'adore La Marseillaise, mais ce n'est pas normal", fustige-t-il.

"On garde espoir"

Si ce n'est pas passé pour Paris, rien n'est perdu pour les prochaines éditions. "Je pense que ça sera bon si les Jeux se déroulent dans les pays asiatiques, en Thaïlande ou au Cambodge", projette Philippe Suchaud. Après la France, c'est en effet en Thaïlande que l'on tire et que l'on pointe le plus dans le monde. "Il faudra attendre quelques années, espère Robert Malzieu. La partie n'est pas perdue. Il y a pas mal de choses qui ont été faites par la Fédération, il ne faut pas le négliger."

Miser sur la jeunesse ? C'est ce que propose notamment le club sétois qui organise cette année le premier international jeunes minimes cadets juniors dans l'Occitanie."Ce n'est pas normal que pour les jeunes, il n'y ait pas cette ferveur, insiste le passionné. C'est eux la relève. L'avenir est là."

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