Une vague de chaleur est attendue dans la région provençale, le mercure frôlera 40°C. Des températures suffocantes qui peuvent virer au drame, pour des secteurs spécialisés.
La hausse du mercure et les métiers physiques, un tandem mortifère. La canicule a provoqué des malaises en cascade, avec des conséquences parfois tragiques. Un ouvrier de chantier d'une plateforme logistique de Lidl est décédé, en juillet 2022, dans les Côtes d'Armor. Selon nos confrères de Médiapart, 47 salariés ont perdu la vie ces cinq dernières années, en cause, des températures très élevées.
2022 est l'une des années les plus chaudes du siècle, selon Santé Publique France. Un angle mort juridique expliquerait en partie ce triste constat.
Il n'existe pas de température maximale de travail prévue par le Code du travail. Cela signifie qu'il est possible de travailler par des températures dépassant les 50°C. "Dans le secteur de la restauration, les fours cuisent des aliments toute la journée, la température frôle les 50°C", précise Guillaume Sicard, président de la fédération de Marseille Centre.
Au sein d'un restaurant marseillais, Julien est cuisinier, l'été est une saison redoutée. "On travaille dans une température de 30°C minimum, et bien plus à côté du four ou du poste de chauffe. On a une hotte aspirante pour renouveler l'air, c'est tout."
Les métiers pénibles sont les plus à risque
Selon l'INRS (Institut national de recherche et de sécurité), au-delà de 28 °C pour un travail physique, la chaleur peut constituer un risque pour les salariés. Plusieurs secteurs y sont davantage exposés : l'agriculture, l'hôtellerie-restauration, le bâtiment, les grandes surfaces, les boulangeries et les blanchisseries. Selon Santé Publique France, en 2022, sept accidents mortels en lien avec la chaleur ont été recensés, dont trois accidents dans le secteur de la construction.
Sans surprise, les métiers pénibles sont ceux qui en pâtissent le plus."Les femmes de chambre tractent des chariots lourds, dans des couloirs d'hôtels qui ne sont pas climatisés", expose Guillaume Sicard.
La fédération essaye de moderniser les conditions de travail dans la cité phocéenne, lorsque c'est possible."Certaines situations sont ubuesques, des salariés nous ont déclaré qu'ils n'avaient pas accès à un point d'eau sur leur lieu de travail. On est au 19ème siècle", peste Guillaume Sicard. Une mesure pourtant obligatoire de la législation française.
"Au sein de la restauration, les salariés sont souvent issus de l'immigration, précise Johan Zenou avocat spécialisé en droit du travail. C'est une main-d’œuvre qui me sollicite fréquemment, car ils ne connaissent pas leurs droits. Ils n'ont pas d'équipement de protection, notamment", ajoute-t-il.
La législation en cas de fortes températures
Le droit des salariés est précis en cas de fortes températures. "Les employeurs ont l’obligation d’assurer la sécurité de leurs salariés", indique Johan Zenou. Selon le Ministère du travail, l'employeur doit mettre à disposition 3 litres l'eau pour chaque salarié, avec des mesures de protection contre la chaleur.
Des pauses allongées aux heures les plus chaudes au sein d'un local ventilé sont également à prévoir du côté de l'employeur. Dans le cas où ce local est inexistant, les heures de travail doivent tenir compte du pic de chaleur dans la journée. Cependant, la climatisation n'est pas obligatoire pour l'employeur, mais ce dernier doit veiller à ce que l'air soit renouvelé.
"Les grandes surfaces et restaurants climatisent l'espace réservé à la clientèle, mais pas pour les salariés", indique Guillaume Sicard. La hausse du coût de l'énergie et l'entretien d'un système de ventilation en sont les principaux facteurs.
"Si les conditions de travail deviennent très difficiles, le salarié peut invoquer son droit de retrait", ajoute Johan Zenou. Un droit qui doit être justifié, car le droit de retrait peut être sévèrement puni s'il est utilisé de manière abusive".
Les salariés avec une santé fragile, diabétiques ou en surpoids bénéficient d'un renforcement de protection, avec la médecine du travail. En cas de manquement, le salarié peut saisir l'Inspection générale du travail ou le Comité économique et social de son entreprise.