"On peut parler d'injustice environnementale" : pourquoi Marseille est l'une des villes les plus inégalitaires en cas de fortes chaleurs

Dans la cité phocéenne, les îlots de chaleur, ces zones où la température est plus élevée, sont plus nombreux dans les quartiers à revenus modestes. Les îlots de fraîcheur, eux, sont souvent enfermés dans des propriétés privées.

C'est une inégalité climatique criante. Alors que les canicules et les pics de chaleurs sont plus violents et plus nombreux, et que le réchauffement climatique menace la planète, la ville de Marseille peine à protéger l'ensemble de sa population équitablement. C'est ce que souligne l'enquête de Mediapart, "Comment les riches accaparent les espaces verts"

Parce que de nombreux îlots de chaleurs se trouvent dans les quartiers Nord

"On peut parler d'injustice environnementale", explique Elisabeth Dorier, géographe et professeure à Aix-Marseille Université ayant participé à l'enquête. Dans les quartiers Nord, de nombreux espaces sont entièrement bétonnés, captant la chaleur et faisant augmenter la température localement.

Un des cas les plus flagrants pour la chercheuse est à Malpassé, dans le 13ᵉ arrondissement, où plusieurs ensembles résidentiels concentrent des îlots de chaleur. "Les Lauriers c'est l'exemple typique, c'est une longue barre posée sur une dalle de béton, un véritable radiateur." 

Au niveau de la résidence des Cèdres, dans le même arrondissement, des espaces de terre et des broussailles subsistaient, avant d'être remplacés par une couche de béton au moment de la rénovation. "Ils ont mis des bancs et des tables dessus en plein cagnard, se désole la chercheuse. Avec ce qu'on sait aujourd'hui, pourquoi on ne préserve pas ces espaces de terre, en les aménageant mieux pour éviter la prolifération de rats ?"

Pour Elisabeth Dorier, le problème est dû au manque de moyens alloués aux résidences sociales. De faibles ressources qui empêchent de faire de la lutte contre les îlots de chaleur une priorité dans les logements publics.

Parce que de nombreux espaces de fraîcheur sont privés

A l'inverse, les promoteurs privés utilisent les espaces de végétation pour augmenter les prix des habitations. Dans les quartiers Sud, de nombreux espaces de verdure sont installés, comme l'illustre une infographie de Mediapart. Mais ceux-ci sont majoritairement enfermés à l'intérieur de résidences privées.

Dans ces quartiers, qui hébergent la bourgeoisie de la ville depuis le XIXe siècle, plusieurs anciennes maisons de campagnes et petits manoirs subsistent et forment des îlots de fraîcheur.

Ainsi, la ville se retrouve avec une faible propension d'espace naturel accessible au public. Elisabeth Dorier évoque ainsi un "enfermement vert", avec des espaces végétalisés, comme la colline Périer, privatisés et clôturés. Selon elle, près de 28% de tous les espaces de verdure urbains ne sont pas publics dans la cité phocéenne, sans compter les Calanques. Sur le littoral de Marseille, ce chiffre augmente, entre 50 et 74%.

Parce que le manque d'espaces verts est un problème ancien à Marseille 

Ce problème est ancien selon la chercheuse. "Il y a un manque d'intérêt séculaire de la ville pour les espaces vert. La création de parcs est rare, et une fois qu'ils sont créés, encore faut-il les entretenir. C'est aussi une des villes où il y a le moins de parcs arborés publics en France".

Et ce problème pourrait s'accentuer. Plusieurs grands ensemble de béton, construit dans les années 60, ont été récemment rénovés et bétonnés, sans prendre en compte le problème des îlots de chaleur, d'après Elisabeth Dorier, et les espaces continuent à être densifiés.

A l'inverse, les logements proches d'espaces végétalisés pourraient être de plus en plus demandés, faisant augmenter leurs prix et les rendant encore moins accessibles aux plus modestes. "C'est le cas des jardins de cœur d’îlot avec maison dans le centre de Marseille, ceux qui n'ont pas encore été densifiés. Ils sont de plus en plus convoités." En 2022, la chaleur record de l'été a causé la mort d'entre 5 000 et 7 000 Français.

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