Le ministre de l'Intérieur a reçu les organisations syndicales de policiers jeudi soir à Beauvau après une semaine crise qui paralyse des commissariats sur tout le territoire.
Une heure d'échanges avec les policiers en colère. Alors que le mouvement de protestation parti de Marseille la semaine dernière s'étend à de nombreux commissariats à travers la France, Gérald Darmanin a reçu jeudi 27 juillet les principaux syndicats, place Beauvau, à Paris.
Au cours de cette rencontre, le ministre de l'Intérieur a affirmé comprendre la "colère" des policiers, mobilisés depuis la mise en examen de quatre fonctionnaires marseillais, poursuivis pour violences en réunion sur Hedi, lors des émeutes liées à la mort de Nahel, tué par des policiers à Nanterre.
"On les insulte, on les vilipende et se rajoutent à cette fatigue une émotion, une colère, et pour beaucoup d'entre eux (...) une tristesse de ces procès d'intention, ces procès médiatiques, a-t-il déclaré. Je comprends cette émotion, je comprends cette colère, et je comprends cette tristesse." France 3 Provence-Alpes vous résume ce qu'il faut retenir de cette entrevue.
Un statut spécifique de mis en examen sans détention
"Pas de détention provisoire". C'est la principale revendication des syndicats après la mise en examen des agents de la BAC à Marseille, à l'origine de ce mouvement de colère. Gérald Darmanin s'est "engagé à avoir des pistes de réflexion sur la détention provisoire des policiers".
"Il ne voit pas d'inconvénients en tout cas à travailler sur l'article 144 du code de procédure pénale qui est la détention provisoire afin qu'on mette une clause et que notamment les forces de l'ordre soient exclues de ce dispositif, dans l'exercice
de leur mission bien évidemment", a assuré Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance.
Les principaux syndicats de police exigent un "statut spécifique du policier mis en examen alors qu'il était en prison" et que les magistrats soient "spécialisés et formés à l'usage des armes dans le contexte dégradé que connaissent les forces de l'ordre".
Pour Anthony Caillé, du syndicat CGT-Intérieur-Police, cette proposition n'est "pas entendable". Il s'est exprimé hier sur Franceinfo : "avoir une justice d'exception à l'endroit des policiers, ça n'est pas acceptable", "ce serait grave dans une république, une démocratie".
L'anonymisation totale et pour tous les agents, c'est également ce que demandent les syndicats lors des procédures. "Il faut faire apparaître seulement les matricules, mais pas notre nom. Les avocats les donnent régulièrement dans la presse sinon", justifie Rudy Manna, porte-parole du syndicat Alliance Police 13.
Darmanin appelle à reprendre le travail
Gérald Darmanin a appelé les fonctionnaires à "reprendre le travail", car selon lui, "le mouvement met en difficulté les plus fragiles", a appris franceinfo de sources concordantes. selon franceinfo.
Sur la question épineuse des nombreux arrêts-maladies en cours dans les rangs des forces de l'ordre, Gérald Darmanin estime que "moins de 5 %" des policiers se sont "mis en arrêt-maladie ou ont refusé d'aller au travail", en signe de protestation.
Rudy Manna, porte-parole du syndicat de police Alliance 13, a affirmé à France 3 Provence-Alpes que le nombre d'arrêts maladies s'élevaient à 1 000 dans le département des Bouches-du-Rhône.
Cette rencontre était l'occasion pour les syndicats de police de mettre sur la table leurs principales revendications. Parmi elles, ils demandent une "protection fonctionnelle, juridique et familiale".
Pour Rudy Manna, cette demande est logique. Il est nécessaire selon lui que "l'employeur puisse régler les frais d'avocats". "La famille est exposée quand ces affaires sortent", affirme Bruno Bartocetti secrétaire national chargé de la zone sud de l'unité SCGP police, d'où la nécessité d'une protection familiale.
Les syndicats satisfaits
Le syndicaliste marseillais Rudy Manna affirme être "plutôt très satisfait" de cette rencontre, puisque Gérald Darmanin a assuré faire remonter ces demandes. "Le ministre a dit ce qu'on voulait entendre. Il est dans la même lignée que nous."
Même son de cloche du côté de l'unité SGP police. "Il a entendu la totalité de nos revendications. Il est sur la même longueur d'onde que nous et son soutien était important", affirme Bruno Bartocetti.
Du côté des représentants syndicaux des forces de l'ordre présents place Beauvau, cette réunion a été plutôt bien perçue. Ces derniers ont indiqué que le ministre avait été "plutôt à l'écoute" et qu'il s'était "engagé à avoir des pistes de réflexion sur la détention provisoire des policiers".
Selon Rudy Manna, le ministre de l'Intérieur rencontrera à nouveau les représentants des forces de police en septembre. Il n'est pour l'instant pas prévu que le "premier flic de France" descende à Marseille, d'après le syndicaliste.
Les magistrats inquiets des propos du ministre
Dans un communiqué commun ce vendredi 28 juillet, la Conférence nationales des Premiers Présidents et la Conférence des Procureurs Généraux manifestent "leur inquiétude face aux propos" de Gérald Darmanin qui a déclaré : "les policiers ne peuvent pas être les seules personnes en France pour lesquelles la présomption d'innocence ne compte pas, pour qui les procès médiatiques l'emportent sur les procès juridiques et pour qui elle est remplacée par la présomption de culpabilité".
Ces associations professionnelles disent "craindre qu'une forme de radicalisation des positions s'installe les fonctionnaires de police, facilitée par les atteintes publiques de leurs plushautes autorités aux principes de la séparation des pouvoirs et de l'indépendance de l'autorité judiciaire".
Pour les magistrats, cela "constitue une critique directe des décisions de justice et de la déontologie professionnelle des magistrats dans le cadre de procédures contracdictoires". Le communiqué rappelle que les policiers mis en examen "encourent, pour les actes qui leur sont reprochés aujourd'hui, une peine de 10 ans d'emprisonnement voire une peine criminelle".
Le ministre de la Justice réagit
La justice "a besoin, comme les policiers, de respect, elle a besoin d'indépendance, elle a besoin qu'on la laisse travailler", a affirmé le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, en déplacement au Pontet dans le Vaucluse ce vendredi.
"La justice ne se rend pas dans la rue et ne se rend pas sur les plateaux de télévision. Elle se rend dans les palais de justice", a-t-il déclaré, ajoutant que "quand on n'est pas content d'une décision, eh bien on utilise les voies de recours que nous autorise le code de procédure pénale".
Quelques mots sur l'affaire Hedi
"S'il y a eu faute, elle sera sanctionnée par la justice", a réagi le ministre de l'Intérieur interrogé par un journaliste sur le cas d'Hedi, dont le témoignage dans une vidéo de Konbini a fait depuis jeudi par près de 23 millions de vues sur Twitter.
"Je veux évidemment mon soutien à toute personne qui se sent blessée, comme je l'ai fait évidemment le lendemain voire le jour même de l'affaire Nahel", a ajouté le ministre sans autre commentaire sur l'affaire.
Une cagnotte de soutien a également été ouverte en ligne jeudi et a déjà récolté plus de 15 000 euros.
Avec AFP.