Un ressortissant français de 27 ans rattaché à l'Université Aix-Marseille est placé en détention en Tunisie il y a deux semaines sur ordre de la justice militaire alors qu'il menait des recherches sociologiques pour sa thèse sur la jeunesse tunisienne.
Un doctorant français a été arrêté en Tunisie le 19 octobre dernier, et placé en détention deux jours plus tard par la justice militaire. "C'est totalement exceptionnel qu'un jeune chercheur français puisse être déféré devant la justice militaire" tunisienne, qui traite généralement des atteintes à la sûreté de l'État, a regretté Vincent Geisser, directeur de l'Institut de recherches et d'études sur les mondes arabes et musulmans (IREMAM), rattaché à Aix-Marseille Université (et au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). France 3 Provence-Alpes vous détaille ce qu'il faut savoir de cette affaire qui mobilise la diplomatie française.
Un travail sociologique sur la jeunesse tunisienne
Vincent Dupont s'est rendu en Tunisie pour y mener des entretiens dans le cadre de ses recherches universitaires. Âgé de 27 ans, doctorant contractuel à l'IREMAM depuis 2022, il est rattaché au Conseil européen de la recherche (ERC) qui finance des programmes scientifiques d'excellence. Le jeune chercheur mène un travail sociologique sur la trajectoire des "gens qui ont pu être engagés au moment de la Révolution de 2011", notamment des diplômés chômeurs, a détaillé Vincent Geisser, directeur de son laboratoire de recherches à l'AMU. Ce premier soulèvement populaire du Printemps arabe avait mis fin au régime du dictateur tunisien Ben Ali.
Ses travaux n'ont aucun lien avec des dissidents du régime, selon Vincent Geisser. "Ce n'est pas un sujet politique lié aux dissidents ou opposants, ce n'est pas un sujet sécuritaire, c'est un sujet sociologique classique", a-t-il insisté, plaidant pour sa libération. Selon Le Point, il avait passé plusieurs semaines pour ses travaux à Jendouba, dans le nord-ouest du pays, puis était rentré en France. Il était passé par l'université d'Aix-Marseille avant de repartir pour la Tunisie.
Accusé d'"atteinte à la sûreté de l'État"
Victor Dupont était en Tunisie depuis une dizaine de jours lorsqu'il a été arrêté dans l'appartement qu'il louait lors d'une vague d'arrestation dans la banlieue nord de Tunis, dans la matinée du 19 octobre. Selon l’un de ces amis, Edouard Matalon, bibliothécaire basé à Paris cité par Reuters, relâché le jour même après un interrogatoire. Vincent Geisser indique qu'il a été "conduit à un centre d'interrogatoire, placé en garde à vue, et dans la même journée de samedi déféré devant la justice militaire".
Le Français qui est accusé "d'atteinte à la sûreté de l'État", dépend désormais de la justice militaire même s'il est incarcéré depuis le 21 octobre dans la prison civile de La Monarguia, qui détient plus de 60 prisonniers politiques, dont la quasi-totalité est constituée d'opposants à Kaïs Saïed, rapporte l'hebdomadaire.
Une Franco-Tunisienne qui était avec lui, elle aussi, a été arrêtée un peu plus tard et placée sous mandat de dépôt par la justice militaire à la prison pour femmes de La Manouba.
Mobilisation pour obtenir sa libération
Selon RFI, ses proches et la diplomatie ont préféré taire l’affaire dans un premier temps, souhaitant négocier sa libération auprès des autorités tunisiennes dans la discrétion. Les parents de Victor Dupont sont arrivés en Tunisie le 28 octobre. Des messages de soutien au doctorant français ont été postés sur les réseaux sociaux.
All my solidarity with Victor Dupont!
— Shreya Parikh شريا پریکھ (@shreya_parikh) October 31, 2024
All my solidarity with so many Tunisians and migrants unjustly arrested and detained by the #Tunisia/n statehttps://t.co/7PCuuor6VP
All my solidarity with Victor Dupont!
— Shreya Parikh شريا پریکھ (@shreya_parikh) October 31, 2024
All my solidarity with so many Tunisians and migrants unjustly arrested and detained by the #Tunisia/n statehttps://t.co/7PCuuor6VP
Les autorités n'ont pour l'heure pas réagi à cette information. La Tunisie est dirigée par le président Kais Saied, accusé de "dérive autoritaire", mais qui a été réélu à une majorité écrasante de 90,7% le 7 octobre, au terme d’une présidentielle controversée. "Il y a une totale mobilisation des services diplomatiques français", a assuré Vincent Geisser.