Recenser les filets de pêche perdus en Méditerranée, évaluer leur impact sur l'environnement et le paysage, retirer ceux qui détériorent les fonds marins, c'est la mission du programme "Ghost Med" mené par l'institut Méditerranéen d'Océanologie de l'Université d'Aix-Marseille.
Créer un vaste réseau de surveillance des fonds marins, pour signaler les filets perdus en Méditerranée, c'est l'ambition du programme GHOST MED mené par l'équipe de Sandrine Ruitton au sein de l'Institut Méditerranéen d'Océanologie (MIO). Bruno Belloni, chargé de mission explique : "500 personnes ont déjà rejoint le réseau depuis le mois de juin, mais ça ne peut fonctionner qu'avec un maximum de sentinelles.
Le projet initié par le jeune ingénieur de Luminy en avril 2018 commence à porter ses fruits. GHOST MED a déjà permis de mener plusieurs actions à Marseille.On cherche des plongeurs, des apnéistes, des chasseurs-plongeurs, tous ceux qui mettent la tête sous l'eau et peuvent nous signaler des engins qui traînent au fond.
Préserver la faune
"Je suis frappé par la longueur des filets, qui font entre 100 et 400 mètres de long, note Bruno Belloni, il faut les retirer avant qu'ils fassent un carnage.
L'objectif du programme est de recenser ces engins perdus, sur tout le littoral méditerranéen français (y compris en Corse), et d'évaluer leur impact sur l'environnement et le paysage. " On évalue s'il vaut mieux retirer l'engin ou le laisser", explique Bruno Belloni.Un poisson qui se prend dans un filet va attirer des espèces nécrophages comme des langoustes qui vont aussi s'accrocher dans les mailles, et servir à leur tour de nourriture et de piège...
Si le filet est là depuis longtemps et qu'il est colonisé, on le laisse car il a créé un habitat.
Perdus par accident
"On ne jette pas la faute aux pêcheurs professionnels, insiste Bruno Belloni, un filet coûte une fortune, c'est leur outil de travail et ils n'ont aucun intérêt à les abandonner au fond de l'eau, la plupart du temps, quand un filet est "perdu", c'est un accident, le filet dérive ou s'accroche au fond".
"Une pêcheuse professionnelle nous a contacté en mai, elle ne connaissait pas bien la zone et son filet s'est accroché au niveau de l'île de Jarre, malgré tous ses efforts, elle n'a pas réussi à le détacher, elle l'a coupé laissant 40 mètres de cordages à 19 m de profondeur, raconte l'ingénieur, on y est allé, on l'a enlevé et lui a rendu".
Filets de braconnage
Les longs filets "fantômes" sont le plus souvent le fait de braconnage, comme en 2016, à l'Ecueil du milieu, au cœur du Parc National des Calanques, l''équipe a fait retirer un filet entre 22 et 36 mètres de profondeur. Il mesurait 600 m de long, traversait une zone rocheuse et un herbier de posidonies.
En septembre au Frioul, un apnéiste a signalé un filet long de plus de 200 mètres, "perdu" au niveau de la roche du grand Esteou. Plusieurs poissons étaient pris au piège, dont une muge dorée et deux rascasses qui ont pu être libérées. Trois semaines plus tard, l’équipe de GHOST MED épaulée par les services de l’état s'est rendue sur le site pour retirer le filet, mais il avait disparu, probablement été retiré par son propriétaire.
Péréniser et étendre le projet
La mission est financée jusqu'en avril 2019 mais l'équipe de Ghost Med, qui travaille avec les Aires maritimes protégées, espère d'ici là trouver des financements pour pérenniser leur action. "Nous espérons faire prendre conscience aux autorités qu'il est important de s'occuper à cette problématique ", conclut Bruno Belloni. Ghost Med qui veut étendre le projet sur toute la façade méditerranéenne a déjà trouvé des partenaires en Italie, en Grèce et même en Algérie.