Fortement discutée par nos élus, la décision d'avancer le couvre-feu à 18 heures présentera des répercussions sur la vie sociale et économique. Cet écart de deux heures bouscule l'équilibre déjà fragilisé de l'économie. Et impacte à nouveau l'ensemble des commerces.
L'ensemble de la région Paca, a été placée sous un couvre-feu de 18h, à compter de ce dimanche, à l'exception du Var où la décision ne prendra effet que mardi prochain.
Cette "avancée" de deux heures représente au contraire un "recul" aux yeux de nombreux élus et professionnels du monde économique.
"J'ai encore essayé aujourd'hui de demander une solution intermédiaire avec un couvre-feu à 19 h", précise Philippe Korcia, le président de l'Union pour les Entreprises des Bouches-du-Rhône. "Le préfet Mirmand était très à l'écoute. Mais on voit que l'intérêt général est dans les mains d'une bureaucratie et d'un conseil scientifique pas forcément imprégnés de la vraie vie".
Deux heures et toute une réorganisation
Fortement discuté par de nombreux élus de la région, le couvre-feu à 18 heures suscite de la méfiance.
À l'instar de Michèle Rubirola, premier adjoint à la ville de Marseille, et de Martine Vassal présidente du Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, le président de la région Renaud Muselier déplore n'avoir "toujours pas de garantie de l'efficacité d'une telle mesure. Aucune donnée épidémiologique ne garantit des résultats sur la propagation du #COVID19, et les critères changent en permanence!", écrit-il dans un tweet.
Auprès du @Prefet13, je me suis opposé comme @MicheleRubirola, @MartineVassal et l’ensemble des élus à l’extension du couvre-feu à 18h pour les BDR !
— Renaud Muselier (@RenaudMuselier) January 8, 2021
Aucune donnée épidémiologique ne garantit de résultats sur la propagation du #COVID19, et les critères changent en permanence! pic.twitter.com/aywyCq8Bp0
Pour le représentant de l'UPE 13, un couvre-feu avancé de deux heures en fin de journée va avoir un impact important pour "une économie déjà fragilisée".
"Les personnes qui avaient l'habitude de faire leurs courses en sortant de leur travail, devront attendre le week-end pour les faire. Ou bien elles s'agglutineront entre midi et deux. Une telle décision est même contre-productive", déplore Philippe Korcia.
"Les gens vont s'entasser aux mêmes heures dans les commerces. Or ce que recherche en principe le gouvernement, c'est de ne pas créer de rassemblements".
Du côté du centre commercial des Terrasses du port, à Marseille, "on appliquera les décisions prises", explique-t-on. "Les clients ont toujours été fidèles à nos enseignes. Ils s'adapteront certainement aussi".
Pour le couvre-feu de 20h, les Terrasses avaient avancé d'une demi-heure l'ouverture du centre, pour fermer à 19h30.
Cette fois-ci, il sera plus compliqué aux enseignes de s'adapter. "Cela entraînera pour certaines une réorganisation des livraisons le matin, et des services de nettoyage".
Les grandes surfaces, qui bénéficiaient d'une bonne fréquentation jusqu'à 20 heures, "vont devoir revoir tous leurs plannings au dernier moment pour la semaine prochaine", poursuit Philippe Korcia. "Il n'est pas bon de fonctionner dans cette urgence-là."
Cette avance de deux heures du couvre-feu aura une incidence certaine également pour les restaurateurs qui arrivaient à "tirer leur épingle du jeu" grâce aux plats à emporter.
"Je suis inquiet pour nos restaurateurs et même pour nos stations de ski", souligne Marc Massette, président du Conseil départemental des Hautes-Alpes.
"Grâce à l'assouplissement du décret encadrant la fermeture des remontées mécaniques, nous avions obtenu un assouplissement pour certains secteurs, comme les jeunes en sport études, ou les animations pour enfants. L'activité luge par exemple se poursuit après le coucher de soleil, sous lumière artificielle. Et avec un couvre-feu avancé à 18 heures, il va falloir revoir tout cela".
Des transports, ajustés en fonction "de l'observation"
Les transports devraient s'attendre à une affluence plus importante dans le créneau de 17h-18h.
Dans un communiqué, la Métropole-Marseille-Provence (MPM), en charge des transports dans une partie des Bouches-du-Rhône, dit toutefois identifier "ce créneau 17h18h comme une heure de pointe" et qu"'il n'y a pas de surcharge à craindre" étant donné que la fréquentation actuelle "est moindre en raison du télétravail".
Tout en maintenant et son offre de transport après 20 heures, MPM assure qu'elle "ajustera son offre de mobilité en fonction des observations des effets du couvre-feu à 18h au cours des premiers jours de sa mise en œuvre".
Les transports scolaires pourraient être également impactés.
Un impact psychologique
Métro, boulot, dodo... Voilà ce que risque de devenir pour "une durée que l'on ne connaît pas encore, la vie de nos concitoyens au sortir de leur travail", rajoute Philippe Korcia. "Il y a aussi toute une atteinte psychologique des gens, c'est indéniable".
Pour le gouvernement, la mise en place d'un couvre-feu, appliqué pour la première fois fin octobre, a permis de ralentir les contaminations. Elle n'a toutefois pas empêché un deuxième confinement, soulignent ses détracteurs.
Le chef du service des maladies infectieuses à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Eric Caumes, ne cache pas son scepticisme: "Je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, mais on verra bien. Personnellement, je n'y crois pas, mais on verra", a-t-il déclaré samedi matin sur franceinfo.