Didier Raoult est accusé par la Société de pathologie infectieuse d’avoir fait la promotion d’un traitement contre le coronavirus, dont l’efficacité n’a pas été prouvée. Il risque une sanction allant du simple avertissement à la radiation.
La pilule risque d'être dure à avaler pour Didier Raoult. Le directeur de l'IHU méditerranée à Marseille va comparaître devant les instances disciplinaires de l'Ordre des médecins.
Le Conseil national de l'Ordre des médecins a confirmé, jeudi 12 novembre, qu'une procédure était en cours à la suite d'une plainte de la société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) contre le médiatique professeur, déposée en juillet auprès de l'ordre des Bouches-du-Rhône. France 3 vous décrypte cette affaire en 5 questions.
• 1. Qui a déposé plainte contre Didier Raoult ?
Cette procédure est déclenchée à la suite d'une plainte de la société de pathologie infectieuse contre le directeur de l'Institut hospitalo-universitaire Méditerranée infection de Marseille, déposée en juillet auprès de l'ordre des Bouches-du-Rhône. L'ordre départemental des médecins s'est associé à cette plainte qui a été déposée par Me Philippe Carlini, avocat à Marseille de l’ordre départemental des médecins des Bouches-du-Rhône.Les poursuites engagées par le conseil de l'Ordre des médecins font suite à cette saisine mais aussi à plusieurs signalements de patients et médecins, a rapporté Le Parisien. A l'image d'un professeur de mathématiques exerçant en collège qui critique le manque de fiabilité de l'essai clinique mené à l'IHU de Marseille.
"Le Conseil départemental a été destinataire de très nombreux courriers, mails, appels téléphoniques et c’est comme ça qu’il a décidé de réunir ses membres le 12 octobre et de porter une plainte devant la chambre disciplinaire de première instance des médecins", détaille Me Philippe Carlini, contacté par France 3.
• 2. Que lui est-il reproché ?
En juillet, la Spilf a déposé plainte contre le professeur Raoult auprès de l'Ordre des médecins des Bouches-du-Rhône. Ils reprochent au chercheur Marseillais plusieurs manquements à la déontologie médicale. "Il y a au moins 9 articles du code de déontologie qui sont vraiment totalement enfreints", indique à France 3 le Pr Pierre Tattevin, infectiologue au CHU de Rennes et président de la Spilf."Par exemple : ne pas communiquer dans le grand public des données préliminaires pour ne pas mettre la panique dans la tête des gens, souligne-t-il. On parle de liberté de prescription mais le code de déontologie, auquel on fait référence dans notre plainte, indique bien qu'on ne doit proposer à des patients des traitements qui n’ont pas été bien évalués ou dont ils n’ont pas besoin. Ce qui n’est pas du tout le cas quand on décide de donner de l’hydroxychloroquine à tout le monde parce que la covid, ça guérit sans traitement dans plus de 90% des cas."
Mais plus directement, ce sont surtout ses prises de positions médiatiques et l'aura que le professeur Raoult peut avoir qui sont dans le viseur. "Mettre un débat aussi technique dans la sphère publique n’est pas du tout une bonne idée parce que ça aboutit à un nombre de gens incalculables qui n’y comprennent rien et qui se croient autorisés à avoir un avis, souligne Me Philippe Carlin. Paris Match ou BFMTV, ce n’est pas du tout le lieu de donner des informations qui ne sont pas avérées."
Enfin, l'obstination de Didier Raoult à vouloir prescrire de l'hydroxychloroquine comporte de potentiels risques pour les patients, selon les plaignants qui s'appuient sur de nombreuses études internationales réalisées ces derniers mois.
• 3. Que risque le professeur Raoult ?
"A la mi-octobre, le Conseil départemental des Bouches-du-Rhône, réuni en session plénière, a voté pour transmettre cette plainte à la chambre disciplinaire régionale de Provence-Alpes-Côte d'Azur", a indiqué le Conseil national de l'Ordre des médecins. Présidée par un magistrat administratif, cette chambre peut décider de sanctions allant d'un simple avertissement à une radiation.De son côté, la Spilf assure qu'elle ne souhaite pas la radiation de Didier Raoult, mais surtout qu'il arrête de faire la promotion de son traitement.
• 4. Quand cette convocation peut-elle intervenir ?
Aucun calendrier ni date d'audience n'ont pour l'heure été fixés. "Cela va être long et cela nous amènera sans doute en 2021", a commenté l'Ordre national, en précisant que le délai de traitement de ce genre de plaintes par les chambres disciplinaires de première instance était de 10 mois en moyenne.• 5. Comment a réagi Didier Raoult ?
Le directeur de l'Infectiopole (IHU) de Marseille n'avait pas réagi personnellement jeudi soir. C'est son avocat qui s'est chargé de la riposte. "Tout ça n'est pas du droit, mais de la communication", a réagi Fabrice Di Vizio, estimant que la relaxe de son client serait "une évidence"."Le conseil de l'Ordre des médecins n'a rien de mieux à faire alors que les médecins manquent de tout?"
Dans un communiqué distinct, il estime aussi que les institutions ordinales "se sont illustrées par leur silence et leur abstention depuis le début de la crise". "L'Ordre joue-t-il encore son rôle principal de corps représentatif des médecins ou est-il devenu un gendarme de la pensée unique?", conclut Maître Fabrice Di Vizio.