Les déchets s'amoncellent dans nos rues, sur nos plages et donc dans la mer. Au delà de tuer les animaux marins et de détruire des écosystèmes, une étude révèle que ce plastique, que nous finissons par respirer, aggrave le risque de maladies cardio-vasculaires. Décryptage.

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Un triste décor auquel nous nous habituons. Une promenade autour du Mucem, à Marseille, suffit à se rendre compte de l'ampleur de la catastrophe écologique. Des bouteilles en verre, des sacs plastiques, des mégots. Autant de déchets qui finissent dans la mer. Résultat : 70% des oiseaux marins sont impactés par l'ingestion de déchets, et 100% des espèces de tortues marines, précise Isabelle Poitou, lanceuse d'alerte et écologue. La directrice et fondatrice de l'association MerTerre dénonce aussi les conséquences sanitaires sur les êtres humains.

Du plastique dans les cellules des fœtus

Une étude scientifique publiée dans The new england journal of medicine le 6 mars 2024 fait état d'un risque accru de développement de maladies cardio-vasculaires à cause des micros et nano plastiques. "Du plastique est retrouvé dans notre sang, dans le placenta, dans le cordon ombilical, dans le fœtus : ces nanoparticules de plastique sont en train de rentrer dans nos cellules", développe Isabelle Poitou.

Le point de départ ? Nos cours d'eau, "considérés comme des dépotoirs", se désole l'écologue. Elle explique que les dépôts sauvages au niveau des cours d'eau constituent un crime contre l'environnement.

Concrètement, "nos macrodéchets se dégradent en micro et nanoparticules de plastique", explique la lanceuse d'alerte. "Les plastiques se cassent en petits morceaux, ça fait des petits débris et quand l'eau monte, lors de fortes pluies, ces microparticules partent en mer. Puis nous les respirons lorsqu'il fait très chaud et qu'elles se répandent dans l'air".

Les réseaux d'eau des villes vont à la mer

Un ballon de baudruche peut tuer un animal, précise Isabelle Poitou. "Un lâcher de ballons c'est complètement absurde". Un bouchon peut entraîner une occlusion intestinale. "Le système digestif est impuissant à digérer ces objets fabriqués pour emballer notre nourriture. C'est imputrescible, ça marche !"

Destruction de la faune, de la flore, et maintenant de notre santé. Pourtant, les consciences ne sont toujours pas éveillées comme elles le pourraient. Le problème peut-être éducatif. "Je ne suis pas sûr que les gens jettent les déchets dans la mer", analyse Isabelle Poitou, "ils jettent leurs déchets dans les bouches d'égout, dans les caniveaux, sans penser qu'il y a un lien direct entre le réseau hydrographique des villes et la mer". Les réseaux d'eau des communes vont dans les rivières, dans les fleuves, puis dans la mer. La lanceuse d'alerte résume : "l'individu doit considérer qu'un emballage alimentaire en plastique est un objet non biodégradable et un polluant grave".

Bonbones de protoxyde d'azote, junk food : typologie de nos déchets

Nos déchets ont évolué. C'est le constat dressé par l'association MerTerre, fondée il y a 24 ans par Isabelle Poitou. Elle explique que nous avons longtemps été habitués à ramasser des objets anciens parce qu’il était répandu de jeter ses déchets en mer à une certaine époque. Mais ces dernières années, "on a une croissance très importante d'emballages alimentaires sucrés, salés, de consommations nomades, de portions individuelles, énormément de canettes et même des bouteilles de protoxyde d'azote".

Dis-moi ce que tu jettes je te dirais qui tu es. Pour Isabelle Poitou, ces déchets disent beaucoup de notre rapport à notre corps "qui n'est pas écologique, pas sain, pas responsable". Et de soulever cette interrogation : "peut-on mal se comporter avec son corps et penser à l'environnement ?" La typologie de nos déchets est, selon l'écologue, révélatrice d'une qualité médiocre de nos relations individus / espèces / environnement.

Les clichés sur Marseille au service d'une prise de conscience associative

La mauvaise réputation de Marseille en termes d'écologie n'est plus à faire. Marseille est une ville sale, dans la tête des Français. Oui et non, nuance la docteure en aménagement et urbanisme. Les Marseillais sont stigmatisés mais "c'est l'ensemble du système qui doit bouger". "Si l'individu ne voit pas les pouvoirs publics évoluer, il ne va pas vouloir faire d'efforts". À Marseille, les poubelles représentent un enjeu éminemment politique, rappelle Isabelle Poitou. "C'est un peu culturel et historique : on est dans une ville méditerranéenne."

Cependant, les associations travaillent de plus en plus en synergie, se réjouit l'écologue. "Quelque chose est en train de se passer à Marseille. Nous n'étions pas très bons, cela a mobilisé de plus en plus. Désormais, nous faisons partie des zones de France les plus dynamiques sur la question."

Omerta des composantes des emballages industriels

Les chiffres des déchets abandonnés sont rares, "parce que c'est une pollution qui a mis longtemps avant d'être reconnue comme tel et parce que la méthode est complexe : il faut développer des partenariats avec les services techniques des villes". MerTerre s'affaire à acquérir des connaissances auprès de ces services justement, pour élaborer "une science participative".

Mais aussi engagées que soient les associations, le Parc national des Calanques ou certaines institutions, le cœur de la problématique sanitaire que soulèvent ces déchets est bien plus opaque. "Nous n'avons pas connaissance des formules chimiques des industriels parce que c'est un secret de fabrication". Et tant que ces composantes seront protégées, nous ne connaîtrons pas les molécules chimiques toxiques présentent dans nos déchets plastiques.

Nous respirons les déchets plastiques jetés dans la mer, qui accélèrent le risque de maladies cardio-vasculaires. Nous découvrons le problème une fois qu'il est là. Isabelle Poitou conclut : "le principe de précaution ne peut être appliqué tant que les industriels pourront garder leurs formules secrètes".

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