Du Fentanyl à Marseille ? Alors qu'une nouvelle rumeur court, les autorités font tout pour empêcher une crise des opioïdes

Aux États-Unis, les dérivés du Fentanyl font un mort par overdose toutes les sept minutes. Les autorités sanitaires font tout pour éviter l'arrivée en France de cet opioïde puissant, utilisé par certains comme une drogue.

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Sur une image partagée en story par le compte instagram Chroniques de Mars (suivi par 104 000 personnes) un homme vacille dans les rues de Marseille, le haut du corps complètement flasque, comme vidé. La publication fait réagir les internautes. Chronique de Mars se sent obligé de se justifier : "on sait que c'est du Fentanyl, on ne se moque pas".

Ce médicament, beaucoup plus puissant que l'héroïne, est à l'origine d'une nouvelle vague de décès massifs par overdose aux États-Unis. Est-il vraiment vendu comme drogue dans les rues de Marseille ?

Un médicament et des drogues

"Il faut préciser de quel Fentanyl on parle, précise Joëlle Micallef, directrice du Centre d'évaluation et d'information sur la pharmacodépendance-addictovigilance Paca-Corse et présidente du réseau français d'addictovigilance. Il y a le médicament, qui est utilisé dans le cadre d'une prescription médicale. Il se distingue des drogues de synthèses, dérivées du Fentanyl. Pour éviter les ambiguïtés, on parle de fentanyloïdes."

Sur ces substances et les autres dérivés d'opioïdes, les autorités sanitaires sont très vigilantes. Aux États-Unis, toutes les sept minutes, en moyenne, une personne meurt des effets du Fentanyl. Dans un documentaire diffusé par Le Monde, un cartel mexicain très puissant dit viser un nouveau marché : celui de la France.

"À ce jour, nous n'avons pas de signalement de prise en charge par les urgences d'une personne ayant consommé des substances avec des fentanyloïdes, rassure Joëlle Micallef. Mais nous ne pouvons pas être derrière chaque usager. Le produit est très difficile à repérer dans le sang, en cas d'analyse."

Contrairement à la morphine ou l'héroïne, ces dérivés synthétiques sont très difficiles à détecter lors d'analyses toxicologiques. "Nous ne pouvons pas aller rechercher les plus de 800 produits de synthèse accessibles par internet ou ailleurs."

Face à des situations cliniques inexpliquées, les équipes médicales interrogent l'usager de drogue ou ses proches, pour savoir ce qu'il a consommé.

Un opioïde cent fois plus puissant que l'héroïne

Si l'usage des fentanyloïdes semble marginal en France, les réseaux d'addictovigilance restent en alerte, concernant les opioïdes puissants qui peuvent circuler sur le marché noir.

Dès juillet 2017, le CEIP addictovigilance Paca Corse alertait son réseau (médecins, Samus, services de réanimation, établissements de Santé, etc.) dans un communiqué. Il mettait en garde contre l’ocfentanil, "un opioïde deux fois plus puissant que le fentanyl (donc cent fois plus puissant que l’héroïne)". Synthétisé par des laboratoires clandestins, il est en vente sur internet ou via des revendeurs.

Le document a été diffusé après une série de dix overdoses (dont cinq mortelles) en Auvergne-Rhône-Alpes et un décès par overdose en Corse. Il précise que ces substances peuvent être vendues comme "poudre d'héroïne" ou "poudre de cocaïne", alors qu'elles sont bien plus puissantes. Depuis la diffusion de ce communiqué, les cas d'overdoses à l'ocfentanil semblent marginaux.

Depuis 2020, un programme de "prévention et réduction des risques des surdoses liées aux opioïdes" a été lancé en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. Il vise notamment à informer les professionnels et les usagers sur le risque de surdose, ainsi qu'à augmenter la diffusion de la naloxone, l'antidote spécifique aux opioïdes.

Plus récemment, en décembre 2023, un autre communiqué met en garde contre les nitazènes, autres opioïdes de synthèse. "Ils sont apparus en France au printemps 2023, impliqués dans des clusters d’intoxications graves (avec dépression respiratoire et décès) en Occitanie et sur l’île de la Réunion, rapportés au réseau français d’addictovigilance", prévient le communiqué.

France et Etats-Unis : deux modèles différents

"Nous ne sommes pas dans la situation Nord-Américaine", rassure Joëlle Micallef. "Le système sanitaire et social en France n'est pas le même. L'accès aux soins n'a rien à voir. Dans notre pays, un grand nombre de patients jadis dépendants à l'héroïne reçoivent des traitements de substitution. Il y a un réseau organisé d'addictovigilance. Mais nous surveillons cela de près, ce n'est pas parce qu'on n'est pas touché par quelque chose qu'il ne faut pas tout faire pour l'éviter."

La médecin pharmacologue rappelle que la spécificité française est le mésusage des médicaments antalgiques, type Tramadol ou Oxycodone. "C'est par ce biais-là que des personnes dépendantes à ces médicaments pourraient vouloir prendre des produits plus forts comme les fentanyloïdes", met-elle en garde.

Interrogée sur l'image qui circule sur Instagram d'un toxicomane marseillais présumé, shooté au fentanyl, la spécialiste reste très prudente : "On ne peut pas savoir ce que quelqu'un a pris comme produit en se basant uniquement sur son comportement, tant que l'on n'a pas d'examen clinique et été informé d'autres causes." Par ailleurs, les internautes assimilaient vraisemblablement cette attitude à la "drogue du zombie", elle aussi très présente en Amérique du Nord, qui est en réalité une autre molécule, la xylazine, un anesthésiant, pouvant être mélangé à d'autres substances comme les fentanyloïdes. La rumeur de son arrivée en France revient régulièrement. 

En juin 2023, le gouvernement français a fait voter une loi pour autoriser les douanes à saisir des substances chimiques susceptibles d’être utilisées dans la fabrication de drogues de synthèse, afin d’éviter les "ravages" que fait le fentanyl aux Etats-Unis.

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