Sylvie Hoffman a été infirmière et cadre de santé en poste pendant 40 ans à l'hôpital Nord de Marseille. Pendant un an, Sébastien Lifshitz, réalisateur du documentaire "Les Invisibles" l'a suivi dans son service d'oncologie. "Madame Hoffman" est le résultat de ce long travail.
"Il faut savoir qu’une infirmière tient sept ans maximum dans les statistiques. J’ai tenu 40 ans. Il valait mieux que la carapace soit dure." Ces mots sont ceux de Sylvie Hoffman, cadre de santé en poste depuis 40 ans à l’hôpital Nord de Marseille. Dans Madame Hoffman, Sébastien Lifshitz, Cesar du meilleur film documentaire pour Les Invisibles en 2013, retransrit un an auprès de l'infirmière. Découvert au Festival des Arcs, ce documentaire est diffusé mercredi 6 mars en avant-première au cinéma l’Alhambra, à Marseille.
Si durant le tournage, elle s’interrogeait sur le fait de prendre sa retraite, aujourd’hui c’est chose faite et la voilà retraitée, "enfin !". Pour France 3 Provence-Alpes, elle revient sur cette longue carrière qu’elle a faite au cœur de l’AP-HM.
France 3 Provence-Alpes : Vous avez passé 40 ans au service des autres. Ça a été compliqué ?
Sylvie Hoffman : Ça a été passionnant. Je crois que j’ai fait le plus beau métier du monde : aider les gens, sauver des vies… C’est le plus beau métier du monde, mais c’est aussi celui qui vous détruit le plus de l’intérieur.
En moyenne, une infirmière fait une carrière de sept ans, vous avez fait une carrière de 40 ans...
Quarante ans durant lesquels j’ai beaucoup changé de service, j’ai vu de multiples pathologies, j’ai rencontré des gens extraordinaires. Et c’est une carrière durant laquelle on apprend beaucoup, puisque j’ai fait 40 ans dans des CHU de Marseille, dans des établissements universitaires où vous apprenez constamment. J’ai passé 40 années à apprendre.
Dans ce documentaire, on voit à quel point c’est compliqué, pour une cadre, de trouver du personnel...
Surtout qu’il ne faut pas oublier que le documentaire a été tourné pendant le Covid. Le tournage a commencé dès la fin de la première vague. Donc, on avait le problème des patients qui étaient contaminés, mais moi, en tant que cadre, j’avais le problème d’avoir mon personnel contaminé. Il fallait à tout prix que je trouve des remplaçants. On ne peut pas faire tourner un service sans infirmières ni aides-soignantes.
C’est l’année qui vous a fait basculer et vous a poussé à partir ?
C’est ça. C’est cette année où je me suis dit "ce n’est plus possible, je ne peux plus vivre avec autant de stress". Ces conditions n’ont pas été sans conséquence puisque j'en ai perdu l’audition à droite, à cause d’une accumulation de stress. Les gens ne peuvent pas imaginer comme c’était horrible de voir autant de morts. On était en guerre à l’hôpital, à ce moment-là.
En 40 ans de carrière, est-ce que vous avez vu la situation empirer ?
Oui, j’ai vu les choses se dégrader, au niveau du manque de personnels et de moyens. Mais ce qui nous a le plus gêné, c'est le manque de personnel. Il faut vraiment que les jeunes se décident à venir travailler à l’hôpital. C’est là où on apprend le plus, où on a une carrière épanouissante. À l’hôpital, on manque énormément de personnel.
Je conseille ce métier pour avoir une vie épanouie, pour apprendre, pour rencontrer des gens passionnants, être là dans les meilleurs moments de vie des patients. Pour le salaire, malheureusement, il faudrait qu’un petit effort soit fait pour stimuler la nouvelle génération à venir travailler dans les hôpitaux.