La question des migrants sera au cœur du message papal lors de la visite du souverain pontife à Marseille. Un symbole "extrêmement fort et puissant" pour la directrice adjointe de SOS Méditerranée, Fabienne Lasalle, qui a répondu à nos questions sur les attentes de l'ONG vis à vis de la venue du souverain pontife.
Dans la continuité de ses précédentes prises de positions, le Pape François va consacrer une grande partie de sa visite à Marseille au drame des migrants décédés en mer Méditerranée.
L'occasion de remettre au devant de l'attention du public et des décideurs politiques, le sujet du sauvetage des naufragés, nous explique dans un entretien, Fabienne Lasalle, directrice adjointe de SOS Méditerranée.
France 3 Provence Alpes : Le pape François, durant sa visite à Marseille, va rendre hommage aux migrants disparus en mer. Que vous inspire ce symbole ?
Fabienne Lasalle : Il est extrêmement fort et puissant. Le pape François est, ne l'oublions pas, le seul chef d'État et l'une des rares personnalités publiques d'envergure internationale qui prenne la parole pour dénoncer les naufrages à répétition en Méditerranée. Il rappelle qu'on ne peut pas rester indifférent face à ces disparitions donc ce sera un moment très fort très important pour nous dont la mission est d'aller secourir les personnes.
La mer Méditerranée est l'axe migratoire le plus mortel au monde. Nous allons prochainement commémorer une triste date, les 10 ans du naufrage de Lampedusa, le 3 octobre 2013 [NDLR: la catastrophe avait fait au total 266 victimes]. L'événement avait largement ébranlé l'opinion publique à l'époque. Dix ans plus tard, la situation ne s'est pas du tout améliorée. Au contraire, elle n'a fait que de se détériorer : la situation est catastrophique avec un nombre de naufrages impressionnant, plus de 2000 cette année.
Pensez-vous que la position du Pape puisse changer les choses ?
C'est une vraie opportunité de mettre au-devant de l'attention médiatique et du grand public, le drame qui se déroule en Méditerranée.
La voix du Pape est évidemment écoutée, compte tenu du nombre de personnes et de l'opinion publique qui le suivent assidûment, donc forcément elle aura une portée. Je pense qu'elle peut entraîner une inflexion sur nos gouvernants qui ne peuvent pas passer outre cette parole. Alors est-ce que ça aura vraiment des effets visibles et rapides ? J'en doute malheureusement. Mais en tout cas cela remet clairement ce sujet au-devant de la scène et qui ne peut plus être mis sous le tapis.
Qu'attendez-vous des Rencontres Méditerranéennes ?
À l'invitation du diocèse de Marseille, SOS Méditerranée sera présente, même si nous ne sommes pas une ONG à caractère religieux. Nous sommes heureux de pouvoir être associés à des temps forts de la venue du pape. Nous participerons aux échanges quand la question du drame humanitaire en Méditerranée sera évoquée, notamment sur le sujet des sauvetages.
Le Pape François va s'entretenir ce samedi avec Emmanuel Macron. Que pourrait-il lui demander ?
De rappeler au président de la République qu'il n'est pas acceptable moralement, et aussi légalement, de laisser mourir des personnes en mer. Et que la solidarité, l'humanité, doit s'exprimer de la part de tous les pays européens, donc de la France, pour éviter tous ces morts en Méditerranée. Le Pape pourrait évoquer cette obligation morale et demander au président de mettre en œuvre des moyens pour constituer une force européenne navale pour aller secourir les naufragés, qui n'existe plus depuis 2014.
Que pourrait évoquer le Pape par rapport à la crise migratoire actuelle à Lampedusa ?
Cette question de l'accueil dépasse un peu la problématique du sauvetage en mer sur laquelle nous sommes, mais en fait elles sont liées. Si l'accueil trouvait une réponse entre les pays européens, l'Italie ne serait plus confrontée aux difficultés auxquelles elle doit faire face seule. Donc je pense que le Pape pourrait appeler, là encore, à une solidarité des États européens pour accueillir ces personnes.