"J’ai peur pour mon entreprise, mes salariés et mes clients", la mobilisation ne faiblit pas contre la salle de shoot à Marseille

Depuis l'annonce du projet d'installation de "halte soins addiction", "salle de consommation à moindre risque" autrement dit "salle de shoot" au 110 boulevard Libération dans le 4e arrondissement à Marseille ; la mobilisation ne faiblit pas. Riverains, parents d'élèves, et commerçants sont vent debout contre ce projet jugé "inadapté et fait à la va-vite".

Ce lundi 27 novembre, une nouvelle mobilisation est prévue contre le projet de "halte soins addiction" plus connue sous le nom de "salle de shoot" à Marseille. Le projet doit voir le jour, en 2024 au 110 boulevard de la Libération, dans le 4e arrondissement de Marseille. Depuis l'annonce du projet, la municipalité et plus particulièrement Michèle Rubirola, 1ere adjointe, en charge de la santé qui porte le projet "n'a procédé à aucune consultation publique" selon le collectif de défense du quartier. Après de nombreuses manifestations des commerçants, riverains, parents d'élèves, les différents acteurs et partenaires de ce projet, l'ARS, l'AP-HM, la préfecture, l'association ASUD Mars Say Yeah ont rencontré les présidents des CIQ, puis les chefs d'établissements mais jamais les riverains ni les parents d'élèves des établissements concernés et encore moins les commerçants.

"Un «flyer » non nominatif, anecdotique et « mal ficelé »

Ce jeudi 23 novembre, certains commerçants ont eu la visite d'employés municipaux qui leur ont déposé des prospectus les conviant à une réunion d'information. "Un «flyer » non nominatif, anecdotique et « mal ficelé »", dénonce le "collectif Citoyen Enfants-Libération".

Cette réunion doit se tenir ce lundi à 9h. "Quel sens du timing, nous sommes pour la plupart fermés le lundi", lance un commerçant qui s'étonne du choix du jour et de l'horaire. "On aurait voulu que personne vienne, qu'on ne s'y serait pas mieux pris", ironise sa voisine. "C'est comme s'ils faisaient semblant de vouloir nous recevoir, en sachant que nous ne serons pas nombreux, ils limitent la contestation", analyse une commerçante très impliquée dans la lutte.

"Les rues adjacentes et même les trois quarts du Boulevard (côté 1er arrondissement), n’ont même pas eu cette chance, alors qu’une zone d’impunité pénale d’environ 300 mètres est prévue autour de ce lieu !", s'agace le collectif.

"Cette mascarade", déplaît fortement et les commerçants se sont rassemblés pour en parler et ont décidé d'une action commune et symbolique.

"Les commerçants ne se rendront pas à cette « réunion »"

"Les commerçants ne se rendront pas à cette « réunion » qui pour eux est une mascarade, mais ils se feront entendre devant le 110 lundi matin à 9h et réclameront un vrai débat !", annonce le collectif.

Depuis l’annonce ce 13 octobre du projet d’ouverture de la HSA, les commerçants sont "dans l'angoisse de ce qui nous attend". Ils se sont regroupés et ont pris contact avec leurs homologues parisiens du quartier Lariboisière/Gare du Nord. Les témoignages ne les rassurent absolument pas. "Les toxicomanes dorment sur nos paillassons, on doit les enjamber etc.", sont les exemples de témoignages que les commerçants marseillais reçoivent de leurs confrères parisiens.

"J’ai peur pour mon entreprise, mes salariés, mes clients, peur pour notre sécurité", indique cette commerçante qui souhaite garder l'anonymat. "Notre secteur déjà impacté par des difficultés de recrutement liées à un rythme de vie peu commun, à des conditions de travail parfois difficiles. Comment garantir des soirées de travail sécurisées avec des usagers en manque ou pas sur nos terrasses à ce jour exemptées de toximanes de rue, de dealers", s'interroge-t-elle.

Elle va plus loin, c'est de sa sécurité personnelle qu'il est question : "Comment en tant que femme, fermer son commerce et rentrer chez soi à pieds sans boule au ventre ?".

Un autre commerçant met en avant que "la qualité de vie et la sécurité du quartier vont être mises à rude épreuve", insiste-t-il, " avec un commerce de drogues dures qui va se développer aux abords du boulevard".

Pour les défenseurs de ce quartier, il est certain que "les toxicomanes viendront consommer leur produit au sein de la HSA et il est évident que les dealers se déplaceront pour être au plus proches de leurs clients".

"Ils veulent faire pencher le boulevard de la Libération vers l’enfer"

"Nous n’en dormons plus et sommes en colère face à cette décision prise sans concertation qui impactera sans aucun doute un quartier sain mais comme souvent à Marseille ou l’équilibre ne tient qu'à un fil. Ils veulent faire pencher le boulevard de la Libération vers l’enfer"; se désespère cette commerçante.

"Nous avons une pharmacie très proche de la future HSA et nous sommes très en colère de ne pas avoir été informés, interrogés", expliquent ces professionnels de santé.

En insistant sur le fait qu'à l'heure actuelle, "il n'y a aucun toxicomane, aucune seringue au sol, c'est un quartier familial, où de nombreuses personnes âgées font leurs courses et à proximité de 5000 enfants des écoles, collèges, lycées et crèches alentour"
"Le peu d’usagers qui viendront à la HSA (car le public à qui cette structure est destinée n’est pas là) va malgré lui importer des nuisances qui ne pourront être empêchées faute de moyens. Cela aura un impact certain sur la population de tout âge qui pour l’instant n’était pas impactée par les nuisances dues à la toxicomanie et par là même sur leur santé", insistent ces pharmaciens et pharmaciennes du quartier.

Avant de conclure : "« Primum non nocere » « en premier, ne pas nuire ». C'est le premier principe de prudence appris aux étudiants en médecine et autres métiers de santé. Pourquoi le DR Rubirola le trahit ainsi ?", s'interrogent ces professionnels de la santé.

"Je suis en colère et je me battrais pour préserver la quiétude de ce beau quartier", insiste une autre  commerçante.

Elle craint de perdre tout ce qu'elle a investi.

"Il serait catastrophique de devoir baisser le rideau"

"Depuis 7 ans, j’ai investi beaucoup d’énergie, de temps et d’argent pour proposer un commerce de qualité et il serait catastrophique de devoir baisser le rideau (comme c’est le cas de commerces à Paris) pour un projet imposé sans aucune concertation publique", détaille cette commerçante.

Pour certains commerçants c'est l'impasse, "impossible de vendre maintenant et la perte de clientèle sera désastreuse".

Un commerçant historique du quartier, dont le commerce se transmet de "génération en génération" exprime ses vives "préoccupations" concernant le projet d’implantation d’une halte soins addiction, ou “salle de shoot”, dans le quartier. Au cœur "d’une zone animée par de nombreux commerces de proximité et caractérisée par une vie paisible", il souligne "l’absence de logique" à introduire un tel établissement là "où la toxicomanie n’est pas un problème avéré". Avec une présence importante d’écoles, collèges, lycées et autres établissements accueillant des enfants". Ce monsieur "craint que cette initiative ne compromette la sécurité et la quiétude d’un quartier jusqu’ici préservé de tels enjeux". "Je m'oppose fermement à cette implantation", plaidant "pour la préservation de la qualité de vie et de l’environnement sûr qui caractérisent le Boulevard de la Libération".

"D’un point de vue purement commercial, mais dont la répercussion sociale est indéniable, nous allons perdre du chiffre d’affaires", indique une autre commerçante qui se réfère à ce que lui ont indiqué ses homologues parisiens du quartier Lariboisière-gare du nord. "30% de perte de chiffre d’affaires des commerçants de Lariboisière à Paris, où préexistait pourtant la toxicomanie de rue, nous allons de ce fait licencier, certains commerces à l’équilibre actuellement vont tout simplement fermer, le quartier va se paupériser et être dévalué".

"Nous avons tous investi énormément d’argent, de temps et d’énergie pour développer la qualité de vie de ce quartier. Nous nous battrons pour la préserver", annonce une commerçante angoissée par ce projet.

Une mobilisation forte

Depuis le 13 octobre et l'annonce du projet, la surprise a laissé place à l'organisation et à la mobilisation. Une pétition est en ligne et rassemble plus de 10 000 signatures. Le 6 novembre dernier, un rassemblement a eu lieu devant le futur lieu choisi par la municipalité, alors que les différentes parties prenantes dans de dossier rencontraient les présidents de CIQ. Le 18 novembre, près de 400 personnes ont participé à "une marche colorée et festive" pour montrer leur opposition au projet entre le centre Fissiaux et le 110 boulevard de la Libération.

Le 21 novembre, une centaine de personnes s'est rassemblée devant le conseil municipal de la mairie des 4 et 5e arrondissements pour protester.

Michèle Rubirola veut rassurer

"Je suis en attente de la publication du décret par le ministère de la Santé pour pouvoir faire des réunions collectives avec la population", explique Michèle Rubirola, adjointe au maire de Marseille en charge de la santé. Car c'est au ministère d'entériner l'implantation de cette halte soin addiction (HSA) à Marseille.

Sur les questions de sécurité, la première adjointe se veut rassurante : "cela existe dans 90 villes sur huit pays. On ne part pas de rien du tout. Il y en a déjà deux en France, à Paris et Strasbourg. Marseille serait le troisième dispositif en France. On a une évaluation de l'Inserm qui montre des avantages sur le plan sanitaire, sur le plan sécuritaire et sur le plan de l'insertion sociale."

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